Les mangas « Star Wars », nouvel espoir pour la célèbre saga ?

À l’occasion du rituel « Star Wars Day », ce samedi, « Le Point Pop » dresse un premier bilan des mangas qui, depuis deux ans, se multiplient autour de l’univers créé en 1977 par George Lucas.

Par Nathanaël Bentura

Luke Skywalker : légendes, d'Akira Fukaya, Takashi Kisaki, Haruichi, Subaru et Akira Himekawa (d'après le roman de Ken Liu).
Luke Skywalker : légendes, d'Akira Fukaya, Takashi Kisaki, Haruichi, Subaru et Akira Himekawa (d'après le roman de Ken Liu). © Nobi Nobi

Temps de lecture : 5 min

Après les films, séries, romans, jeux vidéo et comics, les mangas ne sont plus, pour la licence Star Wars, une galaxie lointaine, très lointaine. La voilà même plus proche que jamais, alors que les fans du monde entier fêtent, ce samedi 4 mai, non seulement le fameux Star Wars Day (anniversaire de la sortie du premier film, le 4 mai 1977) ainsi que, dans quelques jours, les vingt-cinq ans de La Menace fantôme.

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En 1999, pour accompagner la sortie du volet initial de la controversée prélogie, un tout premier manga Star Wars voyait le jour au Japon mais c'est surtout en 2017 que le genre va vraiment s'acoquiner à la franchise, avec l'adaptation du roman Étoiles perdues en série de trois volumes par Line Digital Frontier, une maison d'édition qui publie ses mangas en version numérique uniquement et à visée internationale.

Par la suite, le droit d'adapter la licence créée par George Lucas fut partagé avec deux éditeurs supplémentaires : le japonais Square Enix et l'américain Viz Media. Au total, neuf mangas d'un à trois volumes ont été produits à ce jour. En France, ils sont tous publiés chez le même éditeur : Nobi Nobi, qui a lancé sa collection Star Wars le 4 mai 2022. Deux ans plus tard, les mangas Star Wars sont-ils parvenus à se faire une place durable au rayon Shonen, aux côtés des One Piece et autres Naruto ?

Sous la surveillance de Disney

Avec une telle collection, la question de l'identité se pose : Star Wars en manga, c'est un univers américain repris par des auteurs japonais, le tout sous la surveillance de Disney, propriétaire de l'empire Lucas depuis 2012 et qui veille scrupuleusement à la cohérence de l'univers étendu – ensemble de toutes les histoires gravitant autour de la franchise, y compris les récits « non officiels ».

Pas facile de créer avec une totale liberté dans ces conditions. Pierre-Alain Dufour, le directeur éditorial de Nobi Nobi, ne cache pas cette difficulté : « Star Wars est un univers très contrôlé. Il y a une histoire et une ligne directrice à tenir. On ne peut pas faire n'importe quoi avec ces personnages. Aujourd'hui, tout a été plus ou moins écrit sur tous les recoins de cet univers. »

<em>The Mandalorian,</em> de Yûsuke Ôsawa.
©  Nobi Nobi
The Mandalorian, de Yûsuke Ôsawa. © Nobi Nobi
<em>The Mandalorian, </em>de Yûsuke Ôsawa.
©  Nobi Nobi
The Mandalorian, de Yûsuke Ôsawa. © Nobi Nobi

C'est pourquoi les récits proposés sont surtout des adaptations de romans ou de séries : The Mandalorian, Rebels, Visions, Étoiles perdues, etc. aucun de ces mangas n'est un récit original, ce qui pose la question de la pertinence de ce support. D'autant plus que les différents titres manquent d'unité graphique. Certains sont publiés dans le sens de lecture japonais (de droite à gauche), d'autres, dans le sens de lecture occidental. Cela confirme l'aveu de Pierre-Alain Dufour : les Japonais ne sont pas le public cible. Ces mangas sont avant tout destinés à être lus par des Européens et des Américains. De préférence ceux qui ne lisent ni les romans ni les comics Star Wars.

Tiraillement identitaire entre l'Occident et le Japon

« Un lecteur de comics n'est pas forcément un lecteur de mangas ou de romans. Il s'agit de chercher un nouveau lectorat », confie le directeur éditorial. Pour lui, aborder le manga était une décision logique. D'une part, la bande dessinée japonaise est devenue la plus populaire au monde, d'autre part, George Lucas avait de nombreux univers japonais en tête au moment de créer Star Wars (l'influence de Kurosawa et du mythe du samouraï en premier lieu). La boucle est ainsi bouclée et ça paye !

En France, du moins, où les mangas Star Wars attirent davantage que les comics, qui peinent à trouver leur public. Les titres se vendent en moyenne à dix mille exemplaires, un score honorable pour un lancement de manga, et la trilogie Étoiles perdues fait figure de best-seller, avec vingt-cinq mille exemplaires au compteur.

<em>Star Wars-Étoiles perdues</em>, de Yusaku Komiyama (d'après le roman de Claudia Gray).
©  Nobi Nobi
Star Wars-Étoiles perdues, de Yusaku Komiyama (d'après le roman de Claudia Gray). © Nobi Nobi

Qualitativement, avouons-le, la collection est inconstante et accuse son tiraillement identitaire entre l'Occident et le Japon mais aussi son dilemme entre adaptation et originalité. Certains recueils d'histoires courtes côtoient les grandes fresques et, graphiquement, certains titres semblent illustrés par des amateurs, là où d'autres déploient une impressionnante sophistication. Trois mangas se détachent nettement : Étoiles perdues (le meilleur en tout point), La Haute République. Un équilibre fragile (le seul récit original parmi toute la collection) et Visions, celui qui s'approche le plus de ce qu'on peut attendre d'un manga Star Wars.

Pas étonnant quand on sait qu'il s'agit de l'adaptation de la série du même nom, une anthologie de courts-métrages animés par les plus grands maîtres japonais du genre (Kenji Kamiyama et Hiroyuki Imaishi notamment), qui ne se soucie pas du canon officiel et se permet les plus grandes folies. À la lecture de Visions, le constat est évident : l'influence japonaise est ce qui manque aux autres mangas Star Wars pour enchanter.

Des récits courts et déjà connus

Des récits longs, d'une dizaine de volumes au moins, qui reprennent les codes du Shonen Nekketsu (un genre créé par Osamu Tezuka et popularisé par Dragon Ball), les lecteurs en rêveraient, les éditeurs aussi. Pierre-Alain Dufour en discute souvent avec les éditeurs japonais, « mais la production de mangas reste quelque chose de très nouveau pour Disney », raconte-t-il. « Ce serait logique de faire du Shonen pur, mais c'est beaucoup plus compliqué de miser sur une série plus longue. Disney préfère y aller étape par étape en commençant par des récits courts et déjà connus. Au Japon, les séries deviennent longues parce qu'elles ont du succès, justement. »

À LIRE AUSSI « Ceux qui haïssent le plus “Star Wars” sont aussi ceux qui l'aiment le plus » En tout cas, l'ambition est là, l'éditeur l'affirme. Plusieurs projets sont dans les tuyaux, mais ils mettront du temps avant de peupler nos librairies. Ce n'est qu'une question d'années avant de voir un Shonen Star Wars original. Les premiers titres de la collection ont été créés pour habituer le public à ce nouveau support et tâter le terrain, en quelque sorte. Disney en a désormais l'assurance : les mangas Star Wars sont appréciés, ils permettent aux fans de mangas de découvrir l'univers étendu de la saga et aux fans de Star Wars de découvrir le manga.

« Pour beaucoup de lecteurs, Étoiles perdues était leur premier manga », ajoute Pierre-Alain Dufour. Mission accomplie, Disney est désormais prêt à passer à la vitesse supérieure : si l'année 2024 restera calme, le temps de préparer les prochains titres, 2025 pourrait être celle du manga tous azimuts pour l'un des plus grands mythes de la SF.

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