« Love Actually » a 20 ans : rendez-nous les « rom com » !

L’anniversaire du film culte, de retour dans les salles, rappelle que les comédies romantiques, aujourd’hui, se font rares. Mais leur « come-back » se prépare.

Par Lucas Fillon

La scène culte de Love Actually met en scène un Andrew Lincoln pas encore passé sous les dents des morts-vivants de The Walking Dead.
La scène culte de Love Actually met en scène un Andrew Lincoln pas encore passé sous les dents des morts-vivants de The Walking Dead.

Temps de lecture : 7 min

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On ne pouvait rêver meilleure façon de commencer les célébrations de Noël. Ce mardi 5 décembre, à l'occasion de son vingtième anniversaire, la comédie romantique Love Actually, de Richard Curtis, revient dans les salles françaises dans une version restaurée, pour une séance unique, en soirée. Ce film majeur narre avec un humour so british et une belle sensibilité les histoires sentimentales de personnages se croisant dans le Londres du début des années 2000, incarnés par la crème des acteurs anglais (Hugh Grant, Emma Thompson, Keira Knightley, Colin Firth…). La ressortie s'effectue aussi dans d'autres pays. Pilotée par Universal et Studiocanal, elle a démarré fin novembre en Allemagne.
Rares sont les films de patrimoine à bénéficier d'un tel dispositif quand ils regagnent le grand écran. Studiocanal, qui détient les droits du long-métrage pour de nombreux territoires, dont la France, gère cette distribution exceptionnelle du 5 décembre.

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Et Hugh Grant se mit à danser, faisant basculer <em>Love Actually </em>dans le monde fermé des comédies romantiques cultes.
Et Hugh Grant se mit à danser, faisant basculer Love Actually dans le monde fermé des comédies romantiques cultes.
Juliette Hochart, directrice du catalogue au sein de la structure, explique pourquoi Love Actually la mérite : « C'est un film culte et il était naturel, pour cet anniversaire, que l'on crée un véritable événement. On souhaite que les plus de 40 ans, qui le connaissent bien, ou les plus jeunes, qui ne l'ont pas forcément vu, le (re)découvrent d'abord au cinéma, où les rires et les émotions se partagent. Quant au choix de la séance unique, il a été adopté pour renforcer la mise en lumière de cette ressortie et concentrer la communication et l'implication des salles sur une seule date. »

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Love Actually sera projeté par 365 cinémas, qui, pour beaucoup, organiseront des animations. Pour ceux qui ne pourraient se rendre à la séance, la version restaurée sera disponible sur tous les supports vidéo et en digital dès le lendemain, le 6 décembre.

Quand Harry rencontre Sally, Coup de foudre à Notting Hill : la fin des classiques

Cet anniversaire devrait susciter un brin de nostalgie chez les spectateurs, car Love Actually est sorti au cours du dernier âge d'or des comédies romantiques (ou rom com, comme on les appelle couramment) américaines et britanniques – les États-Unis et le Royaume-Uni étant les deux bastions du genre. Cet âge d'or a débuté à la fin des années 1980 et a duré jusqu'à la fin des années 2000. Il nous a apporté de nombreux classiques, de Quand Harry rencontre Sally (1989) à The Holiday (2006), en passant par Coup de foudre à Notting Hill (1999). Depuis, l'offre s'est appauvrie et le public n'est plus au rendez-vous.

Si on analyse 2019 – bon baromètre car dernière année avant la pandémie dont le 7e art se remet encore –, seules deux rom com anglophones étaient à l'affiche : Séduis-moi si tu peux !, avec Charlize Theron et Seth Rogen, et Last Christmas, avec Emilia Clarke et Henry Golding. Séduis-moi si tu peux ! a totalisé près de 200 000 entrées en France et près de 54 millions de dollars de recettes à l'international ; Last Christmas (très inspirée du tube du même titre de Wham !), près de 300 000 entrées en France et 123 millions de dollars de recettes dans le monde.

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À titre de comparaison, Pretty Woman (1990) avait engrangé 4 millions d'entrées en France et 463 millions de dollars au box-office mondial ; le premier volet de la franchise Bridget Jones (2001), 3,5 millions d'entrées en France et 334 millions de dollars de recettes à l'international. Alors, que s'est-il passé ?

Romancière et scénariste, spécialiste de la rom com, Marianne Levy a publié en octobre, chez Gallimard, un ouvrage passionnant, Les Comédies romantiques, qui analyse la construction des scénarios de ces films en s'appuyant sur un corpus d'une centaine d'œuvres, de toutes nationalités. Elle avance plusieurs raisons pour ce déclin, notamment pour le cinéma US : « Il est lié à un phénomène plus large : la polarisation du cinéma. Depuis des années, il y a d'un côté les blockbusters, dominés par les films de super-héros, et, de l'autre, les films à Oscars. Le cinéma mainstream de qualité, à budget moyen, auquel appartiennent les comédies romantiques, n'existe plus, délaissé par les studios. »

Elle poursuit : « Plus globalement, en parallèle, les réseaux sociaux se sont avérés des concurrents. Sur TikTok ou Instagram, les gens racontent leurs histoires d'amour. Sans sortir de chez soi et gratuitement, on a de la rom com à volonté. Enfin, il y a des films qui n'ont pas servi le genre. Mais le problème avec la comédie romantique, c'est qu'on la réduit toujours au pire de ce qu'elle a produit, alors qu'elle a livré des chefs-d'œuvre. C'est le seul genre cinématographique avec lequel on fait cela. Je vois là-dedans de la misogynie, la rom com étant perçue comme s'adressant à un public féminin. »

Un nouveau cycle se profile

En France, on ne peut pas dire que la rom com soit un genre central dans notre cinéma. Toutefois, surtout dans les années 2000 et au début des années 2010, beaucoup de tentatives ont été faites, avec des réussites, comme Prête-moi ta main avec Charlotte Gainsbourg (3,7 millions d'entrées, 2006), L'Arnacoeur (3,8 millions d'entrées, 2010), et 20 ans d'écart (1,4 million d'entrées, 2013). Puis, l'offre a également diminué, même si des exceptions sont à noter, comme Tout le monde debout (2,4 millions d'entrées, 2018), et, lors de cette année 2019, Mon inconnue. Cette dernière, portée par un casting à l'époque peu identifié (François Civil n'avait alors pas la même popularité), avait dépassé les 550 000 entrées – un joli score.

Anne Cherel, directrice de la distribution et des ventes internationales chez Studiocanal, relativise certains aspects : « Oui, que ce soit en France ou même à l'international, il y a un creux en termes de comédies romantiques produites pour la salle. Mais, à présent, on observe une nouvelle demande. Le cinéma fonctionne par cycles. Pour les rom com, un nouveau démarre et, chez Studiocanal, on a toujours cru et on croit toujours à ce genre. »

Elle ajoute : « Particulièrement pour les rom com, il faut avoir conscience que leur succès s'évalue sur la durée et la trajectoire qu'elles suivent après leur sortie. Grâce à ses multiples passages à la télévision et sa présence sur les plateformes, Love Actually a la notoriété d'un film qui aurait fait cinq millions d'entrées en France, alors que, à sa sortie, il a frôlé le million d'entrées. Il n'y a pas forcément besoin d'un raz-de-marée en salle pour qu'une rom com soit rentable et devienne culte. En revanche, l'exploitation au cinéma est indispensable pour qu'elle entre dans l'imaginaire collectif. »

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Hugo Gélin, le réalisateur de Mon inconnue, nous confie le parcours que continue d'avoir son film, vendu par Studiocanal : « Il s'est très bien exporté et a cartonné dans plusieurs pays, comme la Corée du Sud ou le Japon. De nombreuses demandes de remakes ont été reçues. En 2024 se tourneront les versions mexicaine et japonaise. En France, à chaque diffusion à la télévision, Mon inconnue prend une nouvelle dimension. Et, depuis, François Civil est devenu un acteur phare du cinéma français. Les spectateurs qui l'apprécient regardent les longs-métrages dans lesquels il a joué avant. Cela apporte une deuxième vie au film. En outre, une plateforme m'a proposé de l'adapter en série, mais je ne voyais pas comment l'aborder de cette manière. »

La comédie romantique, un genre capital pour les plateformes

Les plateformes, justement. Sont-elles le refuge des rom com ? Indiscutablement, elles les plébiscitent, surtout en série. De Plan cœur, lancée en 2018 sur Netflix, à Irrésistible (Disney+, 2023), on pourrait citer pléthore d'exemples. La réalisatrice Nadège Loiseau a mis en scène pour Netflix une mini-série rom com, Christmas Flow (2021), écrite par Henri Debeurme, Marianne Levy et Victor Rodenbach. Elle livre son point de vue : « Les plateformes ont investi la rom com car elles savent que le public l'adore ! Elles considèrent aussi que c'est un genre noble. À ce titre, elles l'accompagnent avec des budgets qui lui permettent de s'épanouir. » En revanche, pour Nadège Loiseau, ce serait un contresens que de dire que les rom com ne peuvent plus trouver leur place au cinéma. « Le genre y est en sommeil, mais une proposition forte le réveillera à tout moment. » Hugo Gélin renchérit : « Qu'elles soient françaises ou d'autres pays, les rom com peuvent encore exister sur grand écran. Ce n'est pas le genre qui définit le support, mais l'histoire racontée. »

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En attendant de voir la rom com renaître au cinéma (des projets sont dans les tuyaux), on peut se demander si celle-ci ne s'est pas invitée dans des films que l'on n'associe pas au genre et qui l'ont pourtant embrassé. Succès surprise de 2022, L'Innocent de Louis Garrel a été présenté comme une comédie de casse, mais, pour Marianne Levy, « on y côtoie avant tout deux personnages qui se réparent par l'amour ». (Re)voyez le film, c'est en effet un sommet de comédie romantique.

Love Actually, de Richard Curtis (2003), 2 h 09. Sortie en salle en version restaurée, pour une séance unique, le 5 décembre. Version restaurée disponible en UHD, Blu-Ray, DVD et digital le 6 décembre.

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