Interview

« Reacher » : la gentille brute revient pour une saison 2

INTERVIEW. La nouvelle saison de la série policière débarque sur Prime Video ce 15 décembre. Le romancier Lee Child revient sur la genèse de son héros pas comme les autres.

Propos recueillis par Ilan Ferry

Alan Ritchson joue Jack Reacher dans la série, dont la saison 2 est en ligne sur Prime Video à partir du 15 décembre 2023.
Alan Ritchson joue Jack Reacher dans la série, dont la saison 2 est en ligne sur Prime Video à partir du 15 décembre 2023. © Amazon Studios

Temps de lecture : 6 min

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Relativement inconnu chez nous, l'écrivain Lee Child jouit outre-Atlantique d'une renommée digne d'un Michael Connelly (Harry Bosch) ou d'un Harlan Coben (Safe). Lorsque, en 1997, il invente le personnage de Jack Reacher, ex-enquêteur de la police militaire défendant la veuve et l'orphelin au gré de ses pérégrinations, ce transfuge de la télévision britannique devenu écrivain ne s'attend pas à ce que son héros rejoigne le panthéon des plus fins limiers de la littérature. La saga Jack Reacher, ce sont aujourd'hui 28 romans publiés en 49 langues sur 101 territoires, vendus à près de 100 millions d'exemplaires.
Un bilan impressionnant à la hauteur de la stature de son héros, colosse de 1,96 m, sorte de croisement entre Sherlock Holmes et Arnold Schwarzenegger dopé aux hormones de croissance. Un personnage que Lee Child a littéralement bâti à son image, tant d'un point de vue physique (l'auteur mesure 1,93 m) que personnel.

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Incarné deux fois au cinéma – sans grande conviction – par Tom Cruise dans Jack Reacher, de Christopher McQuarrie (2012) et Jack Reacher : Never Go Back, d'Edward Zwick (2016), l'enquêteur casseur de bras se refait une santé sur le petit écran dans Reacher sous les traits de l'impressionnant Alan Ritchson. À l'occasion de l'arrivée de l'excellente saison 2, ce vendredi 15 décembre sur Prime Video, nous avons rencontré Lee Child, dont le franc-parler est aussi percutant qu'un coup de poing de son héros !

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Le Point : Comment est né le personnage de Jack Reacher ?

Lee Child : D'une nécessité. Pendant dix-huit ans, j'ai travaillé pour une chaîne de télévision à Manchester. J'aimais beaucoup mon travail et y étais très heureux. Dans les années 1990, elle a été rachetée par un grand groupe, qui a décidé de faire davantage d'économies et de profits. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé au chômage, à l'âge de 39 ans, sans la moindre idée de ce que je pourrais faire. Il m'a fallu prendre du recul et penser à un nouveau moyen de mettre à profit le seul talent que j'avais : savoir divertir le public. Lecteur assidu depuis mon plus jeune âge, l'écriture d'un livre me paraissait être une étape logique à ce stade de ma carrière. Je savais par expérience que les lecteurs ne s'attacheraient pas à un héros préfabriqué : on ne dessine pas un personnage de fiction comme on dessine une voiture. J'ai donc sciemment ignoré tous les codes habituels.

Quelles ont été vos influences ?

Rétrospectivement, je pense que Jack Reacher est un mélange de tout ce que j'ai pu voir, écouter et lire au cours de ma vie. Enfant, j'étais fasciné par le mythe de David contre Goliath, et je me suis toujours demandé quelle aurait été l'issue du combat si Goliath avait été le gentil à la place de David. C'est pour ça que j'ai fait de Jack Reacher un héros grand, massif et fort. Ce qui était un pari risqué dans la mesure où le public s'identifie davantage à l'outsider, l'opprimé qui va prendre sa revanche sur la brute. Ici, le héros est la brute, mais une gentille brute.

Reacher s’inscrit dans la tradition de Sherlock Holmes, à savoir un fin limier qui peut tout aussi bien se servir de sa tête que de ses poings.

Vous êtes d'origine britannique et, pourtant, votre héros est américain, ex-militaire qui plus est ; pourquoi ce choix ?

Après avoir perdu mon emploi, j'ai nourri une sorte de rejet de l'Angleterre. Créer un personnage américain, c'était une manière d'échapper mentalement à mon quotidien. D'autre part, je voulais que Jack Reacher soit un personnage libre, sans attaches ni pitié, et qui puisse vagabonder partout sans attirer l'attention, ce qui est impossible en Angleterre, pays petit et dense. Cette idée d'errance, d'attachement à la terre, est une caractéristique que l'on retrouve chez beaucoup d'anciens militaires qui peinent à s'acclimater à la vie civile. Qui plus est, faire de Jack Reacher un vagabond, cela me laissait plus de libertés et élargissait le champ des possibles. Cet ancrage dans la culture et le paysage américains répond principalement à des contraintes narratives.

Jack Reacher tranche avec le cliché d'un Monsieur Muscle sans cervelle…

C'est un contraste totalement conscient de ma part. Généralement, les personnages d'enquêteurs capitalisent davantage sur leur intellect que sur leur force physique. Je voulais créer un héros qui combine les deux. Reacher s'inscrit dans la tradition de Sherlock Holmes tel que décrit par Sir Arthur Conan Doyle, à savoir un fin limier qui peut tout aussi bien se servir de sa tête que de ses poings.

Aviez-vous déjà un acteur en tête pour incarner Reacher quand vous écriviez ses aventures ?

Non, Reacher a toujours été un personnage qui échappait à toute représentation physique. En l'écrivant, je voulais laisser l'opportunité au lecteur de se faire sa propre image du personnage, c'est pour cela que je le décrivais très sommairement dans les romans. Chacun peut se construire le Reacher qui lui plaît : certains le voient avec des cheveux bruns, d'autres avec des cheveux blonds…

Comment expliquez-vous le succès de vos romans ?

Cela tient tout simplement au personnage de Jack Reacher, qui est une version modernisée du justicier mystérieux et solitaire arrivant toujours au moment opportun. Au Moyen Âge, ces héros étaient appelés « chevaliers errants », des nobles déchus qui couraient le pays en aidant les opprimés. L'archétype a traversé les âges et les frontières : de la Scandinavie aux pays anglo-saxons en passant par les mythes de la Grèce antique. De tout temps, la figure du héros providentiel n'a cessé de nourrir nos fantasmes. Reacher n'est rien d'autre qu'une émanation de ce fantasme. C'est une figure qui ne cessera d'être réinventée encore et encore. Il y aura toujours des Jack Reacher, mais sous des formes différentes.

À LIRE AUSSI « 007 : Road to a Million » : que vaut cette émission de télé-réalité inspirée de James Bond ? Avez-vous collaboré à la série ?

Pour qu'un projet soit réussi, il faut trouver la bonne équipe, réunir les bonnes personnes et les laisser travailler ensemble. Cela a été le cas sur Reacher. L'équipe créative a accompli un travail fantastique. Je ne suis pas intervenu, je ne voulais pas qu'ils pensent à moi mais uniquement à Reacher. Bien entendu, ils m'ont consulté de temps en temps, mais ça reste leur série. Je leur ai fait entièrement confiance et je suis très content du résultat.

Êtes-vous intervenu dans le choix de l'acteur principal ?

Il nous fallait quelqu'un qui investisse d'emblée l'espace par sa stature, et c'est exactement ce qui s'est passé avec Alan Ritchson. Dès que je l'ai vu arriver, je savais que ce serait lui, et toute l'équipe était d'accord. Alan avait déjà lu quelques-uns de mes livres et les a tous lus dès qu'il a obtenu le rôle. Au lieu d'attendre que le scénariste ou le réalisateur lui dise comment jouer, il a préféré s'immerger totalement dans le personnage. J'étais très impressionné ! Comme Reacher, il est très instinctif, son interprétation n'en a été que plus organique.

Cette saison 2 est l'adaptation du livre La Faute à pas de chance ; pourquoi ce choix en particulier ?

Pour la première saison, il était question de présenter le personnage. Nous avions donc décidé d'adapter une intrigue qui permettrait d'en savoir plus sur cet homme et son passé. Pour la saison 2, nous voulions que les spectateurs découvrent non plus l'homme, mais le professionnel, à savoir cet ancien chef d'une unité d'élite de la police militaire. Il fallait donc le voir en action avec ses collègues, qu'il aime et estime. Ce sont justement les éléments que l'on retrouve dans La Faute à pas de chance, le 11e tome des aventures de Jack Reacher.

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Commentaire (1)

  • bonjour d.Alfred

    Vue la photo de l'acteur Ça donne envie De se mettre sous la protection de la police. Totalement interdit aux fans de Mme Rousseau.