« Supersex » : faut-il regarder la série de Netflix sur la vie de la star du X Rocco Siffredi ?

CE SOIR À LA TÉLÉ. En sept épisodes, le parcours de la star internationale du X est retracé, de l’enfance à la gloire, quasi linéairement. Mais était-ce bien nécessaire ?

Par Philippe Chesnaud

Alessandro Borghi campe un Rocco Siffredi un peu lisse sans aspérité.
Alessandro Borghi campe un Rocco Siffredi un peu lisse sans aspérité. © Netflix

Temps de lecture : 5 min

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En pleine gloire, en 2004, Rocco Siffredi, icône mondiale de la pornographie, annonce qu'il se retire. Peut-on se libérer d'une addiction ? Cette question non posée sert de point de départ à la série Supersex, titre issu d'un magazine de roman-photo érotique que le tout jeune garçon trouve par hasard dans son village des Abruzzes, au bord de l'Adriatique. Sans juger de son potentiel intellectuel, on peut affirmer sans peine que Rocco Tano est un enfant précoce. Le préadolescent éprouve une irrésistible attirance pour la gent féminine, à commencer par Lucia, la fiancée de son frère aîné Tommaso. Dans l'Italie des années 1970, les mœurs se débrident et Rocco devient un adepte du plaisir solitaire, même si sa mamma adorée veut en faire un prêtre.

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C'est à Paris, en 1984, où il rejoint Tommaso et Lucia, qui se prostitue pour son mari, que Rocco perfectionne son apprentissage du français et des Françaises. Sur ce nouveau « terrain de jeu », le fougueux jeune homme est repéré dans un club libertin par Gabriel Pontello, une vedette du X, qui l'introduit dans le milieu. Sa carrière est lancée. Il devient une star assez rapidement, sans se soucier outre mesure des jalousies et inimitiés.

Anatomie d'une ascension

Selon la métaphore filée au long des épisodes, bénéficier d'un superpouvoir a un prix, celui de l'amour presque impossible. Le cœur lourd rend la chair triste, mais la monogamie ne sied pas à l'étalon italien – surnom qu'il partage avec Rocky, le boxeur créé par Stallone – quand il s'y essaye en vain. Ne doit-il pas faire profiter le monde entier de son pouvoir ? Alors, il privilégie les sentiers de la gloire. Voilà pour l'essentiel de la série.

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Avec son prénom devenu une antonomase pour désigner des garçons bien dotés par la nature, Rocco Siffredi a dépassé le cadre limité de son secteur d'activité pour obtenir la connaissance, à défaut de la reconnaissance, du grand public. Au point de figurer dans deux films traditionnels de Catherine Breillat (Romance X et Anatomie de l'enfer). Même s'il est moins exposé maintenant, l'Italien représente toujours l'archétype de l'acteur porno, hors norme et bestial. Si sa filmographie et la liste de ses partenaires à l'écran ne sont pas précises, les chiffres les plus communément admis a minima sont respectivement de 1 500 et 5 000. Quant à celui de son outil de travail, il oscille également de quelques centimètres au gré des interviews.

Attendu avec beaucoup de crainte, en raison de son sujet, et un soupçon d'excitation, pour des causes similaires, Supersex partait avec l'a priori favorable de sortir des sentiers battus régulièrement empruntés par les productions Netflix. La question principale étant : la vie de Rocco Siffredi mérite-t-elle de s'étaler sur 7 épisodes de 52 minutes ? Sans évoquer l'aspect moral, après visionnage, la réponse est mitigée. Passé la curiosité, les deux premiers épisodes, qui retracent l'enfance et l'adolescence tardive du héros, s'avèrent un peu mous. L'histoire prend de l'ampleur avec la carrière de l'acteur mais ne décolle jamais complètement.

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Pourtant la réalisation est soignée, tout comme l'image. La reconstitution du Paris des années 1980 est plutôt réussie et la bande originale est parfaitement adaptée à l'atmosphère ambiante. Pour désamorcer en partie les critiques potentielles, la production a embauché comme showrunneuse, Francesca Manieri, militante féministe reconnue. Résultat, les personnages féminins sont plutôt bien servis, même les actrices X ne sont pas toutes de simples réceptacles à fantasme. On y croise notamment avec plaisir Linda Hardy, jouant une tenancière réputée de club échangiste parisien.

Supersex mieux que Boogie Nights  ?

Ce n'est sans doute pas un hasard si le personnage le plus intéressant et bouleversant, celui de Lucia, la belle-sœur de Rocco, est fictif. Figure fantasmagorique et sacrificielle de la maman et de la putain, elle affronte avec abnégation les épreuves du temps et de la vie. Lucia bénéficie de son incarnation par l'excellente Jasmine Trinca, inoubliable Giorgia du diptyque Nos meilleures années et membre du jury du Festival de Cannes en 2022. Elle est soutenue avec brio par Adriano Giannini (Tommaso), qui compose un voyou torturé par ses origines incertaines et ses relations d'amour-haine avec son frère.

Bien entendu, les scènes de sexe abondent au long des épisodes mais elles ne sont, presque, jamais gratuites, servant à l'avancée de l'intrigue ou à percer, légèrement, les motivations de son héros. Car le problème qui handicape cette série – librement inspirée de la vie de Rocco Siffredi comme précisé dans le générique – vient peut-être du manque d'aspérité du personnage principal. Malgré l'interprétation convaincante d'Alessandro Borghi, déjà repéré dans Suburra, série de bonne facture sur la mafia romaine de Netflix, Rocco conserve une psyché en partie impénétrable, si on est bienveillant, ou inintéressante, si on est réaliste.

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Quelques bribes de psychologie laissent supposer un désir incestueux inassouvi et une incapacité à distinguer la vie de la fiction. À un producteur qui lui explique : « Ce n'est pas toi qui joues dans les films », Rocco répond : « C'est qui alors ? » Le documentaire éponyme de Thierry Demaizière et Alban Teurlai semblait en dire davantage sur l'homme et son côté obscur.

Supersex, à qui on peut reprocher une absence d'humour, souffre sans conteste de la comparaison avec quelques autres plongées fictionnelles dans le milieu du X. On pense notamment à l'exceptionnel Boogie Nights de Paul Thomas Anderson, film inspiré de la vie d'un des prédécesseurs de Siffredi, John Holmes, interprété par Mark Wahlberg. Une scène de Supersex présente d'ailleurs un hommage à Holmes, victime du sida. Boogie Nights racontait sans fard la transition entre le porno quasi artisanal et l'irruption de la vidéo, qui a transformé ce secteur en une industrie taylorisée. Cet aspect économique essentiel est nettement trop négligé dans Supersex.

Si la série de Netflix n'atteint pas la dimension tragique et pathétique de Boogie Nights, elle réussit à garder de l'intérêt grâce au destin incertain de quelques personnages secondaires attachants. Et l'évocation de la vie de Rocco permet de garder à l'esprit une question essentielle : c'est quoi l'amour ?

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Commentaires (9)

  • puzzle

    7 épisodes, n'est-ce pas un peu trop long... Une deuxième saison n'est pas nécessaire, on peut même se poser la question, fallait-il monter un scénario pour en faire une "mini" série...

  • Max Gerny

    Paraissent un peu mous... Il faut durcir le scénario !

  • mpoignant

    Et pourquoi on a eviter de parler du traffic humain ? Comme si tous les protagonistes de ce millieu etaient volontaire...