« Anthracite » sur Netflix : une série qui a du mal à décoller

CRITIQUE. En dépit d’une introduction poussive, la série portée par Hatik et Noémie Schmidt parvient à captiver, via ce récit complexe d’une secte tentaculaire.

Par Thomas Graindorge

Ida (Noémie Schmidt) et Jaro (Clément Penhoat, dit Hatik) portent l'ensemble de la série sur leurs épaules.
Ida (Noémie Schmidt) et Jaro (Clément Penhoat, dit Hatik) portent l'ensemble de la série sur leurs épaules. © Christine Tamalet/Netflix

Temps de lecture : 4 min

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Octobre 1994. L'ordre du Temple solaire entre dans l'Histoire par son versant le plus macabre. Cette année-là (mais aussi en 1995 et en 1997), le groupe religieux ésotérique, plus tard requalifié en secte, est tenu pour responsable du suicide collectif de 74 personnes en France et en Suisse. Dirigé par Luc Jouret et Joseph Di Mambro, ce sinistre mouvement sera à l'origine d'un durcissement de la lutte contre les sectes en France.

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De ce tragique souvenir, la mini-série Anthracite, disponible sur Netflix depuis quelques jours, tire le point de départ de son histoire. En 1994, le suicide collectif des membres d'une secte, celle des Écrins, dans un petit village des Alpes, défraie la chronique. Trente ans plus tard, une femme est retrouvée assassinée, de l'anthracite lui couvrant la moitié du visage : le rituel de la secte, que l'on pensait dissoute.

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De quoi attirer de nouveau l'attention de Solal Heilman (Jean-Marc Barr), un journaliste ayant précédemment traité l'affaire. Sa fille, Ida (Noémie Schmidt), va elle aussi être amenée à s'intéresser à ce retentissant fait divers. Dans son parcours, elle rencontrera Jaro Gatsi, jeune père de famille qui, à la montagne, cherche à faire oublier son passé de délinquant. Au cours de leur périple commun, ils découvriront que leur venue dans ce village ne doit rien au hasard.

Une enquête haletante

L'inspiration d'Anthracite est à chercher logiquement vers le genre du true crime (documentaire criminel) – titre initialement prévu pour la série. Écrit par des habitués du petit écran, Fanny Robert et Maxime Berthemy (Profilage, Vise le cœur), le script distille au cours de ses six épisodes une efficace enquête policière, autour de ce meurtre qui réveille les démons passés d'un village isolé des Alpes. Ce canevas familier avait pourtant toutes les chances de tomber dans le piège de procédés narratifs éculés : ouf, la série évite cet écueil, puisqu'elle modernise son concept via le personnage d'Ida. Une geek passionnée de faits divers qui résout certaines affaires grâce à une communauté d'enquêteurs amateurs sur la Toile.

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Dans le monde réel, on appelle cette pratique le « web sleuthing » et la série surfe sur cette tendance qui lui offre ainsi une fraîcheur bienvenue. Quelques séquences sont l'occasion de poser le montage, d'insérer ici et là des éléments visuels propres à la culture Internet, et offrir des respirations plutôt stimulantes. Au-delà, Anthracite développe aussi la thématique de l'héritage, parfois dans le sens le plus maudit du terme : cette transmission toxique s'incarne à travers la secte des Écrins, dont les préceptes se perpétuent trente ans après sa supposée disparition.

Elle se manifestera chez Caleb (Stefano Cassetti), gourou de la secte interné depuis trois décennies, et autour duquel gravitent, d'une manière ou d'une autre, tous les protagonistes. Ici, le passé est un poids dont les personnages tentent de comprendre le sens et les ramifications. Une maladie, un drame familial, une vie de crime… Tous les protagonistes traînent avec eux un traumatisme, dont l'affaire de crime n'est qu'un catalyseur.

Lenteur au démarrage

Autour de cette idée, les showrunners font graviter plusieurs sous-intrigues, notamment liées à une entreprise pharmaceutique, aux locaux perdus dans la montagne, qui cache aux habitants ses expérimentations. De quoi provoquer l'ire de nombreux villageois, dépeints comme des ersatz de complotistes, persuadés d'un vaste scandale sanitaire au sein de la firme.

Anthracite déploie un large éventail d'histoires et, gros souci, il faut bien trois épisodes pour que tous les éléments s'agencent et que la série décolle. Tantôt solaire, comique ou éplorée, Noémie Schmidt reste le gros point fort de l'ensemble : découverte dans L'Étudiante et Monsieur Henri, voici dix ans, elle campe une Ida remarquable et toujours juste, une inadaptée sociale à l'intelligence fulgurante et au destin dramatique

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Mise en scène avec style, bien aidée par les splendides décors enneigés de l'Isère, Anthracite joue habilement avec cet environnement imposant sous la direction du réalisateur Julius Berg. La patte de ce dernier s'adapte sans difficultés au sujet avec une caméra mobile, parfois dissimulée, complice des personnages. Parfois gore et angoissant, l'ensemble témoigne donc d'une véritable ambition visuelle et se suit avec plaisir, malgré un usage intempestif et un peu trop téléphoné de flash-back pour révéler la nature profonde des personnages. Pas grave : entre son élégance visuelle et son questionnement pertinent de la figure du gourou messianique et manipulateur, Anthracite atteint son objectif de divertissement avec efficacité, sans trop polluer d'idées noires nos cerveaux reconnaissants.

Sur Netflix depuis le 10 avril.

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