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Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est-elle réellement fortuite ? Difficile de ne pas se poser la question devant les deux premiers épisodes (sur six) de Dans l'ombre, la série adaptée du roman éponyme co-écrit en 2011 par Édouard Philippe et son conseiller de toujours, Gilles Boyer, qui ont aussi participé au scénario…
En compétition lors de la 14e édition du festival Séries Mania, qui se tient jusqu'au 22 mars à Lille, ce thriller politique propose en effet une immersion dans les coulisses d'une campagne fictive à l'élection présidentielle en France… en 2025. Et si l'ancien Premier ministre n'a pas encore officiellement déposé sa candidature pour les échéances bien réelles de 2027, il ne cache plus vraiment ses ambitions élyséennes.
À LIRE AUSSI Que vaut « La Fièvre », la nouvelle série de Canal+ ?La mise en abyme est donc au minimum troublante. Elle l'est d'autant plus que Dans l'ombre s'attache particulièrement à décrire les relations entre un candidat de centre-droit (Melvil Poupaud, qui arbore pour l'occasion une barbe… grisonnante) et son conseiller depuis vingt ans, un apparatchik aussi loyal que dévoué (magistral Swann Arlaud, également à l'affiche de l'oscarisé Anatomie d'une chute). Ces protagonistes « ne font pas référence à des personnes existantes mais à des métiers », a pourtant assuré Gilles Boyer, présent lors de la conférence de presse à Lille, dimanche dernier, où le maire du Havre a brillé par son absence. Pas sûr que cela suffise à convaincre tous ceux qui se prêteront au jeu des comparaisons ou des amalgames.
Dans l'ombre met en lumière les conseillers politiques
Il serait cependant dommage de réduire cette série à une projection plus ou moins fantasmée de la prochaine présidentielle. Car Dans l'ombre est d'abord et surtout une plongée fascinante dans l'envers du décor, au cœur de l'appareil politique et de ceux qui en actionnent les rouages.
La fiction, qui bénéficie de la vision de Pierre Schoeller, son showrunner et réalisateur (à qui l'on doit l'excellent L'Exercice de l'État récompensé de trois césars en 2011), s'ouvre donc sur les primaires du parti conservateur dans une France gouvernée par la coalition écolo-socialiste. Le modéré Paul Francœur dispute l'investiture à sa rivale beaucoup plus radicale Marie-France Trémeau (Karin Viard), grande favorite dans les sondages. C'est l'effervescence dans son QG, où sa garde rapprochée menée par César Casalonga, intime parmi les intimes, attend les résultats avec fébrilité… et débouche le champagne quand la victoire inespérée est remportée à l'arrachée.
À LIRE AUSSI Comment les politiques se recyclent dans les sériesMais il apparaît vite que le vote électronique a été truqué. À César de découvrir l'origine (et les raisons) de la fraude et d'en limiter les dégâts politico-médiatiques tandis que « le patron » poursuit sa course vers l'Élysée entre tractations avec sa meilleure ennemie, meetings fondateurs et autres entretiens avec une romancière embarquée décidée à brosser son portrait (comme Yasmina Reza en son temps avec Nicolas Sarkozy).
Une fiction aux frontières du réel
L'univers impitoyable du monde politique offre un terreau fertile aux fictions, qui depuis The West Wing (À la Maison-Blanche) jusqu'à Borgen en passant par House of Cards ou Baron noir, en ont décrit les coulisses… et les coups bas. Dans l'ombre continue de creuser ce sillon, tout en cultivant sa spécificité. La série déplace ainsi la focale sur les conseillers et communicants, ces faiseurs de rois républicains, qui « font tourner la machine derrière les têtes d'affiche » comme le précise Gilles Boyer, aujourd'hui député européen. Ce faisant, elle offre une description fouillée des arcanes méconnus du pouvoir, nourrie par le vécu de ceux qui l'ont réellement exercé : « On a une idée assez précise de ce qui se dit, ou ne se dit pas, de ce qui se joue dans les regards, les non-dits, les ambiguïtés » a-t-il développé. Ça sonne donc juste, ça sonne donc vrai.
Le téléspectateur intrigué est aux premières loges pour suivre de l'intérieur la conquête politique, commentée par la voix off de César et ses déclarations face caméra, à la manière d'un documentaire. Il découvre le rôle essentiel d'un conseiller dans l'élaboration de la stratégie de campagne, sa nécessaire abnégation et son isolement au sein d'une équipe gangrenée par les tensions et les ambitions personnelles de ses membres.
Il mesure aussi les difficultés d'une directrice de la communication (Évelyne Brochu) à faire entendre la parole de son candidat admiré dans le brouhaha polémique des réseaux sociaux… Ou à faire valoir sa légitimité dans un milieu encore très masculin. Il se passionne enfin pour le cheminement d'un homme charismatique cloué dans un fauteuil roulant après un mystérieux accident de la route mais bien déterminé à se hisser au plus haut sommet de l'État. Quitte pour cela à renoncer à ses idéaux ou à cacher (littéralement ?) quelques cadavres dans son placard.
Un thriller politique haletant
La série de France 2 n'oublie pas non plus d'injecter une part de polar dans son intrigue, histoire d'attirer aussi devant l'écran un public peu intéressé par la chose politique. Qui a truqué les élections ? Dans quel but ? Qui est prêt à tuer pour préserver ce secret ? Autant de questions qui trouveront une réponse dans les prochains épisodes de ce thriller politique instructif et haletant. Pierre Schoeller a annoncé qu'ils seront bouclés d'ici la fin de l'été.
Quant à la date de diffusion, elle n'a pas été précisée. Gilles Boyer est également resté très vague quant à sa participation à une éventuelle saison 2 : « Le calendrier commandera ce qu'on va se donner le temps et le loisir de faire dans les mois qui viennent », a-t-il déclaré, un brin cryptique. Pas de quoi faire taire les spéculations…
Il paraît que le prochain roman d'Edouard Philippe va s'intituler "comment j'ai provoqué la crise des gilets jaunes".
Et le suivant "la fabuleuse histoire des 80Km/heure"...
Le PNF...
Je recopie le commentaire du Sanglier