Kurt Cobain, mort il y a 30 ans : itinéraire d’un enfant maudit

Le 5 avril 1994, le leader de Nirvana se suicidait à l'âge de 27 ans. Trente ans plus tard, son âme torturée continue de planer sur la planète rock. Que reste-t-il du prince du grunge ?

Par

Kurt Cobain en scène.
Kurt Cobain en scène. © Andre Csillag/Shutterstock/SIPA / SIPA / Andre Csillag//SIPA

Temps de lecture : 4 min

Lecture audio réservée aux abonnés

Peut-on sauver un homme qui est décidé à mourir ? Dans le documentaire Cobain : Montage of Heck (sorti en 2015), Brett Morgen nous plonge dans l'intimité du chanteur de Nirvana à travers ses journaux intimes, ses dessins, ses vidéos, ses enregistrements audio, pour tenter de comprendre ce qui l'a poussé au suicide, à 27 ans, à l'acmé de son succès.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

On y découvre un petit garçon de 7 ans sensible, joyeux, extraverti, à qui on prescrit, pour soigner un trouble du déficit de l'attention qui n'a pas réellement été diagnostiqué, de la Ritaline, un stimulant nerveux considéré comme un stupéfiant en France. L'équilibre chimique de son cerveau s'en est-il trouvé irrémédiablement bouleversé ? Kurt semble depuis cet instant condamné. C'est la thèse controversée avancée par sa veuve, qui elle aussi a pris de la Ritaline dans son enfance, et elle aussi est tombée dans l'addiction aux drogues. Mais peut-on réellement dater le moment précis où le destin d'un homme bifurque vers la mort ?

À LIRE AUSSI « Nevermind » : l'astéroïde qui pulvérisa les dinosaures du hard rock

Kurt Cobain entre souffrance et tentatives de suicide

Ce qui est sûr, c'est que le blondinet d'Aberdeen, Washington, ne sera plus jamais heureux. Rejeté par ses parents après leur divorce deux ans plus tard, SDF alors qu'il est encore au collège, traumatisé par la découverte du frère d'un ami pendu dans la forêt, il souffre intensément, physiquement et mentalement, et tente de se suicider, ou joue au docteur en testant plus ou moins toutes les drogues entre ses 13 et 19 ans.

Le seul lieu où il échappe à sa peine est une feuille blanche sur laquelle il peint des dessins morbides et écrit des paroles amères, reflets de ses obsessions. Kurt est trop doux, fin et délicat pour l'Amérique en crise des années 1990. Il ne supporte pas la cruauté, l'homophobie, la misogynie, la violence. Sa violence à lui, une violence intégralement dirigée contre lui-même, il s'en libère dans un micro, contre une guitare, dans les vibrations de mélodies qui secouent tout son corps.

À LIRE AUSSI Gallagher, le retour des frères ennemis

Son monde, c'est celui des taudis, des lits des rivières, des emplois précaires. Son paradis : les salles de concert. Ses anges : des musiciens crasseux et talentueux, avec qui il monte au Nirvana, le nom de son groupe qui sort en 1989 son premier disque : Bleach. Enregistré à Seattle, Mecque du grunge, ce nouveau genre de rock sombre, brutal et sale, il porte en lui l'underground dans lequel il est né, bien loin des flamboyants « hair rockeurs » du Strip de Los Angeles.

Kurt, qui écrit et compose quasiment toutes les chansons, chante « About a Girl » comme si on lui sciait les cordes vocales. Il saigne, et c'est cathartique, pour nous comme pour lui. Sa silhouette malingre, ses cheveux longs et gras, sa chemise à carreaux ouverte sur un tee-shirt troué, son jean élimé et ses Converses noircies par la boue et les bières incarnent le look dit « grunge » de l'époque. L'idéal masculin de la décennie 1990 ne cache ni sa misère ni ses doutes. « I'm a negative creep », gémit-il. Mais aucune grimace ne parvient à effacer la beauté inouïe de son visage. Une icône est née. La génération X a son dieu.

Leur deuxième disque Nevermind sort en 1991, chez Geffen Records (Sonic Youth les a aidés à signer chez la major), et la culture populaire ne sera plus jamais la même. Cobain préserve miraculeusement son énergie grunge dans ses chansons sophistiquées, élégantes, viscérales, universelles, pop-populaires, dont les clips passent en boucle sur MTV. Combien de fois sera repris le tube « Smells Like Teen Spirit » ? Combien de fois sera détournée la pochette du disque : un bébé nageant vers un dollar ?

Nevermind, l'album qui parle aux incompris

Les ventes sont stratosphériques, plus de 30 millions d'exemplaires écoulés, c'est un des albums les plus vendus de l'Histoire. Il parle aux mal-aimés, aux incompris, aux drogués, aux ados à boutons qui n'arrivent pas à perdre leur virginité et qui trouvent en Kurt un allié parce qu'il est lui-même tout ça. « Come as You Are », « venez comme vous êtes, comme vous avez été, comme vous aimeriez être, comme j'aimerais que vous soyez », les rassure-t-il. Le succès de Nirvana, c'est la revanche des ratés.

Succès, argent et amour emplissent désormais la vie du garçon mal-aimé d'Aberdeen. Il épouse la sulfureuse chanteuse punk Courtney Love, elle s'apprête à mettre au monde leur fille. Il joue dans le monde entier à guichets fermés. Il est adulé par la presse, les fans… Pourtant, cette personnalité solaire est irrésistiblement attirée vers la mort. L'héroïne coule dans ses veines, et dans celle de sa femme enceinte. Entre deux overdoses, il parvient à enregistrer un troisième et ultime album : le sombre et magnifique In Utero. Mais dans une tragédie, personne n'échappe à son destin. Kurt Cobain, qui vient de s'échapper de cure de désintoxication, est retrouvé une balle de fusil de chasse dans la tête, le 5 avril 1994, dans sa maison à Seattle. Il a 27 ans.

À LIRE AUSSI L'histoire secrète des Guns N' Roses

Quelle empreinte a laissé Kurt Cobain sur la pop culture ? Elle est indélébile. Sa musique n'a pas pris une ride. Les textes non plus. Il n'a pas eu le temps de devenir gras et ringard. Il a influencé des dizaines de groupes (Weezer, The Dandy Warhols, Green Day, Oasis et, bien sûr, les Foo Fighters, groupe fondé par Dave Grohl, le batteur de Nirvana), de réalisateurs (Gus Van Sant lui a consacré son Last Days), de créateurs de mode (Marc Jacobs, Raf Simons)… À l'heure où il est de bon ton d'afficher sa bonne humeur constante sur les réseaux sociaux ou dans des morceaux de variété insipides, le fantôme de Nirvana reste un refuge pour nous d'exprimer des émotions sincères. « I'm so happy 'cause today I found my friends/ They're in my head »…

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (4)

  • Flyingfrey

    Je me souviens encore du jour ou j’ai appris son décès au lycée. Un groupe intemporel.

  • James West

    30 ans déjà et toujours fan … j’ai eu la chance de les voir au festival de Hasselt avec Sonic Youth, Dinosaur JR, Franck Black, les Ramones … 1 journée de dingue ! …

  • Hervé Eux

    Déjà trente ans : )