« Tapie » : que vaut vraiment la série de Netflix avec Laurent Lafitte ?

CRITIQUE. Netflix dégaine, le 13 septembre, le biopic romancé à l’américaine de Bernard Tapie. Des épisodes efficaces, rythmés, convaincants.

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Laurent Lafitte dans le rôle de Tapie.
Laurent Lafitte dans le rôle de Tapie. © Marie Genin/Netflix / DSC_4720.nef / Marie Genin/Netflix

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« Tapie ! Souvenez-vous bien de ce nom parce qu'il y aura un avant et un après. » À 27 ans, le fringant Bernard ne doute de rien. Y compris quand il se présente devant les investisseurs de la banque de Sarnez. Cette assurance, c'est un peu le leitmotiv des épisodes de la série, Tapie (le titre initial Wonderman a été abandonné, car les droits appartiennent à Marvel), diffusés à CanneSéries en avant-première en mai dernier, avant une diffusion ce 13 septembre sur Netflix. Laurent Lafitte, également coproducteur de ces sept épisodes, s'en donne à cœur joie en prêtant son charisme et son énergie au turbulent homme d'affaires. Une réussite.

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La série commence en 1966, quand le jeune Bernard rassemble famille et amis pour apprécier, à sa plus ou moins juste valeur, sa prestation dans un télé-crochet au cours duquel Bernard Tapy – avec un Y pour faire américain, à la demande de sa maison de disques – s'offre le luxe de battre un autre débutant… Michel Polnareff. La suite, on la connaît. Ce n'est pas dans la chanson pour midinettes qu'il se fera un nom. Mais la révolution Tapie est en marche.

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Le projet de cette série est né en 2013, alors que Tristan Séguéla, son réalisateur et coscénariste, tourne son premier film, 16 ans ou presque, avec Laurent Lafitte. « Le premier jour sur le plateau, je regarde Laurent dans le miroir et je lui dis « c'est dingue comme tu ressembles à Tapie ». Et il me raconte alors qu'il a le secret espoir de jouer Tapie dans une série ou dans un film. » Le projet mettra dix ans à voir le jour. Parti de l'idée d'un film, puis d'un deux fois quatre-vingt-dix minutes, le projet aboutit sous la forme d'une minisérie grâce à l'intervention de Netflix. « Netflix a des ambitions cinématographiques et on voulait que cette minisérie ait de la gueule, que ça ressemble à un long film », précise Laurent Lafitte.

« Tout est vrai… à 50 % »

L'objectif n'est pas ici de proposer un biopic exhaustif de l'homme d'affaires, mais plutôt de retracer son parcours sur trente et un ans, de 1966 jusqu'à son incarcération en 1997. « Tout est vrai… à 50 % », s'amuse Tristan Séguéla. « On s'est beaucoup inspirés de faits dont on a pris connaissance en se documentant sur lui. Il existe des milliers d'archives qu'il est possible de consulter, notamment à l'INA. On a fait des découvertes très étonnantes, car Tapie a beaucoup fait pour “être” dans la télévision après avoir essayé d'en vendre un maximum au début de sa carrière. »

Un carton un peu alambiqué, coincé entre le logo Netflix et les premières images de la fiction, annonce vaguement la couleur. « Cette série est librement inspirée de faits réels. On reconnaîtra dans le parcours du héros des faits connus du public. Au-delà, le rôle joué par l'entourage, par le personnage de Dominique [la dernière épouse de Bernard Tapie, NDLR], les situations de vie privée et les dialogues sont fictionnels. »

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Une façon de faire taire toute polémique suscitée par la colère ou la frustration des proches de Tapie, qui regrettent que cette série ait été tournée sans leur accord. Et sans celui de l'intéressé lui-même, qui avait clairement exprimé son refus à Tristan Séguéla. Ce que le réalisateur ne réfute pas. « C'était un ami de mon père [Jacques Séguéla, NDLR], donc je l'ai souvent croisé quand j'étais adolescent, mais je ne le connaissais pas intimement. Je le voyais en vacances ou en soirée. Ce que je retiens de lui, c'est qu'il était le même avec tout le monde. Il était sympa et très chaleureux… Et, en effet, je l'ai informé que je voulais donner vie à ce projet, mais je n'y suis pas allé pour lui demander son autorisation. Mais c'était bien de le lui dire, je lui devais ça. Il n'était pas pour, mais justement je lui ai dit que ce que j'avais retenu de lui avant tout, c'est de ne pas écouter les autres quand on a un rêve. »

Un loser magnifique

Pour le téléspectateur, en réalité, peu importe. Laurent Lafitte est un Tapie reconnaissable. Efficace et crédible. Démarche assurée, mimiques, gestuelle, tout y est, sans pourtant jamais basculer dans le mimétisme. « L'idée était que je compose ma version de Tapie. Qu'il soit toujours présent, qu'on n'oublie pas que c'est bien lui que j'interprète, mais que je ne disparaisse pas complètement dans le personnage », raconte le comédien. « C'était un pari. On a tous un rapport intime à Tapie, à son physique, à sa voix… Je ne voulais surtout pas proposer une version en chair et en os de sa marionnette des Guignols », dit-il, ajoutant ne pas avoir ressenti une appréhension particulière en endossant le costume du businessman.

Laurent Lafitte n'a pas cherché le mimétisme.
Laurent Lafitte n'a pas cherché le mimétisme.

Résultat, Bernard Tapie est plutôt sympathique. Une sorte de loser magnifique qui, dans les deux premiers épisodes, croit en lui, et qui ne veut pas terminer prolo et se retrouver chauffagiste comme papa. Un type parfois pénible, souvent insouciant, qui trimballe, avec une pointe d'inconscience, dans sa quête du succès, sa première épouse, Michèle (délicate Ophélia Kolb) et sa fillette, à qui il promet que les huissiers rapporteront bientôt tous les meubles une fois qu'ils les auront réparés. « On ne voulait pas faire un portrait à charge ou à décharge. On cherchait plutôt à comprendre les motivations de sa vie sans en faire une caricature », raconte le coscénariste Olivier Demangel.

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Mais les épisodes consacrés à sa courte carrière télé ou à son entrée fracassante en politique l'épargnent moins. Tapie y apparaît un brin dépassé, bouffi d'orgueil mais, finalement, particulièrement naïf.

Car Bernard triche dans la vie comme il s'arrange avec les règles du Monopoly qu'il enseigne à sa fille en insistant sur la « zone de flou » du règlement. À ce petit jeu, parfois, il perd, face à son premier associé, Marcel Loiseau (excellent Fabrice Luchini). Parfois, il gagne en séduisant maladroitement Dominique (Joséphine Japy), qui deviendra la femme de sa vie, chatouillé tout de même par sa mauvaise conscience. Mais les scénaristes ne cherchent absolument pas à dresser ici le portrait d'un escroc : « Non, c'est le portrait d'une légende. C'est l'histoire d'un mec qui, dès son adolescence, avait décidé de faire de son nom une marque. »

Ces sept épisodes finissent en apothéose sur Tapie et sa relation houleuse avec la justice. Avec, à la clé, une séquence impressionnante qui imagine sa première confrontation avec Éric de Montgolfier (incarné par le comédien David Talbot), procureur de la République de Valenciennes, lors de l'affaire du match truqué VA-OM. Un face-à-face d'une demi-heure, magistral, tendu et savoureux qui a exigé deux jours de tournage. Un moment d'une rare intensité qui vient casser le rythme effréné de la course au pouvoir de Tapie. Et qui permet à la série française d'ajouter une scène à la liste enviée des moments mythiques offerts habituellement par des productions, souvent américaines.

Pas de perte de rythme, pas de temps morts dans ce biopic à l'américaine qui virevolte de décors somptueux en situations parfois absurdes, parfois touchantes. La vie de Nanard, sur fond de tapisseries orange et marron, puis de strass et de tableaux de maître, offre de beaux moments de comédie, adressant des sourires en coin et quelques clins d'œil aux téléspectateurs. Le scénario n'hésite pas à se moquer avec tendresse de ce bonimenteur au charme indéniable, quitte à se nourrir de quelques clichés faciles à gober. Avec un mot d'ordre : ne pas épargner le mythe Tapie sans pour autant chercher à le démolir.

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Commentaires (12)

  • Jepirad

    Il en faudrait des centaines. La France serait au zénith de la réussite. Dommage que Tapie ait été escroqué par le CL.

  • sigeos

    RIEN Pas plus que son modèle

  • evariste99

    Lorsqu'on a vécu - subi - les gesticulations de cet égomaniaque pendant des décennies, a-t-on envie de le revivre ?