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Blockbuster hollywoodien par excellence, mastodonte porté par Warner, Dune : deuxième partie est une réussite où brillent des talents venus de toute la francophonie. De là à dire qu'une French Connection a fait main basse sur l'adaptation de l'œuvre culte de Frank Herbert, il n'y a qu'un pas que l'on franchit allégrement.
Le chef d'orchestre de Dune ? Un Québécois : Denis Villeneuve. Après avoir débuté dans l'industrie canadienne avec des films comme Un 32 août sur Terre, sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un certain regard en 1998, il s'est peu à peu forgé une place aux États-Unis, où il s'est emparé, notamment, du genre de la science-fiction, sans perdre sa sensibilité d'auteur.
Pour preuve : les acclamés Premier Contact (2016), Blade Runner 2049 (2017) et Dune : première partie (2021). Dans son équipe, on compte des collaborateurs de longue date, eux aussi canadiens francophones, dont celle qui partage sa vie, Tanya Lapointe. Passée par le journalisme, cette productrice et réalisatrice – elle a notamment signé le documentaire Lafortune en papier (2020) – a travaillé sur Premier Contact et Blade Runner 2049, puis elle est devenue productrice exécutive sur Dune : première partie.
Sur la suite de Dune, elle a enfilé les casquettes de productrice et de réalisatrice deuxième équipe. Par exemple, c'est elle qui a conduit, en coordination avec Denis Villeneuve, la formidable séquence où le héros, Paul Atréides (Timothée Chalamet), doit réussir à dompter un ver des sables. Autre collaborateur majeur du metteur en scène : Patrice Vermette, chef décorateur. Il a officié sur six des films de Denis Villeneuve : Prisoners (2013), Enemy (2014), Sicario (2015), Premier Contact (2016), Dune et sa suite (2021 et 2024). En 2022, il a décroché de multiples récompenses pour Dune : première partie, dont un oscar et un bafta.
Quand Robert Charlebois résonne en plein désert
La tête d'affiche de Dune n'est ni plus ni moins que Timothée Chalamet, nouvelle star du cinéma mondial, certes de nationalité américaine mais dont la famille est en partie française, et qui s'exprime parfaitement dans la langue de Molière. Auréolé du récent triomphe de Wonka (2023), il a donc renfilé son costume de Paul Atréides, le protagoniste de Dune, qu'il incarne avec un charisme saisissant. Du côté français, Léa Seydoux a rejoint l'aventure pour ce deuxième opus.
À LIRE AUSSI « Dune », « Blade Runner 2049 », « Sicario » : 9 films de Denis Villeneuve classés du pire au meilleurHabituée à figurer dans de grosses productions hollywoodiennes, du Robin des Bois de Ridley Scott (2010) à la saga James Bond (Spectre, 2015, Mourir peut attendre, 2021), en passant par Mission impossible : protocole fantôme (2011), elle incarne ici Dame Margot Fenring, membre de l'ordre religieux du Bene Gesserit. Et puis il y a un Français qu'il ne faudrait pas oublier : Fabien Enjalric. Il n'apparaît pas à l'écran, mais il a été essentiel : il a été le coach linguistique des comédiens pour appréhender la langue Fremen, nommée Chakobsa.
Jusqu'ici, Fabien Enjalric a aussi accompagné, pour d'autres films, séries ou pièces de théâtre, des personnalités comme Helen Mirren, Saoirse Ronan, Chris Pine ou encore Tahar Rahim. Enfin, la francophonie, c'est, entre autres, la Suisse, que représente Souheila Yacoub. Dans Dune : deuxième partie, elle endosse le rôle de la guerrière Fremen Shishakli, proche de Chani (Zendaya). On connaît Souheila Yacoub depuis 2018, année où elle a débuté dans Climax de Gaspar Noé, mais c'est Cédric Klapisch qui la révèle au grand public avec son film à succès En corps (2022). On l'a vue début janvier dans la comédie de Cédric Kahn Making Of.
Dune : deuxième partie a été un tournage de dimension internationale, qui s'est déroulé entre le Moyen-Orient et le Vieux Continent (Abu Dhabi, Jordanie, Hongrie, Italie) et où plusieurs langues différentes étaient parlées – l'anglais étant celle qui réunissait tout le monde. Mais le français a quand même trouvé une place singulière. Timothée Chalamet et Denis Villeneuve échangeaient dans notre langue, un des facteurs à la base de leur complicité, tandis que, lorsque les Canadiens de l'équipe s'accordaient une pause musicale, on pouvait entendre du Robert Charlebois résonner dans le désert de Jordanie !
La révolution du blockbuster est en marche
Au-delà de cette présence francophone, qui rayonne à l'échelle planétaire, et reste l'une des richesses de Dune : deuxième partie, il est notable qu'un natif du Québec, venu de l'art et essai, insuffle sa vision si personnelle du cinéma dans un genre – le blockbuster – apparu souvent insipide ces dix dernières années ou qui a dévoré celles et ceux qui s'y sont frottés. Comme Denis Villeneuve, d'autres, au parcours similaire, ont réussi l'exploit de ne pas se faire broyer par la machine hollywoodienne. Le Mexicain Alfonso Cuaron, qui a acquis une notoriété avec Et… ta mère aussi ! (2001), a réalisé l'un des meilleurs – si ce n'est le meilleur – films de la saga Harry Potter (Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, 2004) et l'un des thrillers d'anticipation les plus marquants du 7e art : Les Fils de l'homme (2006).
Sans oublier le trépidant survival spatial Gravity (2013). Le Taïwanais Ang Lee, connu pour Salé sucré (1994) et Raisons et sentiments (1996), a impressionné avec Tigre et dragon (2000), Hulk (singulière vision psychanalytique du célèbre super-héros, en 2003) et L'Odyssée de Pi en 2012. Et rappelons que James Cameron et Christopher Nolan ne sont pas américains, mais respectivement canadien et britannique…
Alors, le blockbuster made in Hollywood ne se porte-t-il jamais mieux que quand des cinéastes venus d'autres contrées se l'approprient ? Pas si simple. Si Villeneuve, Nolan, Cuaron, Lee et d'autres y apportent un souffle nouveau, des Américains ont aussi récemment contribué à la réinvention du blockbuster, à l'instar de Joseph Kosinski avec Top Gun : Maverick (2022) et de Greta Gerwig avec Barbie (2023). Finalement, à qui l'avenir du genre appartient-il ? Tout simplement aux grands artistes, d'où qu'ils viennent.