Pourquoi Spotlight a remporté l'oscar du meilleur film

Outsider, le film de Tom McCarthy a finalement battu le favori The Revenant. Une récompense amplement méritée. Explications.

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Dans le film, aucun sensationnalisme : l'action se passe surtout au bureau. C'est le travail d'investigation d'une équipe de journalistes acharnés (ici de g. à dr., Michael Keaton, Rachel McAdams et Brian d'Arcy James) qui déclenche tout.
Dans le film, aucun sensationnalisme : l'action se passe surtout au bureau. C'est le travail d'investigation d'une équipe de journalistes acharnés (ici de g. à dr., Michael Keaton, Rachel McAdams et Brian d'Arcy James) qui déclenche tout. © Kerry Hayes

Temps de lecture : 6 min

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« Du porno pour journalistes - dans le meilleur sens du terme. » Dans le déluge de dithyrambes ayant accompagné la sortie de Spotlight aux États-Unis, c'est le légendaire David Simon, créateur de The Wire - la plus grande série de tous les temps - et ancien reporter au Baltimore Sun, qui en a fait la critique la plus éloquente. Plus pudiques, nous qualifierons le long-métrage de vibrante lettre d'amour à l'enquête au long cours. Ironie du destin, Tom McCarthy, réalisateur de Spotlight, incarnait dans l'ultime saison de The Wire l'infâme Scott Templeton, journaliste falsificateur, symbole des dérives du métier, qui finissait par remporter le prix Pulitzer. Est-ce pour se faire pardonner auprès des détenteurs de carte de presse que McCarthy a décidé de tourner Spotlight ? « Non s'amuse ce diplômé de théâtre à Yale. Mais, en côtoyant David Simon, j'ai appris énormément sur le journalisme. Il est tellement passionné par les journaux. Qu'il ait aimé le film signifie beaucoup pour moi. »

Enquête sur l'enquête

Spotlight revient sur l'un des hauts faits de la presse anglo-saxonne. En 2001, le nouveau rédacteur en chef du Boston Globe, Martin Baron, encourage son pool d'investigation, nommé Spotlight, à s'intéresser aux prêtres pédophiles. Un sujet hautement sensible dans la ville la plus catholique du pays. Durant huit mois, quatre journalistes, le vétéran Walter « Robby » Robinson (Michael Keaton), le « bouledogue » Michael Rezendes (Mark Ruffalo), la « confesseuse » Sacha Pfeiffer (Rachel McAdams) et le rat des archives Matt Carroll (Brian d'Arcy James) explorent les coulisses du diocèse, interrogeant d'anciennes victimes et harcelant les tribunaux pour faire desceller des documents légaux. Ils découvrent qu'au-delà des cas individuels c'est tout un système qui est corrompu. Publiées en 2002, les révélations du Boston Globe mettent au jour des abus impliquant 70 prêtres prédateurs, un millier de victimes et le silence coupable du cardinal Bernard Law. Le scandale est immense, qui entraîne une cascade de révélations à travers le monde. En 2003, l'équipe Spotlight reçoit le Pulitzer. Treize ans plus tard, les voilà associés à l'oscar du meilleur film...

Tom McCarthy et son coscénariste, Josh Singer, ont mené une véritable enquête sur l'enquête. « Il n'y avait pas de livre sur l'affaire, explique le réalisateur. Et, vu le sujet, on avait la responsabilité morale d'être le plus précis et fidèles possible aux faits. » Méticuleux, Spotlight retraduit de manière fétichiste les us et coutumes d'une rédaction au début du millénaire. « Dans ce souci d'authenticité, on est allés jusqu'à demander aux journalistes s'ils mettaient du lait dans leur café », sourit McCarthy. Habitués à mener les entretiens, les investigateurs du Boston Globe se sont retrouvés dans la situation des arroseurs arrosés. « Ruffalo a débarqué chez moi alors que je ne l'avais jamais vu, se souvient Rezendes. La première chose qu'il a faite, c'est ouvrir un carnet de notes et mettre son iPhone en mode enregistreur. Puis il m'a posé des questions très personnelles. Ça m'a donné un bon aperçu du traitement qu'on fait généralement subir aux gens. » Entre sorties au restaurant, textos et mails, Sacha Pfeiffer a été harcelée par Rachel McAdams : « Je viens d'apprendre que, quand on marchait dans la rue, elle s'arrêtait parfois pour observer ma démarche. » Mais c'est bien la costumière, Wendy Chuck, qui a effectué le travail le plus remarquable, expliquant qu'il avait été difficile de faire endosser à des stars glamour les pantalons informes et les polos douteux constituant la garde-robe des limiers du Boston Globe.

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Comment les stars ont vampirisé le « Boston Globe » © Kerry Hayes
Rachel McAdams avec la journaliste Sacha Pfeiffer, Mark Ruffalo avec le journaliste qu'il interprète, Mike Rezendes et Michael Keaton avec le journaliste Walter « Robby » Robinson. © Kerry Hayes


Dénué de tout sensationnalisme, Spotlight montre essentiellement des journalistes à leur bureau ou menant des interviews. Aucune scène d'action notoire - si ce n'est décrocher un téléphone ou sonner aux portes. Pourtant, le résultat n'a rien à envier aux meilleurs thrillers. Le film a fort justement été comparé au classique suprême du genre, Les Hommes du président : même enquête « locale » aux répercussions nationales (le scandale du Watergate est parti d'un simple cambriolage), même lutte contre l'omerta et même confrontation entre deux institutions, les hommes du Vatican prenant ici le relais de la Maison-Blanche dans le rôle de l'organisme vérolé. Les représentants catholiques ont d'ailleurs réservé un accueil favorable au film, Radio Vatican l'ayant qualifié d'« honnête » et de « fascinant ». Face à l'Église, le quatrième pouvoir apparaît lui aussi comme une institution faillible. Spotlight ne cache rien des divergences au sein de la rédaction et des connivences à Boston. McCarthy et Josh Singer ont poussé leur enquête sur l'enquête si loin qu'ils ont déniché un scoop en découvrant que le Boston Globe avait été alerté dès 1993 sur ces abus sexuels, mais n'avait pas donné suite. Pourtant, à la fin, quand les rotatives multiplient tels des pains le numéro qui va ébranler l'Amérique, c'est bien la foi dans le journalisme qui est ravivée. Nulle surprise, donc, si la critique américaine a fait du film son champion de 2014. Au-delà de la mise en scène sans concession et d'acteurs formidables, les journalistes y ont reconnu leur meilleur apôtre en cette période de crise de la presse.

Fact checking

Plus largement, Hollywood semble actuellement obsédé par le journalisme et ses mutations. Dans sa série The Newsroom, le scénariste star Aaron Sorkin montre (parfois lourdement) les excès de l'info en continu. Truth (qui sort sur les écrans français en avril) évoque l'enquête controversée de CBS News sur le service militaire de George W. Bush. Avant de s'atteler à Spotlight, Josh Singer avait, lui, écrit le scénario de The Fifth Estate sur WikiLeaks. Il a pu constater les différences de méthode entre le corsaire Julian Assange et le prudent « fact checking » pratiqué par le Boston Globe. « C'est troublant de voir ce qui arrive au journalisme depuis quinze ans. WikiLeaks se résumait à Assange et Daniel Domscheit-Berg, et il n'y avait aucune culture éthique. Alors que dans Spotlight, on voit toute une équipe qui se pose la question de la responsabilité éditoriale. Le film montre à quel point c'est important d'avoir des éditeurs et de prendre son temps. »

Ce qui n'empêche nullement les journalistes d'être, comme en France, l'une des professions les plus vilipendées. McCarthy et Singer confient avoir été choqués de voir les candidats républicains se déchaîner contre la presse lors des primaires. « Est-ce que ça ne bénéficie pas à toutes les autres institutions d'avoir une presse malade ? se demande McCarthy. Moi, je veux du journalisme pugnace, des questions dures. Qui va le faire, sinon ? On a besoin de pros qui savent ce qu'ils font, pas de journalisme citoyen ou participatif. Imaginez-vous des médecins citoyens ou des pompiers citoyens ? » Avant l'oscar, Rezendes a déjà pu constater l'effet Spotlight sur les jeunes générations : « Ma compagne a un fils de 16 ans. Après avoir vu le film, il s'est immédiatement engagé dans le journal de son lycée. » C'est l'ultime paradoxe du film : pourtant habillés comme des sacs et mangeant de la junk food dans des bureaux aux teintes beigeâtres, les journalistes n'ont jamais été aussi sexy.

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Commentaires (3)

  • bonsens9

    La France doit se situer entre Rda et Corée du Nord (sur le plan de la liberté d'expression... )

  • Abner de Sabatier

    Les années 70  ? Vous rigolez. C’est la préhistoire pour nos journalistes qui n’ont aucun souvenir d’un pays qui s’appelait RDA.

  • gege39

    Pourrez-t'on demander aux journalistes américains du Boston Globe d’enquêter sur le politiquement correct sévissant en France ?. Pays soi disant des droits de l'homme, mais plus réellement pays "surveillé" comme la RDA des années 70.