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Standing ovation ! Lorsque Kyle MacLachlan est monté sur scène lors de la cérémonie d'ouverture du festival Canneséries saison 7 pour y recevoir un prix récompensant l'ensemble de sa carrière, le Palais des festivals s'est levé d'un seul homme, suscitant un sourire, entre surprise et gêne, de la part de l'intéressé. Une émotion d'autant plus palpable que l'acteur venait de découvrir sur grand écran le message de soutien enregistré par son grand ami le cinéaste David Lynch lui-même.
Une petite vidéo filmée au smartphone, comme en font les amis qui vous tiennent la main dans les mauvais et les bons moments, imprégnée de tendresse et d'humour, le metteur en scène rappelant que Kyle (qu'il prononce Kayle) ressemble toujours autant à « un chihuahua mexicain », en référence à une réplique culte de la série Twin Peaks.
Élégant, Kyle MacLachlan, le cheveu argenté, a chaleureusement remercié les organisateurs du festival, mais aussi les fans sans lesquels il ne serait rien, a-t-il précisé, avant de féliciter, comme ces grands timides qui ne souhaitent pas accaparer trop longtemps la lumière, le comédien Bertrand Usclat, chargé d'animer la soirée.
Cette classe, Kyle MacLachlan ne s'en est pas départi une minute au cours de son séjour cannois. Que ce soit pendant l'interview qu'il a accordée au Point Pop ou tout au long de la master class d'une heure qu'il a tenue devant une salle conquise et enamourée, composée de sériephiles de tous les âges, répartis entre les fans de Twin Peaks (venus en masse), Sex and the City ou Desperate Housewives, dont il a illuminé de son nom les génériques.
Et de répondre sans ambages à toutes les questions, et pas uniquement, promo oblige, à celles portant sur sa dernière série, Fallout, disponible le 11 avril prochain sur Prime Video, tirée de la série de jeux vidéo du même nom et présentée en avant-première sur la Croisette.
Avec humour et intelligence, l'acteur de 65 ans (« oh, mais non, il ne les fait pas ! », s'exclameront, unanimes, tous les participants de Canneséries dans cette bienveillance un brin surjouée que seules les ambiances de festivals savent soulever) s'est confié sur sa carrière, ses partenaires, sa relation avec David Lynch, sans même botter en touche lorsqu'a été évoquée la récente version de Dune, lui qui fut le premier, sous la direction de David Lynch, à donner vie à Paul Atréides, le héros imaginé par Frank Herbert.
Son rôle dans la très attendue série Fallout
Lorsque Jonathan Nolan, le frère de Christopher, à qui l'on doit les séries Person of Interest et Westworld, l'a contacté pour intégrer le cast de Fallout, adaptation du jeu vidéo lancé en 1997, Kyle MacLachlan n'a pas hésité longtemps : « J'avoue que le rôle était un challenge pour moi… D'abord parce que j'avais quelques scènes de combat et puis je jouais le rôle d'un père [de Lucy, incarnée par Ella Purnell, NDLR], ce que je n'avais jamais fait auparavant… » Il l'assure : la prise de risque reste un moteur pour lui. « Même si je dois avouer que j'ai encore le trac quand je prends un rôle, quel qu'il soit. »En outre, l'acteur reconnaît bien volontiers avoir accepté de s'embarquer dans cette grande aventure sans savoir quoi que ce soit du jeu vidéo dont il est inspiré : « Mon fils a 15 ans, mais il est trop occupé à travailler en classe pour jouer… En revanche, mes neveux connaissaient très bien le jeu. Et j'ai senti que leur regard sur moi avait subitement changé le jour où ils ont appris que j'allais jouer dans cette série », ajoute-t-il avec humour.
Twin Peaks, la plus grande réussite de sa carrière
Oui, Kyle MacLachlan le sait bien : Twin Peaks, qui a révolutionné l'univers des séries en 1990 en mêlant subtilement ingrédients du soap, du thriller et du fantastique, reste le plus gros succès de sa carrière. « Du moins, jusqu'à nouvel ordre », s'amuse-t-il. « Dale Cooper est très certainement mon personnage préféré dans tout mon parcours », nous confesse-t-il. « Je ne suis pas certain que j'aurais accepté à l'époque de jouer dans une série télé si David Lynch n'en avait pas été aux commandes. Il avait imaginé ce rôle de flic du FBI pour moi. Moi, je craignais plutôt d'être un peu jeune pour le rôle, je n'avais que 28 ans. Mais, comme souvent dans mon parcours, David a su trouver les mots pour m'aider à retrouver ma confiance. »Le rôle l'a tellement marqué que Kyle MacLachlan se souvient encore de certains de ses fameux monologues, notamment ceux tirés du pilote. Preuve à l'appui, pendant la diffusion d'un court extrait de la série lors de sa master class. « On avait tourné ce pilote sans penser que la chaîne ABC commanderait une série derrière… Pour nous, il ne s'agissait que d'un téléfilm programmé tard un soir de semaine. Ça a donc été une surprise. Mais ce n'est qu'au moment de sa diffusion que l'on a pris conscience du phénomène, notamment quand, à la fin de la première saison, tout le monde se demandait qui avait tué Laura Palmer… »
Serait-il prêt pour autant à retrouver ce personnage, plus de sept ans après la surprenante troisième saison de la série, dans laquelle il interprétait trois personnages ? « Oui, évidemment, ce serait un cadeau. » En revanche, si Hollywood dégainait un de ces reboots dont il le secret, à défaut d'avoir des idées, Kyle MacLachlan est formel : « Non, je ne regarderais pas… Mais je ne pense pas que quelqu'un ait envie un jour de tenter l'expérience. »
Desperate Housewives, tout pour Marcia Cross
« C'est Marc Cherry qui est venu me proposer le rôle d'Orson Hodge. » Le showrunner de Desperate Housewives, comme beaucoup d'autres créateurs, avait lui aussi été « très influencé par Twin Peaks, et par le personnage de Dale Cooper ». « D'ailleurs, sans Dale Cooper, il n'y aurait pas eu d'Orson Hodge. Tous mes personnages ont finalement toujours été très influencés par Dale », analyse-t-il. « Au départ, je ne devais être qu'un guest le temps de quelques épisodes, mais ils m'ont finalement rappelé. J'avais de nombreuses raisons d'accepter : la série était un vrai phénomène, le rôle était différent de ce que j'avais déjà joué et puis… le plateau était à dix minutes de chez moi. Ça compte, non ? » lance le comédien durant sa master class.
Si c'est son couple avec Bree Van de Kamp, tenu par Marcia Cross, qui va marquer les esprits, le comédien rappelle qu'au départ son intrigue amoureuse devait plutôt concerner Susan (Teri Hatcher). « Mais je suis très heureux d'avoir eu la chance de tourner avec Marcia. Nous sommes tous les deux passés par la Juilliard School de New York et nous avions donc la même façon de travailler. Ça a été un vrai régal de lui donner la réplique pendant six saisons. »
Ne comptez pas sur lui, en revanche, pour s'épancher sur les querelles entre comédiennes qui agitaient les coulisses de la série. Sûrement guidé par son élégance, il assure n'avoir jamais assisté à un quelconque conflit. Idem pour les crêpages de chignons au sein de Sex and the City, dont on saura seulement que sa partenaire Kristin Davis était « adorable ».
Plus de 13 ans après, les fans du feuilleton n'ignorent pas qu'Orson a été laissé pour mort sans que l'on soit certain qu'il se soit réellement suicidé, laissant une porte ouverte à un éventuel retour. Un téléfilm spécial le tenterait-il ? « Oui, pourquoi pas ? » nous assure-t-il… sans grande conviction. « Surtout si je peux retrouver Marcia Cross », se rattrape-t-il.
Ce qu'il a pensé du Dune de Denis Villeneuve
N'allez pas croire qu'évoquer le carton international de Dune et Dune : deuxième partie puisse créer un quelconque malaise chez Kyle MacLachlan, qui joue plutôt dans la cour des humbles, même si la version à laquelle il a collaboré est loin d'avoir remporté l'adhésion du public et de la critique en 1984. « J'étais tout jeune, j'avais seulement 24 ans, je n'avais jamais joué devant une caméra. Et j'étais un fan inconditionnel des romans de Frank Herbert. J'étais très intimidé à l'idée d'incarner un personnage aussi complexe et intérieur que Paul Atréides. Mais, vous savez, en réalité, il ne s'agissait pas d'une simple adaptation. David [Lynch, NDLR] y a apporté sa patte, son univers », raconte-t-il, toujours admiratif du travail de son aîné, avec qui il a lié depuis une profonde amitié.
Pour autant, il ne tarit pas d'éloges sur le travail accompli par Denis Villeneuve sur la nouvelle version de Dune. Timothée Chalamet est-il à la hauteur du personnage ? « Oui, il a fait un travail extraordinaire et crédible de bout en bout. » Devant le public de sa master class, le comédien se laisse aller tout de même à une petite remarque teintée d'humour. « Timothée Chalamet et Zendaya, sa partenaire, sont excellents, ils sont très sophistiqués et surtout ils connaissent parfaitement le business et savent très bien choisir leurs rôles. Moi, à l'époque je ne savais rien des règles de Hollywood, je n'avais rien calculé ; j'avais juste envie d'être à la hauteur de la confiance que m'accordait David Lynch. Et je n'avais aucun plan de carrière… »
Twin peaks etait une grande réussite, totalement atypique mais une grande réussite.