Elle incarne Amy Winehouse dans « Back to Black » : « Ce n’est pas un biopic mais une tragédie »

INTERVIEW. Dans « Back to Black », le film de Sam Taylor-Johnson, la jeune actrice britannique Marisa Abela se glisse avec brio dans la peau de la chanteuse disparue à 27 ans.

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Temps de lecture : 5 min

Remarquée dans une scène du film phénomène Barbie, aux côtés de Margot Robbie et Ryan Gosling, Marisa Abela, 27 ans, décroche son premier grand rôle dans Back to Black, film de la cinéaste Sam Taylor-Johnson dans lequel elle incarne Amy Winehouse, l'interprète de « Rehab » décédée le 23 juillet 2011 à l'âge de 27 ans.

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Après Amy, remarquable documentaire oscarisé d'Asif Kapadia sur la chanteuse, il fallait prendre un autre angle pour effacer l'image saturée de l'artiste trop tôt disparue, la descendre de son piédestal et la rendre plus proche, loin des figures imposées du biopic.

Back to Black échappe aux figures imposées du biopic

Du rose de Barbie, elle passe ici au noir dans le portrait intime de la star morte à 27 ans après son histoire d'amour ratée et toxique avec Blake Fielder-Civil, son compagnon devenu mari, qui l'entraîna dans l'alcool et la drogue. Diplômée de la Royal Academy of Dramatic, Marisa Abela ne se contente pas d'adopter sa célèbre coupe choucroute et son eye-liner. Elle joue sa partition au plus près de l'Amy Winehouse qui nous reste en mémoire sur scène ou dans ses clips : sa voix bluesy, son accent cockney, ses tatouages, ses penchants suicidaires.

On la suit adolescente juive du quartier de Camden, à Londres, fan des chanteuses Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan, avide de vivre vite et fort. Son nom circule dans les clubs de nuit. Elle chante vraiment bien, de toute son âme, et boit comme un trou. Il y a des moments intenses, comme ce duo avec son père, Mitch (Eddie Marsan), sur « Fly Me to the Moon »de Frank Sinatra – auquel elle dédie son premier album, Frank (2003) – ou de bravoure avec une longue séquence de séduction avec l'indomptable Blake Fielder-Civil (Jack O'Connell), dont elle croit qu'il est l'amour de sa vie. Elle y brûle ses ailes.

Back to Black échappe aux figures imposées du biopic et ne se mesure pas avec le documentaire d'Asif Kapadia. Sam Taylor-Johnson décrit un chagrin noir d'amour fou qui tourne à la tragédie. De passage dans un hôtel parisien, Marisa Abela nous raconte son Amy.

« Pour moi, c'était un grand voyage musical »

Le Point : Vous avez l'âge d'Amy Winehouse au moment de sa disparition. Comment avez-vous abordé ce personnage hors norme ?

Marisa Abela : Simplement. C'est un peu cette différence d'âge que nous abordons dans le film, de 17 à 27 ans, lorsqu'elle passe essentiellement du statut de jeune fille à celui de femme. Et il s'agissait de dépeindre ce passage. Que signifiait ce changement pour Amy ? Comment pouvait-elle passer du bonheur au malheur ?

Back to Black parle de passion, d'amour, de destruction et de solitude : tous les ressorts de la tragédie sont là…

Effectivement. La vie d'Amy est faite de passion, d'amour contrarié, de déception, de douleur. Back to Black n'est pas un biopic parce que notre objectif ne consistait pas à enquêter sur ce qui est arrivé à Amy. Nous avons senti que notre travail était de raconter son histoire, sa courte vie, d'un point de vue subjectif, en utilisant sa musique pour nous transporter à travers ses différentes expériences comme elle les vivait. Pour beaucoup de gens, elle représentait la tragédie.

Que représente Amy Winehouse pour votre génération ?

La férocité, la ténacité et l'intrépidité, la recherche permanente de l'authenticité artistique, la crudité. Une artiste incroyablement talentueuse.

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Sa relation passionnée et toxique avec Blake Fielder-Civil lui a-t-elle été fatale ?

Si Amy pensait qu'elle pouvait vivre sans désirer quelqu'un, elle n'en voulait pas. Et c'était vrai aussi bien pour sa relation avec la musique qu'avec son compagnon, Blake Fielder-Civil, devenu son mari. L'échec de leur relation l'a conduite au désespoir parce qu'elle a vécu cette histoire d'amour comme un tourbillon, une épopée.

Qu'aimez-vous dans la musique d'Amy Winehouse, largement influencée par le rhythm and blues et le jazz ?

J'étais et je suis toujours fan de sa musique. Je n'avais que 13 ou 14 ans quand elle est morte. Je ne comprenais pas la profondeur et la complexité des paroles comme aujourd'hui en tant que femme et actrice. Tout le monde peut comprendre les mots de « Tears Dry on their Own » : « Tout ce que je peux être pour toi, c'est l'obscurité que nous connaissions… » Quelle mélodie, quelle voix ! Quand on décompose vraiment ces mots, c'est très douloureux. Je trouve que la bande-son de Back to Black est exceptionnelle. Nick Cave y a vraiment mis son empreinte. Pour moi, c'était un grand voyage musical.

Tout n'est-il pas allé trop vite pour elle qui ne s'est jamais protégée ?

Certainement. Quand une artiste touche autant le public, il a tendance à croire qu'elle lui appartient, qu'il a le droit de tout savoir sur elle. Je pense qu'Amy n'avait pas vraiment le droit de préserver sa vie privée, son intimité. Vous savez, les gens qui suivent des programmes comme Alcooliques anonymes et Narcotiques anonymes ont besoin de l'anonymat. On n'a jamais permis à Amy de protéger sa vie privée et de régler ses problèmes de dépendance. C'était une artiste incroyablement talentueuse et incroyablement seule.

C’était fou. Je passais des auditions pour “Back to Black” pendant le tournage de “Barbie”.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à tourner ?

Celles où elle tombe dans la drogue et l'alcool, sans oublier les scènes violentes avec son compagnon Blake Fielder-Civil. Je voulais que tout soit parfait techniquement et d'un point de vue émotionnel. De même, j'ai beaucoup répété pour être à la hauteur vocalement de la version magnifique de « Rehab », lors de la cérémonie des Grammy, à Londres. Amy est une chanteuse de jazz, si bien qu'elle n'interprète jamais un titre deux fois de la même manière. J'ai choisi cette version live.

Comment êtes-vous passée du rose de Barbie au noir de Back to Black  ?

C'était fou. Je passais des auditions pour Back to Black pendant le tournage de Barbie. Je portais un grand chapeau rose et une perruque blonde, je me changeais très vite et je courais au studio Abbey Road, à Londres, pour chanter « What Is It About Men ».

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Quels ont été les conseils de la réalisatrice Sam Taylor-Johnson pour vous rapprocher du personnage ?

Quand j'ai auditionné, je ne voulais pas seulement ressembler à Amy avec sa coiffure et son maquillage. Il me fallait l'habiter de l'intérieur. C'est ce que recherchait Sam dans l'approche psychologique et émotionnelle du personnage lorsqu'elle m'a donné quelques indices, quelques conseils. Je crois qu'elle m'a confié le rôle parce qu'elle a compris que mon but n'était pas d'imiter Amy Winehouse mais de la faire vraiment revivre.

Amy Winehouse, Jimi Hendrix, Brian Jones des Stones, Jim Morrison des Doors, Janis Joplin, Kurt Cobain… Tous sont morts à 27 ans. C'est le club des 27. N'est-ce pas étrange ?

Oui, effectivement, c'est troublant, ce chiffre. J'ai 27 ans, mais je n'y pense pas. Tous ces artistes ont brûlé leur vie en allant jusqu'au bout de leurs émotions. C'est à la fois beau et insoutenable.

Back to Black, en salle mercredi.

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