Que vaut « Feud : les trahisons de Truman Capote », la nouvelle série de Ryan Murphy ?

Naomi Watts, Calista Flockhart et Demi Moore se partagent l’affiche de cette série qui raconte un pan de l’histoire littéraire américaine sur Canal+.

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Naomi Watts joue remarquablement Babe Paley, ex-journaliste de mode condamnée à l’oisiveté par un beau mariage terriblement décevant.
Naomi Watts joue remarquablement Babe Paley, ex-journaliste de mode condamnée à l’oisiveté par un beau mariage terriblement décevant. © Pari Dukovic / - / Collection Prod DB

Temps de lecture : 3 min

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C'est à un « lac des cygnes » d'un genre très particulier que nous convient deux grands noms de l'audiovisuel américain, le créateur de séries Ryan Murphy, virtuose de l'horrifique et du grandiloquent (American Horror Story et Glee sont ses séries les plus connues) et le réalisateur Gus Van Sant (Palme d'or à Cannes en 2003 pour Elephant). Feud : les trahisons de Truman Capote n'est pourtant pas une relecture du ballet de Tchaïkovski, mais une plongée dans les eaux de Park Avenue, cette artère ultrachic de la moitié Est de Manhattan.

S'y ébrouent, quand les protagonistes se rencontrent en 1955, d'exquises créatures au cou gracile, les « Swans ». Ces élégantes de la haute société new-yorkaise ont en commun de cacher leur solitude amère sous un voile de poudre ou dans une volute de fumée de cigarette. Avec leurs prénoms qui tiennent en une syllabe – Slim (Diane Lane), Lee (Calista Flockhart), Babe (Naomi Watts), Ann (Demi Moore) – et leur pedigree impeccable, elles incarnent une forme d'aristocratie américaine blanche, anglo-saxonne et protestante… ainsi qu'une superficialité forcément mélancolique.

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Et voici qu'entre en scène Truman Capote (Tom Hollander), écrivain pas encore starisé par le succès de son chef-d'œuvre (il date de 1966), De sang-froid. On connaît l'histoire de sa fabrication, notamment grâce à un film mémorable, Capote (Bennett Miller, 2005) avec Philip Seymour Hoffman, qui, virtuose, remporta l'oscar du meilleur acteur. Dans l'univers policé des « Swans », Truman Capote détone. Il est petit, parle d'une voix flûtée, ne cherche pas à masquer son homosexualité… Cette différence, et sa capacité à donner toute son attention à son interlocutrice dans un élan d'apparente empathie, le rendent irrésistible aux yeux des « Swans ». Bientôt, il est la coqueluche de cette petite société oisive. Des ego surdimensionnés, un écrivain prêt à faire main basse sur la vie de ses proches pour nourrir son art, plusieurs reines des abeilles en concurrence pour l'attention d'un seul… Qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?

Truman Capote face à ses muses

La série procède par allers-retours entre le moment où Truman Capote devient proche des « Swans », son succès mémorable autour de la publication de De Sang-froid et les années 1970, lorsque la publication, dans le magazine Esquire, de son long texte inspiré de la vie de l'une de ses amies (La Côte basque, 1965) se révèle lourde de conséquences. Malgré une construction parfois inutilement alambiquée, on reste rivé à l'écran. Le mérite en revient bien sûr à l'histoire, fascinante, en partie pour des raisons esthétiques. Dans l'épisode 3, Feud : les trahisons de Truman Capote propose une ébouriffante reconstitution de ce qu'on appela « la plus belle fête du siècle », ce « Black and White Ball » du 28 novembre 1966 organisé par l'écrivain au Plaza Hotel. Le plaisir est grand de voir s'animer sous nos yeux – en noir et blanc bien sûr, car telle était le code couleur imposé par l'hôte à ses invités – tout un monde disparu, immortalisé, à l'époque, par le grand photographe Elliott Erwitt.À LIRE AUSSI Philip Seymour Hoffman, un acteur très recherchéEt puis il y a les actrices. Depuis qu'il est allé tirer Jessica Lange de sa retraite des écrans (pour American Horror Story), Ryan Murphy s'est fait une spécialité de ramener sur le devant de la scène des actrices un peu oubliées et dont le talent est pourtant exceptionnel. On le constate avec Calista Flockhart, ex-Ally McBeal : elle donne à sa Lee Radziwill, sœur cadette de Jackie Kennedy, hantée par le sentiment d'être cantonnée injustement à la seconde place, une remarquable densité. Même réussite du côté de Naomi Watts qui joue remarquablement Babe Paley, ex-journaliste de mode condamnée à l'oisiveté par un beau mariage terriblement décevant. Enfin le rôle le plus poignant revient à Demi Moore, victime sacrifiée sur l'autel de la création littéraire. Dans ce monde de papier glacé, des émotions redoutables de puissance bouillonnent, emportent les personnages… et le spectateur avec.

Feud : les trahisons de Truman Capote - 8 épisodes de 52 minutes. Deux épisodes par soir les mercredis à 21 heures sur Canal+ Séries ou sur MyCanal.

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Commentaire (1)

  • Fléreur

    Truman Capote, l’ami d’enfance de Harper Lee, qui n’aurait jamais pu écrire « De Sang-froid » sans la contribution de cette dernière. Tout aussi incapable de lui reconnaître ensuite la juste part de son succès. Elle ne s’en est jamais remise. Alors trahisons, oui, certainement, mais je ne suis pas sûre que celle-ci soit évoquée dans la série.