Que vaut « La Fièvre », la nouvelle série de Canal+ ?

Après « Baron noir », Éric Benzekri poursuit son exploration de la société française et de ses divisions avec « La Fièvre ». Où la guerre civile ne tient qu’à un coup de tête…

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Nina Meurisse est à l'affiche de La Fièvre, la nouvelle création originale de Canal+, à partir du 18 mars.
Nina Meurisse est à l'affiche de La Fièvre, la nouvelle création originale de Canal+, à partir du 18 mars. © Canal+

Temps de lecture : 4 min

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À quoi ça tient un début de guerre civile en France en 2024 ? Parfois à un coup de tête, comme celui infligé par Fodé Thiam (Alassane Diong), star du club fictif du Racing Paris, à son entraîneur, lors de la soirée des récompenses de fin d'année du championnat de football. Un geste, violent, accompagné d'une insulte – « sale toubab » (« blanc » en wolof) – et la machine médiatique s'enclenche sur les réseaux sociaux d'abord, puis dans les médias et enfin dans l'opinion publique.

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Le président du club, François Marens (Benjamin Biolay), sent très vite la tempête poindre le bout de son nez et fait appel à Kairos, une boîte de com spécialisée dans la gestion de ce genre de catastrophe, façon Men in Black. « Une crise médiatique, c'est soixante-douze heures », promettent ces pros de la com aux pros du foot. Mais évidemment, rien ne se passe comme prévu.

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Une situation inflammable

Car dans l'équipe, Samuelle « Sam » Berger (excellente Nina Meurisse) – son père l'a nommée ainsi car il souhaitait un garçon – est aussi douée pour régler les problèmes des autres qu'elle ne l'est pas pour gérer sa propre vie. Sam n'est pas du tout de l'avis de son patron ; elle pense, à l'inverse, que ce qui se joue là est beaucoup plus inflammable qu'il n'y paraît…

La Fièvre, qui tire son titre d'un passage du Monde d'hier de Stefan Zweig, est la dernière création originale de Canal+, diffusée en 6 épisodes de 52 minutes à partir du lundi 18 mars. Elle est créée et écrite par Éric Benzekri, à qui l'on doit l'excellente série Baron noir, qui traitait des coulisses de la politique française, option trahison, corruption et manipulation.

À LIRE AUSSI De « Baron noir » à « La Fièvre », Éric Benzekri, prophète en sériesDifficile d'ailleurs, après le visionnage des six épisodes de La Fièvre – sauf de la scène finale de l'épisode 6 qui reste secrète – de ne pas y voir un prolongement de l'univers de Baron noir, voire une quatrième saison, tant les ponts sont nombreux entre les deux univers. Dans l'univers décrit par Benzekri, le pouvoir n'appartient plus aux politiques mais aux communicants. Et ils ne sont pas toujours pétris de bonnes intentions…

Prenez Marie Kinsky (Ana Girardot), une influenceuse, stand-uppeuse tendance très droitière prête à jeter de l'huile sur le brasier de contestation né du fameux coup de tête. Ce coup de boule, dit-elle, « c'est le 11 septembre de leur vivre-ensemble », en référence à la désastreuse communication politique autour du slogan « black blanc beur » après la victoire de l'équipe de France (la vraie) lors de la Coupe du monde 1998. Kinsky est l'anti Sam Berger en quelque sorte. D'ailleurs, les deux se connaissent bien pour avoir travaillé ensemble par le passé dans la communication politique. Cachent-elles un sombre secret ? Sans jamais se rencontrer, elles vont lutter l'une contre l'autre, dans l'ombre, à coups de tweets, de conférences de presse et de coups de com où elles ne sont jamais au premier plan mais où l'une et l'autre tirent clairement les ficelles.

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Le football, lui, passe rapidement au second plan. Ce ne sont pas les joueurs, le terrain et les résultats qui importent dans La Fièvre, mais bel et bien les répercussions des décisions prises par le club sur les employés, les supporteurs et la société en général.

Et tout ça pour quoi au fond ? Si le scénario est haletant du début à la fin, on s'y perd aussi de temps en temps, à l'image du président Marens dans l'avant-dernier épisode qui reconnaît : « Je ne sais même plus ce que l'on cherche ».

Une écriture parfois balbutiante

La faute à un rythme parfois trop rapide, où les personnages manquent de temps pour s'affirmer, où l'on aimerait voir d'autres arcs narratifs se dresser, notamment du côté de la relation entre Marie et Sam. La faute aussi à une écriture qui oscille entre le très technique (les « bulles de filtre », la « fenêtre d'Overton », l'« astroturfing »), le niais (« tout le monde a le droit au bonheur » !) et le caricatural (les footballeurs qui s'invectivent à coups de « wesh gros » et qui passent leur temps libre à jouer aux jeux vidéo de foot ou les influenceuses exilées à Dubai pour qui la phrase « je suis universitaire et je participe à un colloque » semble trop difficile à comprendre…).

Malgré ces légers écueils, on décroche difficilement des six épisodes tant la trame principale de la série brille de justesse avec l'actualité entre crispation identitaire, faits divers et manipulation de masse sur les réseaux sociaux. Et on se réjouit qu'une deuxième saison semble d'ores et déjà acquise si l'on se réfère au dernier épisode. La Fièvre monte et elle n'est pas près de retomber.

La Fièvre sur Canal+ à partir du lundi 18 mars (deux épisodes par semaine) et sur MyCanal.fr

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Commentaires (3)

  • dsmf

    Tout comme baron noir, des dialogues jubilatoires et des révélations pour les pauvres citoyens lamba que nous sommes.

  • et bien

    Trop intello pour les footeux

  • Damnad

    Et c’est a mon avis un vrai chef d’œuvre…la communication politique expliquée de manière limpide…on aimerait ce genre de synthèse dans le Point…car là, c’est de la fiction mais la façon de démonter ces rouages de la communication politique des extrêmes de droite et de gauche devraient être la grande croisade d’un journal comme le vôtre…qui est aussi le notre…