Cinq films pour comprendre la colère des agriculteurs

Alors que la crise du monde agricole ne retombe pas, Le Point Pop vous propose une sélection d’œuvres récentes sur les tourments des soldats de la terre.

Par

Guillaume Canet dans Au nom de la terre d'Édouard Bergeon (2019).
Guillaume Canet dans Au nom de la terre d'Édouard Bergeon (2019). © Nord Ouest Films

Temps de lecture : 5 min

Lecture audio réservée aux abonnés

La grogne des agriculteurs fait rage depuis plusieurs jours dans toute la France. Serait-ce l'éclatement général que prédisait en 2019 le livre Sérotonine de Michel Houellebecq ? Alors que les agriculteurs convergent pour bloquer Paris et faire valoir leurs revendications, tournons-nous vers les salles obscures pour observer comment le 7e art a récemment cultivé cette brûlante thématique.
Cinq films qui, chacun à sa façon, plantent les graines d'une réflexion utile sur la dure condition d'une profession exigeant de nombreux sacrifices.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Goliath (2022) : capitalisme contre paysannerie

Réalisé par Frédéric Tellier, ce long-métrage s'inspire de l'affaire des « Monsanto Papers », qui a mis en cause un important groupe agrochimique produisant et défendant le controversé pesticide glyphosate (renommé tétrazine dans le film). Un produit bon marché utilisé en masse par les agriculteurs pour augmenter les rendements de leurs exploitations. Dès les premières minutes, on assiste à un acte désespéré de Lucie, une agricultrice qui se bat contre la vente de cet herbicide qui a très probablement causé la mort de sa femme. Son avocat, joué par Gilles Lellouche, porte le combat contre Phytosanis, le groupe qui vend ce produit mortel. En face de lui, un brillant lobbyiste, interprété par Pierre Niney, ne manque pas de stratagèmes pour défendre les intérêts de son groupe. En parallèle se joint à la lutte une femme d'agriculteur (Emmanuelle Bercot) qui a contracté un cancer.

Ce film met en opposition deux mondes : les affaires et la paysannerie. Le premier ne s'intéresse qu'aux marges tandis que l'autre cherche seulement à exercer son métier sans danger. Un film qui explore avec justesse les rapports de force entre les syndicats et les grands groupes industriels, à travers lesquels s'entremêlent des histoires individuelles fortes et réalistes. Mention spéciale à Pierre Niney, qui livre une interprétation très convaincante.

Goliath, à louer sur Prime Video ou UniversCiné.

À LIRE AUSSI Colère des agriculteurs : que réclament les manifestants ?

Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes (2020) : portrait naturaliste d'un agriculteur

Voilà un film documentaire unique en son genre. Tout est né d'une rencontre sur une plage de Charente-Maritime : le réalisateur Rodolphe Marconi remarque un homme qui contemple la plage mais sans jamais se baigner. Au bout d'un certain temps, le cinéaste part à sa rencontre et découvre Cyrille, 30 ans, agriculteur, qui n'avait encore jamais vu la mer. Soudain, le metteur en scène est pris d'une envie impérieuse d'aller le filmer chez lui, dans sa ferme isolée en Auvergne.

Durant quatre mois et en équipe très réduite, le réalisateur en immersion nous fait découvrir le quotidien de Cyrille, sans artifices ni misérabilisme. Son rythme de vie se résume ainsi : se lever à 6 heures, nourrir les vaches, vendre du lait à la coopérative et rembourser les banques. Au-delà d'un portrait d'une sincérité touchante, on découvre un homme qui ne se plaint jamais et reste digne malgré les huissiers. Le documentaire, intimiste, nous plonge dans la vie éprouvante et solitaire d'un fermier ordinaire. Saisissant.

Au nom de la terre (2019) : récit engagé d'un fils de paysan

Deux suicides d'agriculteurs par jour : telle est l'implacable réalité du monde agricole, selon un rapport de la Mutualité sociale agricole de 2022. Et tel est tout le propos de ce film. Édouard Bergeon avait réalisé le documentaire Les Fils de la terre en 2012, sur le suicide des paysans français, avant de passer à ce long-métrage inspiré de sa propre histoire familiale. Et particulièrement celle de son père éleveur qui, à cause des dettes et de la dépression, a mis fin à ses jours en 1999.

Guillaume Canet incarne Pierre Jarjeau, un jeune homme de 25 ans fraîchement rentré des États-Unis et qui reprend la ferme familiale. Vingt ans plus tard, l'exploitation s'est agrandie, mais le système a changé ; il croule sous les dettes et les aléas du métier le font craquer. Avec 2 millions d'entrées au box-office, Au nom de la terre fut un grand succès en salle. Un film engagé qui dénonce la situation précaire des paysans ainsi que les vices du système agricole français et de la PAC.

Au nom de la terre, disponible sur Netflix.

Petit Paysan (2017) : la vache folle, un arrêt de mort

Parmi les malédictions du monde paysan : les maladies bovines. Arrivé en France au milieu des années 1990, le syndrome de la vache folle a donné du fil à retordre à nombre de paysans. Au premier animal contaminé, tout le troupeau doit être abattu. C'est ce que nous raconte le film, réalisé par un fils d'agriculteur. Après avoir travaillé dans le secteur des vaches laitières, Hubert Charuel s'est hissé dans le monde restreint du cinéma en entrant à La Fémis.

Dans ce drame rural, Pierre (joué par Swann Arlaud) interprète un paysan de 30 ans dont la vie tourne autour de sa ferme, de sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau) et de ses parents, dont il a repris l'exploitation. Un jour, il s'aperçoit qu'une de ses vaches est malade. Pris de peur, il décide de la supprimer en cachette pour sauver les autres. Cette fuite en avant le mènera à de nombreuses mésaventures. Un film aux tonalités parfois fantastiques, auréolé de trois césars (meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleur second rôle féminin).

Petit Paysan, à louer sur Arte Boutique ou MyCanal.

À LIRE AUSSI Marine Tondelier face à Willy Schraen, conversation électrique sur la ruralité

Je vous trouve très beau (2005) : la misère sentimentale ?

Le film aborde un autre tabou du monde agricole : les relations amoureuses. Le désert sentimental paysan, mythe ou réalité ? Dans tous les cas, pour Aymé Pigrenet, l'heure n'est pas aux chagrins. Au lieu de pleurer la mort de sa femme, il se soucie du coup de main dont il a besoin pour faire tourner sa ferme. Il se rend dans une agence matrimoniale pour trouver celle qui saura se charger des tâches ménagères.

Et c'est en Roumanie qu'Aymé va rencontrer Elena… Isabelle Mergault réalise un film sensible, bien mené, avec des touches d'humour. Un portrait tout en émotion d'un paysan bourru (Michel Blanc, très crédible) qui laisse plus de place au travail qu'aux histoires de cœur. Long-métrage couronné du césar du meilleur premier film.

Je vous trouve très beau, à louer sur Prime Video ou Apple TV.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • INTERSTELLAR

    Soutien amical au Monde paysan, ne lâchez rien !