Yoann Vornière, auteur de « Silence » : « Mon but, c’est que mon manga reste grand public »

INTERVIEW. Avec « Silence », pépite tricolore des éditions Kana, le dessinateur invite à se réapproprier l’imaginaire français.

Propos recueillis par Vincent Bresson

La couverture du manga Silence.
La couverture du manga Silence. © Yoann Vornière/Kana

Temps de lecture : 5 min

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Le manga français manque encore de références pour porter le secteur. Excepté quelques rares réussites commerciales, comme Radiant ou Dreamland, le marché reste largement dominé par les auteurs japonais. Ces succès incitent cependant les éditeurs à ouvrir leurs portes à de plus en plus de dessinateurs made in France. C'est le cas des éditions Kana, qui publient Yoann Vornière, auteur du premier tome de Silence, paru en octobre.
Un deuxième tome suivra en janvier et un troisième sera publié au début de l'été 2024. La série pourrait se terminer en une quadrilogie, mais si le succès est au rendez-vous, Kana n'exclut pas de prolonger l'aventure.

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À LIRE AUSSI Mangas : notre sélection des 6 meilleurs titres ados et adultes pour Noël (et pour les nuls)Pour son premier manga, Yoann Vornière emporte ses lecteurs dans un monde apocalyptique où un petit groupe de survivants s'exprime par la langue des signes. Ils n'ont pas perdu la parole, mais doivent se montrer discrets. Autour d'eux, le monde enneigé grouille de monstres surgissant au moindre bruit. Lune, une mystérieuse femme, va les aider à combattre des créatures, comme les esprits chantants ou la souris verte. Rencontre avec un auteur qui veut valoriser le folklore français.

Le dessinateur Yoann Vorniere
 ©  Aude Boyer
Le dessinateur Yoann Vorniere © Aude Boyer

Le Point : Vous avez commencé par la bande dessinée traditionnelle, comment s'est opérée votre mue dans le manga ?

Yoann Vornière : J'ai toujours voulu faire du manga. En classe de troisième, j'ai fait un stage dans un atelier d'auteurs de bandes dessinées. À la sortie, je me suis dit qu'il y avait plus de place pour de la BD traditionnelle. C'était plus simple de me projeter dans ce métier avec cette idée, car la création de manga français n'était pas encore très développée.

Comment avez-vous réussi à faire publier Silence ?

J'ai monté un dossier éditorial et je l'ai envoyé à tous les éditeurs qui ne se restreignent pas à l'achat de licence manga mais investissent aussi dans la création. Trois d'entre eux étaient intéressés, mais les éditions Kana m'ont semblé plus pointilleuses dans leurs retours. En plus, leurs équipes m'ont proposé de partir sur quatre tomes alors que je n'en projetais que trois au début. Aujourd'hui, je ne dirais pas non à un tome 5 ou même davantage. Plus j'avance et plus j'ai d'idées !

À LIRE AUSSI Mangas : comment la profusion d'éditions « deluxe » dépoussière le marchéOn sent une grande maîtrise des codes de la bande dessinée japonaise dans vos dessins. Quelle est votre méthode pour parvenir à ce résultat ?

J'ai d'abord imaginé ce manga pour les cent ans du concours Tezuka, qui met en avant les nouveaux artistes. Ce concours était fou ! Le jury était composé d'auteurs, comme Akira Toriyama, le père de Dragon Ball. À ce moment-là, j'avais un autre projet et je sentais qu'il n'allait jamais être publié. Même si je n'ai pas remporté le concours, j'ai eu beaucoup de retours quand j'ai présenté ce « one shot » à mon entourage. Je me suis dit qu'il fallait que je creuse cette idée pour en faire une série. Mais, en même temps, je ne maîtrisais pas tous les éléments du manga. J'ai donc pris quatre mois pour retravailler mes dessins et arriver à ce résultat. Changer de style en fonction de mes projets, c'est quelque chose que j'aime bien.

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène une communauté qui, au beau milieu d'un monde rempli de monstres, échange à travers la langue des signes ?

Le concept des monstres qui réagissent au bruit vient d'un autre projet que j'avais commencé il y a plusieurs années. En 2015, je voulais faire un comics sans aucune bulle de dialogue. Cette bande dessinée muette se justifiait par le fait que le monde était peuplé de ces monstres. Pour le concours Tezuka, je ne me voyais pas repartir de zéro. J'ai repris l'idée et tout le reste, je l'ai construit autour. Le personnage de Lune avec ses clochettes vient lui aussi de loin. Dans l'un des premiers tomes du manga Radiant, il y avait eu un concours pour inventer un personnage et j'en avais proposé un recouvert de clochettes. Je n'ai pas gagné le concours, mais le personnage a survécu.

Pour créer les traits et l'univers de Silence, vous êtes-vous inspiré d'autres mangas ?

Pour les deux personnages principaux, Lune et Lame, je me suis surtout inspiré d'un photographe qui s'appelle Charles Freger. Dans ses travaux, il photographie des personnes en costumes traditionnels et en habits d'animaux. Il se trouve que j'aime aussi m'inspirer des habits traditionnels des différentes régions de la France que je retravaille pour que le rendu ne soit pas trop vieillot.

Ce folklore français est très présent mais disparaît peu à peu. Cela ne complique-t-il pas votre travail ?

C'est justement ce qui rend cet exercice intéressant. De nombreux auteurs japonais mettent eux en avant des créatures surnaturelles appelées yōkai. Je sais que, au Japon et en Chine, les artistes utilisent la mythologie locale, très « cool » aux yeux des lecteurs. Donc dans le premier tome, j'ai dessiné des créatures connues de tous, comme la souris verte, et inventé le sanglier à tête de feu et les esprits chantants.

En France, seul “Astérix” peut vendre 1 million d’exemplaires.

Restez-vous dans les clous du shonen, les mangas pour adolescents, ou au contraire, vous vous en démarquez ?

Le shonen correspond à des codes différents, variant selon les magazines japonais de prépublication. Mon but, c'est que mon manga reste grand public, même s'il y a des scènes un peu plus rudes que d'autres. Mais je ne veux pas que les gens qui aiment le shonen se disent qu'ils ont déjà lu quelque chose de similaire ailleurs.

À LIRE AUSSI « L'Iris blanc » : que vaut le dernier Astérix ? Êtes-vous soumis au même rythme de parution très soutenu auquel les auteurs japonais sont astreints ?

C'est très intense, car il faut concurrencer ces mangas japonais dont de nouveaux tomes sortent tous les trois mois. Pour y arriver, on a pris pas mal d'avance. Comme je travaille tout seul, c'est impossible de suivre le rythme des mangas japonais qui sont devenus un phénomène. En France, seul Astérix peut vendre 1 million d'exemplaires. Au Japon, beaucoup de mangas atteignent ce chiffre. Forcément, comme cette économie est moins développée ici, tout est plus lent.

Pourtant, de plus en plus de mangas français sont édités. Est-ce que le secteur peut arriver à se faire une place ?

On est encore dans une phase de développement même s'il est vrai que de plus en plus de mangas de création français trouvent leur public. Ça ne veut pas dire qu'on va cartonner en lançant un manga français. En revanche, du côté des éditeurs et des auteurs, il y a plus de maturité et de variété dans les œuvres publiées. Ce qui est sûr, c'est qu'on a besoin de locomotives pour tirer le secteur.

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