Mais pourquoi Batman enflamme-t-il (encore) le box-office ?

En salle depuis le 3 mars, le chevalier de Gotham attire une fois de plus une avalanche de spectateurs. Décryptage d’un décollage en fanfare.

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The Batman de Matt Reeves
The Batman de Matt Reeves © Warner Bros.

Temps de lecture : 7 min

Il caracole encore bien loin dans le rétroviseur de Spider-Man : No Way Home, mais quand même : depuis sa sortie dans les cinémas français, The Batman est un franc succès. Avec 1 033 663 entrées au terme de ses cinq premiers jours d'exploitation, le film de Matt Reeves avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz et Colin Farrell s'impose jusqu'ici comme le plus gros succès de l'année 2022. « C'est également le quatrième plus gros démarrage en France depuis le début de la pandémie, après Spider-Man, Mourir peut attendre et Fast & Furious 9, précise Éric Marty, directeur général de Comscore France. Et il arrive à point nommé pour réveiller un box-office hexagonal bien terme depuis la mi-janvier, en complément de Uncharted, qui n'aurait pas su le faire à lui tout seul. Le marché a vraiment besoin de ces locomotives. »

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Certes, The Batman ne bat pas – pour l'instant – les records des précédents fleurons de la saga du sombre justicier capé. Avec 257 000 entrées le jour de sa sortie, le film coiffe au poteau The Dark Knight sur la ligne des meilleures ouvertures pour un long-métrage de la franchise, mais reste derrière les 423 000 entrées de The Dark Knight Rises (TDKR) lors de ses 24 premières heures en 2012. L'ultime volet de la trilogie signée Christopher Nolan surclasse aussi très nettement le blockbuster de Matt Reeves sur la ligne des cinq premiers jours, avec 1 468 000 d'entrées. TDKR reste à ce jour le Batman le plus populaire dans les salles françaises, avec près de 4,4 millions de spectateurs en fin de carrière. « En théorie, les 4 millions d'entrées France sont à la portée de The Batman, mais il est encore trop tôt pour l'assurer en raison des incertitudes liées au contexte international, à la campagne présidentielle et à l'éventualité d'une reprise épidémique », conclut Éric Marty.

Aux États-Unis et au Canada, le studio Warner Bros se frotte aussi les mains : sorti le week-end dernier sur 4 217 complexes totalisant 12 500 écrans, The Batman a bouclé ses trois premiers jours sur la crête des 134 millions de dollars de recettes, bien au-dessus des prévisions. Là encore, du bout de sa toile, Spider-Man : No Way Home virevolte à plusieurs encablures au-delà de son confrère : à l'issue de son premier week-end, en décembre, le troisième volet des exploits du super-héros Marvel avec Tom Holland avait fracassé le box-office avec 260 millions de dollars de chiffre d'affaires. Mais The Batman n'en rafle pas moins la mise outre-Atlantique en occupant 80 % du marché domestique – il s'agit là-bas du deuxième plus gros démarrage en salle depuis le début de la pandémie, derrière Spider-Man : No Way Home. Pas mal pour un redresseur de torts âgé de plus de 80 ans, qui affiche au compteur dix longs-métrages live au cinéma (en incluant le film de 1967 dérivé de la série TV kitsch) et semblait avoir perdu de sa superbe avec Ben Affleck sous le masque. Pourquoi une telle énergie retrouvée ? Décryptage en quatre points.

1) L'effet Robert Pattinson/Zoë Kravitz

Dans un mouvement stratégique similaire à celui du studio Warner pour Dune, dont la promotion reposa en partie sur les épaules du tandem Timothée Chalamet/Zendaya, The Batman s'est adressé en priorité aux 15-25 ans, via de nombreuses interviews groupées de Robert Pattinson et Zoë Kravitz. Interprètes respectifs de Bruce Wayne/Batman et Selina Kyle/Catwoman, les deux jeunes comédiens jouissent d'une solide notoriété auprès de la génération Y et des milléniaux. Actrice chevronnée qui n'en est pas à ses premiers entrechats dans le bestiaire des super-héros (les fans l'ont aperçue dans X-Men : le commencement en 2011 et entendue dans Spider-Man : New Generation en 2018), la fille du rockeur Lenny Kravitz avait par ailleurs déjà incarné Catwoman en 2017 dans Lego Batman, le film. Elle est aussi parfaitement identifiée par les amateurs de la saga young adult Divergente (trois opus entre 2014 et 2016) comme par les fans de séries TV après ses rôles récurrents dans Californication, Big Little Lies et High Fidelity. Quant à Robert Pattinson, il a beau avoir fait ses preuves dans moult films d'auteur depuis la fin de la franchise Twilight en 2012, qui a bien pu oublier les mines ténébreuses du vampire glamour Ed Cullen ? Ni vous, ni nous !

 2) Un Batman gothique et nirvanesque

Placé en illustration sonore d'une des premières bandes-annonces de The Batman, l'ultra-mélancolique « Something in The Way », titre concluant le mythique album Nevermind de Nirvana en 1991, annonçait clairement un positionnement sous le signe du spleen et du dépouillement, par rapport aux pyrotechnies coûteuses de Chris Nolan ou Zack Snyder. Le budget de The Batman s'est pourtant bel et bien envolé au-delà de 200 millions de dollars – sans compter les frais marketing. Mais sa promesse de « retour aux bas-fonds » et surtout le look de Robert Pattinson (livide et les yeux maquillés de noir sous le masque) stimulent un imaginaire post-punk et un romantisme noir brassant de concert les cultures de la cold wave, du grunge et d'un certain fantastique gothique moderne popularisé par The Crow en 1994.

Les cinéphiles plus âgés, eux, se régalent des nombreux clins d'œil de The Batman à l'esthétique des films noirs pré-Code Hayes produits au début des années 1930 par le studio Warner. Mais en interview, Matt Reeves revendique explicitement la parenté entre Bruce Wayne et Kurt Cobain : deux écorchés vifs allergiques au monde, qui n'assument pas leur statut social et restent guidés exclusivement par leurs obsessions. Forcément, cela titille la fibre rebelle. Véritable stratégie anti-Marvel, le lancement de The Batman témoigne de ce marketing dark, à l'image de ces affiches rougeâtres et du choix surprenant d'un ultime extrait promotionnel plutôt sinistre, quelques jours avant la sortie du film : les funérailles du maire de Gotham, interrompues en pleine cérémonie par un coup d'éclat du Riddler.

<em>The Batman</em>
 ©  WARNER BROS. - DC ENTERTAINMENT / Collection ChristopheL via AFP
The Batman © WARNER BROS. - DC ENTERTAINMENT / Collection ChristopheL via AFP

3) Matt Reeves : un réalisateur légitime et amoureux du mythe

Depuis la bonne surprise en 2010 de son remake de Morse (classique moderne suédois du film de vampire) et de ses deux volets de la récente trilogie La Planète des singes (L'Affrontement en 2014, Suprématie en 2017), le quinquagénaire Matt Reeves rassure les fans. Passionné par Batman depuis sa petite enfance – il ne ratait pas une miette de la série télé des années 1960 –, il dit avoir relu de fond en comble les principales aventures du chevalier noir de Gotham afin de trouver un angle d'attaque qui le démarque de ses prédécesseurs. Un bon point pour les batmanophiles et, là encore, un précieux levier au service de la publicité du film : en France, Urban Comics, filiale du groupe Dargaud et détentrice de la licence DC, n'a pas manqué d'envoyer un communiqué de presse récapitulant les albums Batman qui avaient inspiré Matt Reeves.

Le récit des coulisses de la production de The Batman laisse à penser que Warner Bros a réellement laissé à Reeves les mains libres sur ce nouveau film, comme ce fut le cas avec Denis Villeneuve pour Dune. Réalité ou storytelling, les propos de Toby Emmerich, président du studio, insistent ostensiblement sur cette « politique des auteurs » appliquée aux blockbusters chez Warner : « Quand Matt nous a pitché son projet pour The Batman, je gardais en tête son remake de Morse », déclarait récemment Emmerich au site Deadline, ajoutant perfidement en direction du concurrent Marvel, sans le nommer : « Le secret de la fabrication des films, c'est la qualité. C'est la meilleure stratégie possible, qu'il s'agisse d'une sortie en salle ou d'un film de super-héros en particulier. Nos films ne sont pas obligés de se ressembler, ni d'être interconnectés les uns aux autres ou de contenir un élément qui annonce le suivant. La qualité, c'est vraiment le facteur le plus important, et le meilleur moyen de l'obtenir réside dans le choix du réalisateur que vous engagez. »

<em>The Batman</em>
 ©  Warner Bros.
The Batman © Warner Bros.

4) Une icône toujours populaire des deux côtés de l'Atlantique

« Batman ne connaît pas la crise », déclarait récemment au Point Pop Hayedine Tabani, chef de rayon de la boutique Album Comics à Paris : « Il connaît une explosion particulière depuis environ quinze ans. Entre quatre et cinq séries mensuelles lui étaient consacrées aux États-Unis dans les années 1980. Aujourd'hui, si l'on inclut les revues dérivées, c'est plutôt entre 30 et 40 périodiques, soit 70 % à 80 % de toute la production DC. L'éditeur concentre tous ses efforts sur lui au risque de saturer le marché. Un peu comme Marvel avec Spider-Man. » Quant à François Hercouët, directeur éditorial d'Urban Comics, il rappelait aussi que la licence Batman trône au premier rang des ventes de BD de super-héros : « Les neuf tomes de la série limitée Batman, publiés entre 2012 et 2015 dans la collection DC Renaissance, se sont écoulés à plus de 500 000 exemplaires à ce jour et Batman reste le super-héros qui vend le plus. Culturellement, la France a toujours été davantage supportrice du personnage que de Superman ou de Captain America. Sans doute un effet de son côté antisystème. »

Aux États-Unis, la variété des titres consacrés de près ou de loin au mythe donne le vertige et DC Comics va jusqu'à publier depuis mars 2021 une série intitulée The Batman & Scooby-Doo Mysteries. Selon les données de l'agrégateur de ventes Comichron relayées en octobre 2021 par le site Screen Rant, les ventes totales de la licence Batman dans les boutiques spécialisées aux États-Unis auraient dépassé les 24 millions de copies entre juin et août de la même année. Loin, très loin devant Superman. Bref, en ce qui concerne sa cote d'amour, l'homme chauve-souris n'a vraiment pas de quoi se ronger les sangs. Et le triomphe en cours de The Batman, soutenu par des critiques et un bouche-à-oreille globalement planants, va probablement remettre une pièce dans la machine.

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Commentaire (1)

  • duagt

    Encore un trailer spoiler...