Faut-il regarder « DGSE : la fabrique des agents secrets » sur France 2 ?

Nourri par le témoignage d’espions en activité, le documentaire offre une plongée inédite et passionnante dans les coulisses de l’agence de renseignements française.

Par Philippe Chesnaud

DGSE : la fabrique des agents secrets.
DGSE : la fabrique des agents secrets. © © Kuiv

Temps de lecture : 4 min

Dans l'incontournable Art de la guerre, écrit il y a 2 500 ans, Sun Tzu affirmait : « Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. » Au XXIe siècle, rien n'a changé. Pour rester une puissance qui compte sur la scène internationale, un pays doit disposer d'une armée des ombres performante. Comment devient-on un espion ? De quelle manière est-on formé ? Quel type de mission accomplit-on ? Autant de questions auxquelles tente de répondre DGSE : la fabrique des agents secrets, réalisé par Théo Ivanez et Jean-Christophe Notin. Le documentaire s'appuie sur le livre éponyme du second (éditions Taillandier), fin connaisseur des services de renseignements et auteur sur le même thème des Guerriers de l'ombre, diffusé en 2017 sur Canal+.

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Tout commence par une vue extérieure d'une banale caserne située boulevard Mortier, dans le 20e arrondissement de Paris. Derrière les murs d'un endroit surnommé « La Piscine », en raison de sa proximité avec le bassin des Tourelles, sont mises au point les opérations de renseignements de la France à l'étranger. Bénéficiant d'un accord âprement négocié avec Bernard Emié, patron de la Direction générale de la sécurité extérieure, lui-même interviewé dans le film, les réalisateurs ont eu accès à une vingtaine de témoins, devenus agents par vocation ou par hasard, selon qu'ils ont postulé ou ont été la cible de recruteurs ayant discerné leur talent, parfois sur les bancs de l'école. Les visages sont floutés, les voix modifiées et les noms empruntés mais les confessions semblent sincères. « Plaisir du jeu d'espion », « savoir ce que personne ne sait », « fascination pour l'actualité internationale »… Outre la part de fantasme, les motivations des postulants s'avèrent assez variées. Ils exercent des fonctions diverses au sein de l'institution : chef de poste, analyste, traducteur ou agent du service action.

À LIRE AUSSI Services secrets : comment devenir cyberespion à la DGSEUne fois recrutés officiellement, les apprentis-espions commencent leur formation intensive. Après un cursus de base, ceux destinés à agir sur le terrain (les agents traitants) doivent se perfectionner durant plusieurs mois dans l'objectif de pouvoir « amener une source à dire ce que personne ne devrait dire ». Un euphémisme pour ne pas utiliser le terme « manipulation ». Dans les rues de Paris auprès de quidams lambda, les néophytes apprennent les ficelles du métier : filature, contre-filature, prise de contact avec un inconnu ou transmission d'objet. De quoi rendre un brin parano le téléspectateur qui se demande s'il n'a jamais été suivi ou approché par un agent de la DGSE à l'entraînement. On découvre aussi l'acronyme anglais MICE qui regroupe les quatre leviers possibles pour recruter une source (Money, Ideology, Compromission, Ego). Comme le montrent nombre de trahisons dans l'Histoire, flatter l'ego de la cible est probablement le moyen de recrutement le plus profitable.

Les secrets inavouables de la DGSE

La formation exigeante mène les éléments prometteurs au terrain, aux actions réelles et aux cibles véritables. Très didactique, le documentaire de France 2 ne révèle aucun secret inavouable. Le mystère reste en grande partie de mise sur les opérations sensibles, autant du côté des échecs que des réussites. La DGSE ne se glorifie ni de l'un ni de l'autre, car un bon service secret reste discret. À titre d'exemple, est néanmoins retracée avec minutie la longue traque de terroristes d'Aqmi, assassins de quatre Français en Mauritanie le 24 décembre 2007. Un décryptage pas très éloigné des films d'espionnage les plus réalistes.

Si les fans des romans de John Le Carré ou de la série Le Bureau des légendes retrouvent un vocabulaire et des manières d'agir familiers, ceux de James Bond ne reconnaîtront pas le glamour de l'agent britannique dans le quotidien des espions français, même si ceux s'entraînent au combat rapproché et au maniement des armes de poing. En intégrant l'unité du boulevard Mortier, un ancien parachutiste découvre ainsi un « univers bureaucratique provincial ». Agrémenté d'images d'archives ou d'entraînement, DGSE : la fabrique des espions parvient, grâce à la force de la parole des protagonistes, à transcender la difficulté inhérente à l'anonymat et aux floutages incessants. La réalisation et le montage dynamique apportent de la fluidité au film, en s'inscrivant sans effets outranciers dans l'atmosphère en clair-obscur qui sied au sujet. Conséquence probable de l'obtention d'un accord officiel pour approcher des agents en activité, le documentaire manque un brin de recul critique et s'apparente parfois à une entreprise de recrutement, très efficace d'ailleurs. Ces bémols n'en diminuent pas l'intérêt et le caractère exceptionnel.

DGSE, la fabrique des agents secrets, de Théo Ivanez et Jean-Christophe Notin, diffusion mardi 9 avril à 21 h 10 sur France 2 (durée : 1 h 30). Tiré du livre DGSE. La Fabrique des agents secrets de Jean-Christophe Notin, paru aux éditions Tallandier en février 2024.

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Commentaires (4)

  • THC26

    Fier de nos services…

  • Didier LOUIS

    J'ai regardé et c'était passionnant.
    On va oublié l'épisode du Rainbow Warrior et le massacre des toutsys, bien renseigné mais complètement nié par Le Politique de l’Élysée.

  • LECHTI2011B

    J'aurais aimé y participe, hélas trop vieux et pas intéressant...
    Qui n'aurait pas aimé être un James Bond français et vivre des aventures ?