« La Zone d’intérêt », « They Shot the Piano Player », « Le bonheur est pour demain », « Sous le vent des Marquises » et « Argylle » : quels films aller voir ?

« Le Point » a noté de 1 à 5 étoiles cinq films en salle ce 31 janvier. Si « La Zone d’intérêt » risque de vous marquer à jamais, il n’en sera pas de même de toutes les sorties de la semaine. Loin de là.

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Temps de lecture : 8 min

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D'un côté, le cauchemar. Celui du camp d'Auschwitz-Birkenau qui, sans jamais être montré, tient la première place de La Zone d'intérêt. De l'autre, Argylle, une production américaine boursouflée et aussi excitante qu'un plat de raviolis en boîte.

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Entre les deux, une poignée de films français délicieux qui, sans jouer la carte de l'originalité, offrent de belles prestations d'actrices – Laetitia Casta – et d'acteurs peu habitués aux drames – François Damiens. Pour l'audace, il faudra plutôt opter pour le cinéma toujours inventif de l'Espagnol Fernando Trueba.

La Zone d'intérêt ✭✭✭✭
Auschwitz au fond du jardin

Grand Prix du jury au dernier Festival de Cannes, ce film du Britannique Jonathan Glaser a fait l'effet d'un électrochoc. Tiré du roman de son compatriote Martin Amis, mort à 73 ans, deux jours avant sa présentation à Cannes, il nous fait vivre un cauchemar éveillé. L'histoire ? Le commandant SS du camp d'Auschwitz-Birkenau, Rudolf Höss, et sa famille mènent une vie paisible, à deux pas des fours crématoires, dans leur grande maison. Leur personnel est juif.

Dès le générique, le ton est donné, glaçant comme cet écran noir qui semble nous avertir du pire. L'originalité du propos tient à suggérer les horreurs du camp en utilisant le procédé du hors-champ, un noir et blanc brillant, des plans filmés en infrarouge et une bande-son déroulée comme une longue plainte où s'entremêlent cris, pleurs et coups de feu. On ne voit jamais ce qui se passe derrière les barbelés, sinon la fumée, dans les airs, et le grondement continu de la mort industrielle. Pendant ce temps, les enfants Höss vont à l'école, leur mère plante des rosiers et leur père, bourreau scrupuleux, règle les détails de la « Solution finale », supervise les plans d'un nouveau four crématoire. Ici, l'horreur est presque invisible et la campagne, si belle. Terrifiant.

La Zone d'intérêt, en salle.
À lire : « La Zone d'intérêt », de Martin Amis (Calmann-Lévy, nouvelle édition).

They Shot the Piano Player ✭✭✭✭
Un thriller magnifique et captivant

Quand il apprend l'histoire du grand pianiste brésilien de bossa-nova Francisco Tenorio Junior, disparu mystérieusement à Buenos Aires juste avant le coup d'État de 1976, Fernando Trueba mène l'enquête. Faut-il aller voir They Shot the Piano Player ? « J'ai filmé plus de 140 interviews dans plusieurs pays avec ses amis musiciens comme Caetano Veloso et Milton Nascimento », raconte le cinéaste espagnol. Il ne sait pas alors quoi faire de tous ces rushs. Puis vint le déclic : plutôt que de faire un énième documentaire ou biopic, Trueba décide de faire un film d'animation avec un ami, le dessinateur Javier Mariscal. Il s'invente un alter ego fictif – journaliste américain –, auquel Jeff Goldblum prête sa voix. Tantôt thriller, tantôt enquête journalistique ou récit historique, son long-métrage oscille entre réalité et fiction. Il nous emmène dans les bars enfumés de Rio, où la bossa-nova naît dans les années 1960, en compagnie de Gilberto Gil, Caetano Veloso, Chico Buarque… Ces monstres sacrés sont dessinés, mais ils parlent avec leurs vraies voix.

Le trait réaliste de Mariscal, qui s'imprègne des comics underground américains des années 1960, porte le film, tout comme la musique de Francisco Tenorio Junior. Les couleurs explosent quand les musiciens jouent, qu'Ella Fitzgerald « scatte » à Rio, mais se noircissent lors de la visite de l'École de mécanique de la marine, où l'on torturait les opposants. Avec They Shot the Piano Player, cocktail de genres cinématographiques aussi sucré qu'explosif, le cinéaste rend hommage à une période foisonnante et livre une formidable déclaration d'amour à la musique. Un film beau et libre, comme un solo de jazz.

They Shot the Piano Player, en salle.
À écouter : le disque Embalo (1964) de Francisco Tenorio Junior

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Le bonheur est pour demain ✭✭✭
L'amour par-delà les barreaux

Après Le Consentement, film à succès de Vanessa Filho sur l'affaire Gabriel Matzneff dans lequel elle joue le rôle de la mère de Vanessa Springora, Laetitia Casta décroche le premier rôle dans le nouveau film de Brigitte Sy, Le bonheur est pour demain. Un drame sentimental tendu dans lequel la cinéaste renoue avec l'univers carcéral de son premier long-métrage, Les Mains libres (2010), et de L'Astragale (2015), qui évoquait l'histoire d'amour insolite entre une femme et son compagnon emprisonné. Elle-même a donné des ateliers de théâtre en prison et a fini par épouser un de ses élèves.

S'il s'agit d'une fiction, Le bonheur est pour demain est inspiré de la même histoire, celle, vraie, de Sylvie que Brigitte Sy connaissait et qui est devenue Sophie, jouée par Laetitia Casta. Nous sommes dans les années 1990. L'histoire se concentre sur cette mère d'un enfant qui partage sa vie avec un conjoint qui ne la fait pas rêver. Jusqu'au jour où elle tombe sous le charme de Claude (Damien Bonnard), un homme vif, drôle, imprévisible. Problème : il n'a rien du prince charmant, c'est un braqueur. Au cours d'un hold-up, un homme est tué et il écope d'une lourde peine de prison.

« Tout devrait s'arrêter là mais, contre toute attente, Sophie ne renonce pas à son amour pendant de longues années », remarque Laetitia Casta, qui joue actuellement au théâtre Une journée particulière. « Elle est follement éprise de cet homme qui agit sur elle comme un catalyseur. Il la révèle à elle-même. Elle est prête à tout pour lui, et n'hésite pas à lui donner un enfant et même à organiser une évasion. »

Est-elle heureuse ? Difficile à dire tant que sa passion ne s'est pas éteinte pour celui qui n'a pas le profil d'un voyou. La cinéaste l'observe et la laisse courir après ce bonheur stérile, sans trop se poser de questions, du moins au début. Que Brigitte Sy, mère de son mari Louis Garrel, soit de facto sa belle-mère n'a pas gêné Laetita Casta pendant le tournage, bien au contraire. Elle la décrit comme une femme de tempérament et de convictions, pas classique du tout. À l'image du personnage joué par Anouk Grinberg dans L'Innocent, la savoureuse comédie de son fils, Louis Garrel, qui s'inquiète des relations de sa mère avec un ancien détenu.

Dans le rôle de Sophie qui va jusqu'au bout de ses sentiments et attend en vain le retour du bien-aimé sans se morfondre, l'actrice déploie son énergie, son charme pour en faire une héroïne romantique, exaltée face à Damien Bonnard, jeu sobre et intense de violence renfermée. Dans le rôle de la mère de Claude et confidente de Sophie, Béatrice Dalle apporte le poids de son vécu et une authenticité sans fard. La fin ouverte où l'on voit Sophie se promener avec ses deux enfants sur la plage laisse supposer qu'elle a trouvé une autre raison de vivre et d'espérer. Un bonheur pour demain ?

Le bonheur est pour demain, en salle.

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Sous le vent des Marquises ✭✭✭
Joue-la comme Brel !

Quatrième film du cinéaste Pierre Godeau, 37 ans, qui depuis l'époque de Juliette s'intéresse de près à la filiation et à la famille. Il y revient dans Sous le vent des Marquises à travers l'histoire d'Alain (François Damiens), un acteur célèbre qui, après avoir accepté de jouer Jacques Brel au cinéma, plaque tout et décide de rejoindre sur l'Île aux Moines sa fille, Lou (Salomé Dewaels), qu'il n'a pas vu grandir, et son ex-femme, Valérie (Anne Coesens).

Il a un cancer, se sait condamné et n'a pas de temps à perdre pour partager des moments complices avec sa fille avec laquelle il va tisser des liens à la fois sentimentaux et artistiques. Comment rattraper le temps perdu ? Pourquoi faut-il parfois sacrifier beaucoup de choses, y compris sa famille, pour faire ce métier ? Autant de questions que se pose Alain, confronté aujourd'hui à lui-même et à sa maladie.

« Au début, raconte François Damiens, je redoutais d'incarner un monument comme Brel, puis j'ai découvert que ce n'était pas un biopic mais un personnage qui lui ressemble dans sa façon de concevoir sa vie et sa carrière. Pas question de le mimer, encore moins de chanter ! »

Il n'empêche, l'ombre de Brel qui abandonna sa carrière pour accomplir son rêve, partir en bateau et vivre aux Marquises, plane tout au long de cette comédie dramatique ponctuée d'interviews et d'images d'archives du chanteur. « Il me fascine depuis toujours, poursuit l'acteur belge. Il a beau parler d'amour passé, de mal-être, de ses peurs, sa poésie me fait du bien. Avec lui, j'ai l'impression qu'on se sent moins seul et, d'un seul coup, il me redonne le moral. Quand il chante les Marquises, je rêve d'y aller. »

L'intrigue, toute simple, repose sur la dynamique du duo père-fille habilement alimentée par Pierre Godeau qui s'inspire de sa relation avec son père, le producteur Philippe Godeau. L'occasion de s'interroger sur le poids du passé et la résilience des uns et des autres grâce à la famille et au cinéma, « toujours plus beau que la vie », selon Truffaut. Mais tout sacrifier pour son art en vaut-il la peine ? François Damiens aime citer son ami Benoît Poelvoorde (qui fait une apparition dans le film) : « Un acteur, c'est quelqu'un payé pour rester loin de chez lui. » CQFD par le rire.

Sous le vent des Marquises, en salle.

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Argylle ✩✩✩✩✩
Attention, navet !

<em>Argylle,</em> le film qui patine.
 ©  Studio
Argylle, le film qui patine. © Studio
Mais qu'est-il arrivé à Matthew Vaughn ? Jadis faiseur plutôt alerte, voire franchement inspiré dans Layer Cake, X-Men : le commencement et le premier Kingsman : services secrets, il s'embourbe avec Argylle dans un pétrin poussif et pétri de poncifs. L'insipide Bryce Dallas Howard campe une très casanière autrice de romans d'aventures en panne d'inspiration, tandis que le public trépigne en attendant les prochains exploits de sa création-best seller : l'agent secret Argylle (Henry Cavill). Bientôt, un inconnu pouilleux croisé dans un train (Sam Rockwell) lui révèle qu'elle est la cible d'un complot bien réel dans lequel ses propres parents sont impliqués…

En équilibre précaire sur une idée de scénario en trompe-l'œil qui ne fonctionne jamais vraiment, Argylle brasse trop de concepts, rebondissements ou scènes déjà vus ailleurs – en mieux –, notamment dans Le Magnifique, À la poursuite du diamant vert, Total Recall ou même le consternant The Lost City avec Sandra Bullock. Au-delà des performances dénuées d'éclat des habituellement plus excitants Henry Cavill, Sam Rockwell mais aussi Bryan Cranston et papy Sam Jackson, ce rollercoaster d'une spectaculaire laideur illustre à son tour l'impuissance de Hollywood à retrouver ce qui faisait jadis l'épice des grands blockbusters d'action des années 1980/1990. Formaté pour une audience tout public, le film ne nous régale même pas de la violence bien rugueuse qui caractérisait jusqu'ici le cinéma de Matthew Vaughn. Même le chat omniprésent rate tous ses gags et l'on sort de cette mission poussive d'un poil particulièrement râleur.

Argylle de Matthew Vaughn, en salle.

LES ÉTOILES DU POINT

✩✩✩✩✩ Courage, fuyons ✭ : On ronfle ✭✭ : On baille ✭✭✭ : On apprécie ✭✭✭✭ : On applaudit ✭✭✭✭✭ : On porte aux nues

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Commentaires (3)

  • Plein les yeux

    Ca vait vraiment envie les films francais, une histoire de prison et une autre de cancer. Ne changez rien. On va payer pour aller tegarder des films qui donnent envie de se pendre. L exception culturelle francaise... Faire des films incapables d etre financés par les spectateurs. Et pour cause

  • guy bernard

    Sait-on encore faire des films ?
    Alors que je reste toujours marqué par les films de ma jeunesse, et en tête l'aventure humaine de "la captive aux yeux clairs" et l'exploitation magnifiée d'un roman de gare, "péché mortel", on nous propose des pensums hors de prix et sans talents.
    On paye cher ces gens pour faire des films besogneux, on devrait nous payer pour aller les voir.
    Une exception, un chef d'œuvre allemand sur son histoire immédiate et la Liberté : "l'œuvre sans auteur. "

  • Pierre26

    Encore un film sur''LE''genocide. Et 4 etoiles s'il vous plait.
    Je sature. J'ai deja chiale toute ma jeunesse sur tous ces bouquins''au nom de tous les miens'', ''Anne Franck'', ''la liste de Schindler'', etc.
    En tant qu'adulte, je chiale davantage pour les palestiniens, dont le genocide est factuel ICI et MAINTENANT.