Que vaut « Scoop », le film de Netflix sur l’interview dévastatrice du prince Andrew en 2019 ?

CRITIQUE. Ce film réussi, avec Billie Piper et Gillian Anderson, revient sur les coulisses de l’interview qui conduisit à la mise à l’écart du deuxième fils d’Elizabeth II, empêtré dans l’affaire Epstein.

Par Philippe Chesnaud

Gillian Anderson et Rufus Sewell dans Scoop sur Netflix. 
Gillian Anderson et Rufus Sewell dans Scoop sur Netflix.  © Netflix

Temps de lecture : 4 min

Novembre 2019. Quasiment 24 ans jour pour jour après que Lady Di a exposé ses déboires conjugaux sur la BBC, le Prince Andrew se noie dans ses contradictions, mensonges et omissions au sujet de ses rapports avec le sulfureux Jeffrey Epstein et de ses relations charnelles avec de trop jeunes filles au cours d'une interview accordée à un programme phare de BBC2, Newsnight. Le film Scoop, disponible dès ce 5 avril sur Netflix, raconte les coulisses de cet épisode peu joyeux de la couronne en se basant sur le livre d'une des protagonistes, la productrice et journaliste Sam McAlister.

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Cette mère célibataire est modérément appréciée par ses confrères en raison de son côté franc-tireur, son ambition affichée et son goût du scoop qui tâche. Un de ses collègues affirme même « elle est très Daily Mail », en référence à un des tabloïds les plus populaires outre-Manche. Une réflexion guère amène au sein de la respectable maison BBC. Dans la grande tradition des journalistes têtes brûlées, réels ou fictifs, Sam fait fi des jalousies et suspicions. Elle entre en contact avec la principale collaboratrice du Prince Andrew alors que le scandale Epstein prend de l'ampleur après le suicide du financier en août 2019.

L'histoire d'un raté télévisuel pour le Prince Andrew

Le duc de York semble ne pas comprendre les reproches qui lui sont faits. Lors d'une rencontre préliminaire, il avoue ainsi : « Je connaissais bien mieux Jimmy Saville. » Difficile de discerner la provocation de la bêtise crasse dans l'évocation d'une ancienne vedette de la télévision, pédophile notoire, auquel Netflix a d'ailleurs consacré un passionnant documentaire. Quelques discussions serrées plus tard, Buckingham accepte l'interview. Elle sera menée par Emily Maitlis, la présentatrice chevronnée de Newsnight.

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Au cours de l'entretien enregistré, celui qui tenait le rôle de vilain petit canard de la famille avant que son neveu Harry ne prenne la relève n'exprime aucun repentir. S'exprimant avec une légèreté inappropriée, il réfute des faits pourtant avérés, dont la poursuite de la fréquentation de l'homme d'affaires après une première condamnation en 2008. Résultat de ce raté télévisuel dévoré par des millions de téléspectateurs britanniques : une mise à l'écart officielle du Prince et une autre annus horribilis pour les Windsor. Comme le disait Sam avant l'interview : « Une heure à la télévision peut tout changer. C'est magique. »

Généralement, les fictions dédiées au journalisme s'intéressent à l'investigation, la partie jugée la plus noble, ou au moins la plus cinématographique, du métier. À base de sources mystérieuses, de documents confidentiels et de reporters tenaces et perspicaces, voire alcooliques, les réussites du genre sont légion, des Hommes du président à Spotlight.

Gillian Anderson et Billie Piper parfaites

Avec réalisme, Scoop aborde un aspect plus obscur mais essentiel économiquement pour la plupart des médias : la quête d'interviews exclusives. Sur fond de plan de licenciement dans le service public, le film rend aussi hommage aux grands intervieweurs de la télé britannique, accrocheurs sans être agressifs, souvent imités dans les autres pays mais rarement égalés. A priori, le sujet paraît un peu mince pour retenir l'attention 1 h 40 durant. D'autant plus que la fin est connue. Pourtant, le résultat est captivant avec une description des rapports de force et de séduction entre les médias et leurs interlocuteurs qui évite la caricature.

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Peu créatif sur la forme, Philip Martin, réalisateur vétéran sans grands faits d'armes si ce n'est la réalisation de nombreux épisodes de séries (Les Enquêtes de l'inspecteur Wallander, Hercule Poirot ou Suspect numéro 1), parvient à maintenir la tension dramatique. En revanche devant la caméra, les acteurs excellent. Comme à l'accoutumée, Gillian Anderson (X Files, The Crown) incarne avec classe et panache, Emily Maitlis, la présentatrice vedette moins caricaturale que son inséparable lévrier tenu en laisse ne le laisse imaginer.

C'est néanmoins Billie Piper, ex-compagne de Doctor Who sur petit écran, qui transcende le film par son énergie débordante. Elle donne au personnage de Sam une profondeur et une humanité insoupçonnée de prime abord. Seule contre tous, elle creuse son sillon, convainc, revient à la charge et se sent presque dépassée par l'ampleur des événements qui lui valent enfin la reconnaissance de ses pairs.

La performance de Rufus Sewell, vu récemment dans la série de Netflix La Diplomate et méconnaissable dans le rôle d'Andrew, est tout aussi convaincante. Il parvient presque à nous faire prendre en pitié celui qui n'a pas la réputation d'être le couteau le plus affûté de l'argenterie royale. Excellente surprise au sein de films Netflix qui ne font pas toujours dans la finesse, Scoop vaut largement le coup d'œil.

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