« Jack Reacher : Never Go Back » sur France 2 : un navet dans la carrière de Tom Cruise 

Jadis brillant acteur, la star gâche son talent en se restreignant au rôle de sauveur invincible, comme c'est le cas dans le film diffusé ce soir par France 2. Pourquoi ce sabotage ?

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« Jack Reacher : Never Go Back », Tom Cruise y est quand même retourné...
« Jack Reacher : Never Go Back », Tom Cruise y est quand même retourné... © Affiche

Temps de lecture : 5 min

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Il n'y a pas que les créateurs de Stranger Things qui soient nostalgiques des années 80. Icône de cette décennie et de la suivante, avant une relative disgrâce au milieu des années 2000, Tom Cruise barbote aussi dans le fantasme d'une époque où, à côté des productions Spielberg, les thrillers d'action portés par un héros « badass » tenaient le haut du pavé. C'était l'époque où les salles faisaient un triomphe aux derniers films de Bruce Willis, Sylvester Stallone ou Arnold Schwarzenegger. Tantôt chefs-d'œuvre, tantôt purges, leurs grosses machines carburaient aux exploits de gladiateurs fictifs nommés John McClane, John Rambo ou le T-800.

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C'est ce filon que Tom Cruise privilégie pour donner un nouveau souffle à sa carrière. La saga Jack Reacher, dont le second volet est diffusé ce soir sur France 2 renoue sans complexe avec cette ficelle herculéenne surannée : ancien policier militaire, Reacher est de retour pour voler au secours du Major Susan Turner (Cobie Smulders), injustement accusée de trahison et victime d'une machination visant à lui imputer l'assassinat de deux agents en Irak. Tout autant loup solitaire que dans le premier opus, Reacher exfiltre à lui tout seul sa consœur d'une prison militaire ultra-sécurisée, castagne froidement façon Steven Seagal un bataillon de vilains, déjoue le complot ourdi par une société de sécurité privée… et, en plus de tout ça, doit gérer un procès en paternité collé par une ancienne conquête dont il ne se souvient même pas. Quel homme !

On ne peut, hélas, pas en dire autant du film. Le précédent Jack Reacher se voyait déjà cannibalisé par l'ego surdimensionné d'un Cruise jouissant de se produire en nec plus ultra de l'agent cool. Mais, au moins, son réalisateur, Christopher McQuarrie, sortait le produit de l'ordinaire par une mise en scène sophistiquée, frôlant le brio dans son prologue tétanisant, montrant l'assassinat en pleine rue de six passants par un sniper méticuleux. Réquisitionné par Cruise, qu'il avait déjà dirigé dans Le Dernier Samourai en 2003, Edward Zwick remplace McQuarrie et assure le spectacle mais, en deux heures de projection, on sera bien en peine de placer une scène en particulier au-dessus des autres.

À la gloire de son nombril hypertrophié

Sans prendre le moindre risque si ce n'est celui de tuer précocement la franchise, Nevers Go Back s'appuie sur les acquis de son prédécesseur et déroule en mode téléfilm pépère une série de péripéties sans surprise. Action correctement troussée, récit mené prestement, dialogues saupoudrés d'un petit couplet féministe dans l'air du temps (toujours salutaire, mais qui ne changera pas la norme du héros mâle sauvant la mise)... Un agréable divertissement, comme aurait pu dire Denise Fabre avant de lancer le film du dimanche soir. Mais combien de temps Tom Cruise pourra-t-il encore abuser de ce filon avant que son âge ne gâte sérieusement ce nouveau tour de carrière musclé ?

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Acteur surdoué au CV criblé de rôles sous la direction des plus grands (Coppola, Oliver Stone, Neil Jordan, Stanley Kubrick, Steven Spielberg, P. T. Anderson, etc.), Cruise s'est, hélas, enfoncé ces quinze dernières années dans une litanie quasi ininterrompue de personnages à la gloire de son nombril hypertrophié. À l'exception de sa composition glaçante en tueur à gages dans Collateral (2004), dans quel film récent le chantre de la Scientologie s'est-il finalement vraiment mis en danger ? Pratiquement aucun depuis sa passionnante et fragile mise à nu conjugale dans le Eyes Wide Shut de Kubrick. Ses rôles de colonel allemand héroïque dans Walkyrie et de producteur hystérique dans Tonnerre sous les tropiques relèvent davantage d'une tentative limitée d'amende honorable en pleine traversée du désert.

Une soudaine disgrâce remontant à 2005, lors de sa promotion désastreuse de La Guerre des mondes : ivre de sa propre influence à Hollywood, Cruise s'était senti pousser des ailes en clamant façon zazou ingérable, sur le plateau d'Oprah Winfrey, son amour pour sa fiancée Katie Holmes. Il avait, au même moment, flirté de trop près avec le prosélytisme scientologue en étalant, dans l'émission The Today Show sur NBC, son aversion pour la psychanalyse, cible récurrente de la Scientologie. Quelques jours auparavant, il avait également publiquement blâmé l'actrice Brooke Shields après que cette dernière avait confié qu'elle avait pris des antidépresseurs pour lutter contre sa dépression post-partum.

« Tom Cruise bashing »

Ce tir groupé d'écarts de conduite avait suscité en coulisse la colère de Spielberg et sonné le début d'une dégringolade brutale de la cote de l'acteur. Vraisemblablement mal conseillé, ce dernier avait franchi une ligne blanche et l'ex-beau gosse au sourire de rêve passait désormais pour un zinzin aux portes du malsain. Cette spirale de « Tom Cruise bashing » est renforcée par l'échec relatif au box-office, en 2006, de Mission : impossible 3 et la fin du contrat d'exclusivité entre la société de production de Cruise et le studio Paramount.

À LIRE AUSSI « Mission : impossible - Dead Reckoning » : Tom Cruise en guerre contre l'intelligence artificielleTrop chère, pas assez performante (véritable raison du divorce) et, qui plus est, embarrassante, la star était devenue un boulet pour le groupe. Depuis 2011, les affaires de Tom Cruise s'arrangent doucement. L'acteur a fait le dos rond, mis en sourdine ses croyances « religieuses » et, grâce aux succès de Mission : Impossible - Protocole fantôme et, l'année suivante, de Jack Reacher, il connaît un relatif regain de forme. Son ego démesuré reste pourtant indomptable. Produit par ses soins pour Paramount, comme les Mission : Impossible, Jack Reacher fait de lui, encore, un balèze invincible.

Comme Will Smith, Vin Diesel ou, dans un registre plus noble, Denzel Washington, Tom Cruise perpétue une tradition de vieux modèle mâle s'entêtant à ne choisir ou produire que des films alignés sur l'image du sauveur qu'il se plaît à se réserver. La recette pourrait bien déjà s'affadir avec ce médiocre Nevers Go Back. L'acteur est brillant, il l'a déjà prouvé : il ne lui reste plus qu'à renouer avec le goût du risque. En pleine cinquantaine, c'est possible, Tom, on t'assure !

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Commentaires (9)

  • INTERSTELLAR

    C’est dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe.

  • lecteuraterré

    Un film très bien réalisé, très bien joué et tout à fait distrayant. De l’excellent cinéma grand public comme le déteste tous les critiques de cinéma et autres « spécialistes ». Si ce film est un « navet » alors tous les films de Cruise sont des navets

  • 457

    Quand on met à jour un article après 8 ans, on n'oublie pas de transformer "cinquantaine" en "soixantaine"... Du moins quand on a eu une scolarité qui comptait un point par faute sans faiblir... Mais ça, c'était avant...