« The Walking Dead : Daryl Dixon » : une série aux effets spéciaux 100 % français

À l’occasion du PIDS Enghien, le festival des effets spéciaux, rencontre avec une partie de l’équipe qui a piloté les images de synthèse de la série, conçues en France.

Par Lucas Fillon

Temps de lecture : 6 min

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Une révolution digne du passage du muet au parlant. C'est ce qu'a connu le 7e art à l'aube des années 1990, avec l'explosion des effets spéciaux numériques. De Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron (1991) au Jurassic Park de Steven Spielberg (1993), en passant par The Mask de Chuck Russell (1994), les images de synthèse ont bouleversé l'industrie du cinéma, réinventé la fabrication des films et bombardé les yeux des spectateurs avec de nouveaux prodiges impensables une décennie plus tôt. Le Seigneur des anneaux, Avatar, Gravity, tous les blockbusters de superhéros et tant d'autres ont bâti leur légende sur les miracles accomplis par les armées d'artistes numériques officiant dans l'ombre, souvent au prix de conditions de travail éreintantes.

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Un véritable secteur d'activité économique est né de ces progrès et la France n'est pas passée à côté. Elle forme même les meilleurs techniciens au monde en la matière et, en 2022, selon une étude du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et du groupe Audiens, on comptait dans l'Hexagone pas moins de 68 entreprises s'illustrant dans les visual effects – effets visuels, expression désignant tous les trucages réalisés par ordinateur après le tournage et synthétisée par l'acronyme VFX. Chaque année, une grande manifestation s'est donné pour mission de mettre en lumière cette French Touch des images de synthèse en particulier et de célébrer, plus globalement, l'ensemble des effets spéciaux : le PIDS (Paris Images Digital Summit), dont la 10e édition a démarré ce 31 janvier et qui se tiendra jusqu'au 3 février, à Enghien-les-Bains (Val-d'Oise).

Événement professionnel et grand public, il permet à toute la communauté française des VFX de se retrouver pour échanger autour des enjeux auxquels elle doit faire face, qu'ils soient économiques ou technologiques. Les visiteurs non professionnels y passent également une tête pour en apprendre toujours plus sur les secrets de fabrication des magiciens du clavier. Si les VFX sont au cœur du festival, les autres techniques d'effets spéciaux sont également abordées : les SFX (abréviation de l'anglicisme special effects) sont les effets spéciaux réalisés en direct sur le tournage ; les MFX (pour make-up effects) sont quant à eux les effets de maquillage, qui vont de la plaie sanguinolente aux fausses rides en passant par diverses prothèses plus ou moins extravagantes d'aliens ou de monstres infernaux.

Le PIDS Enghien accueille également la cérémonie des Digital Creation Genie Awards, qui récompense le travail de studios français sur des œuvres hexagonales mais aussi étrangères. « Depuis quelques années, davantage de productions internationales d'envergure sont fabriquées en France. Cela se ressent d'ailleurs dans les nominations des Genie Awards et dans notre programmation », confirme Yann Marchet, délégué général de la manifestation. Deux raisons à cette tendance : le savoir-faire des talents français, donc, mais aussi une mesure fiscale – le crédit d'impôt – qui permet d'attirer ces productions.

Le pari The Walking Dead en France

Parmi les grosses productions internationales récemment attirées par l'excellence frenchy : The Walking Dead : Daryl Dixon, dernier spin-off en date de la célèbre série télé zombiesque et que l'on peut visionner depuis le 10 novembre 2023 sur Paramount+. Tourné entièrement en France, ce nouvel avatar a bénéficié du concours d'une équipe tricolore pour ses images de synthèse. Concentré sur un des personnages phares de la franchise initiale, l'ex-biker Daryl Dixon (incarné par le charismatique Norman Reedus), le récit de ces six épisodes démarre douze ans après que l'apocalypse a eu lieu.

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Échoué dans des circonstances mystérieuses en France, où les zombies sont également partout, Daryl cherche à regagner les États-Unis. Mais une énigmatique nonne (Clémence Poésy) croise son chemin et bouleverse ses plans initiaux… Déclinaison singulière du concept et véritable fierté pour les équipes françaises, The Walking Dead : Daryl Dixon fera l'objet d'une étude de cas au PIDS Enghien, ce 1er février. En outre, elle vient de remporter le GENIE AWARD des Meilleurs effets visuels dans la catégorie « série ».

En avant-première, Le Point Pop a rencontré les animateurs de cette rencontre, qui ont par ailleurs participé aux VFX de TWD : Daryl Dixon. À savoir Jao M'Changama, Anthony Lyant et Niranjan Sivagurunathan. Les trois ont officié à des postes précis : Jao M'Changama a été superviseur général des effets visuels pour le compte d'Excuse My French, tandis qu'Anthony Lyant et Niranjan Sivagurunathan ont été superviseurs des effets visuels pour leurs compagnies respectives : Mathematic et MPC Paris Au générique des VFX de la série, on peut aussi ajouter trois autres studios français de réputation internationale dans leur domaine : BUF, Mac Guff et Light.

Des zombies à sang acide : les Brûlants

Jao M'Changama nous explique d'abord le rôle qu'il a occupé sur le spin-off, qui l'a mobilisé d'août 2022 à juillet 2023 : « Sur un programme d'une telle ambition, un seul studio VFX ne peut pas tout absorber. Plusieurs doivent être réunis. Mon job, c'était d'être l'intermédiaire entre les équipes créative et de production américaines et les studios français sur tout ce qui concernait l'artistique et la fabrication. J'ai été présent de la lecture des scripts jusqu'à la livraison des épisodes. »

Chaque studio s'est vu confier des tâches spécifiques. « Chez Mathematic, nous avons été en charge, notamment, de la nouvelle espèce de zombies créée pour Daryl Dixon, nommée les Brûlants. Ces zombies ont un sang chaud qui bout dans leurs veines et qui, lorsqu'il gicle, a un effet acide. Tout cela devait se voir à l'image et ce fut un vrai défi, développe Anthony Lyant. « Nous recevions les plans tournés et partions de ce qui avait déjà été réalisé au niveau du maquillage et des SFX. »

Avant l'intervention des VFX, les maquillages et effets spéciaux reproduits en plateau sont essentiels. Pour devenir un zombie, chaque comédien est maquillé durant deux à trois heures. Au sujet du sang des Brûlants, lorsqu'il gicle, il a donc le même effet que l'acide. L'objet qui le reçoit se désagrège, générant de la fumée. Sur le tournage ont été, de fait, apportés des diffuseurs de fumée – c'est ce que l'on appelle avoir recours aux SFX. Toute cette mise en place est préparée dans un dialogue continu avec les responsables VFX.

L'un des maquillages de zombie truqué digitalement par la firme française Mathematic pour <em>The Walking Dead : Daryl Dixon</em>.
 ©  Mathematic
L'un des maquillages de zombie truqué digitalement par la firme française Mathematic pour The Walking Dead : Daryl Dixon. © Mathematic

417 personnes mobilisées sur les effets spéciaux

MPC Paris, quant à elle, a géré l'environnement : les monuments, les bâtiments, les rues… Son principal objectif ? Dessiner une France plongée dans une ère postapocalyptique, mais seulement depuis… douze ans. « Pour Paris, par exemple, on ne voulait pas montrer la ville détruite, mais abandonnée. Il fallait que l'on comprenne le chaos. Chaque pan d'un même plan devait raconter une histoire à part entière, dire quelque chose sur ce qui avait pu se passer là, précisément » détaille Niranjan Sivagurunathan.

Il poursuit : « Le département décoration a effectué un incroyable travail sur le plateau, qu'on a complété digitalement pour qu'on croie encore plus à ce chaos, à l'usure des monuments, des immeubles, etc. Cela passait par le fait d'ajouter de la végétation, des barricades… » Au total, The Walking Dead : Daryl Dixon compte 641 plans où figurent des images de synthèse qui ont mobilisé un total de 417 artistes numériques. Le résultat impressionne d'autant plus que ces exploits ont été accomplis dans une économie de série TV, donc dans un timing serré – pour un long-métrage, le temps de production est plus long.

The Walking Dead : Daryl Dixon confirme donc à son tour l'attrait de l'Hexagone aux yeux des productions anglo-saxonnes friandes d'effets spéciaux. Un juste retour des choses, finalement, puisque notre pays en fut aussi un précurseur dès 1902 avec Le Voyage dans la lune de Méliès. Il n'est pas interdit de parler d'âge d'or pour les VFX tricolores.

PIDS Enghien : le festival des effets spéciaux. Du 31 janvier au 3 février, à Enghien-les-Bains (95).

The Walking Dead : Daryl Dixon. Disponible sur Paramount+. Créée par David Zabel. Avec Norman Reedus, Clémence Poésy, Anne Charrier… Une saison 2 est prochainement attendue.

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