Pourquoi tout le monde aime « L’Arme fatale » ?

Le Web exulte depuis l’annonce par Mel Gibson, le 13 novembre à Londres, qu’il dirigerait un 5e et ultime volet de la franchise. Retour sur une vieille flamme.

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Roger Murtaugh (Danny Glover) et Martin Riggs (Mel Gibson), le mythique tandem de « L'Arme fatale » (1987).
Roger Murtaugh (Danny Glover) et Martin Riggs (Mel Gibson), le mythique tandem de « L'Arme fatale » (1987). © Warner bros.

Temps de lecture : 10 min

On ne sait pas si Mel Gibson le repenti avait prévu son coup, mais il a visé en plein cœur. Et personne n’a vu venir son tir : ce week-end, lors d’une soirée événementielle à Londres, la star s’est épanchée sur l’arlésienne d’un éventuel cinquième épisode de L’Arme fatale. Annoncé-repoussé depuis des années, le projet semblait enfin sur les rails depuis décembre 2020 sous la houlette du réalisateur attitré de la saga, Richard Donner… jusqu’à ce que la mort de ce dernier, cet été, à l’âge de 91 ans, n’enterre tous les espoirs des fans. Gibson, toujours en bonne forme à 65 ans, a soudainement ravivé la flamme : « (Richard) est allé assez loin dans le développement du scénario », a confié l’acteur-réalisateur sur la scène du Dôme du millénaire « Et il m’a dit un jour : "Écoute, si je casse ma pipe, tu prendras le relais." Je n’y croyais pas… mais il est bien mort et m’a demandé de le faire. Il l’a également dit à sa femme, au studio et au producteur. C’est donc bien moi qui réaliserai le cinquième Arme fatale.  » Tonnerre d’applaudissements dans la salle. Mais aussi sur la Toile, qui a fait son miel de cette belle nouvelle. Attention, cependant : même si, toujours selon Mel Gibson, les caméras pourraient dégainer début 2022, ni son partenaire à l’écran Danny Glover ni le studio Warner n’ont confirmé sa prophétie et aucun calendrier concret n’est encore annoncé. Mais il n’en a fallu guère plus aux accros pour y croire et rêver à nouveau.

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Valeur refuge par excellence, en ces temps de nostalgie reine à Hollywood, la franchise s’était arrêtée au cinéma après son quatrième volet, en 1998. Pour les sergents du LAPD Martin Riggs (Gibson) et Roger Murtaugh (Glover), fatigués et dépassés par un mafieux chinois incarné par le roi des arts martiaux Jet Li (qui finissait tout de même heureusement terrassé), il était sans doute temps de rendre le badge. Le film jouait alors clairement sur le vieillissement de son duo et le début de paternité de Riggs pour clore l’épopée et laisser les acteurs, ainsi que Richard Donner, voguer vers d’autres sujets. À vrai dire, les fans aussi jugeaient qu’il était sans doute temps d’en finir. Depuis, hormis une sympathique mais oubliable série TV, produite entre 2016 et 2019 avec d’autres comédiens que le tandem Mel Gibson-Danny Glover, L’Arme fatale semblait reposer pour de bon au fin fond du cimetière des sagas sans suite. Une fin de service a priori d’autant plus définitive avec la mort de Richard Donner.

Mel Gibson et Danny Glover dans « <em>L'Arme fatale 2 »</em> (1989).
 ©  Warner bros.
Mel Gibson et Danny Glover dans « L'Arme fatale 2 » (1989). © Warner bros.

Deux décennies plus tard, aucun digne successeur hollywoodien n’a jamais vraiment remplacé Riggs et Murtaugh dans le coeur du grand public au rayon des superflics et, forcément, le désir nostalgique s’est réveillé. Avec le recul inévitable des années, ils nous manquent, les héros de ces quatre prototypes parfaits de polars pop-corn à la violence calibrée, aux scènes d’action confortables et, surtout, aux intrigues irriguées par une sève essentielle : l’amitié croissante entre Riggs le chien fou suicidaire, ancien membre des Forces spéciales, et Murtaugh, sergent rangé, bon père de famille fêtant ses 50 ans au début du premier opus. Entre 1987 et 1998, ces deux antithèses de mâles auront passé leur temps à s’enguirlander et à se sauver mutuellement la peau, nouant peu à peu un lien inoubliable et universel aux yeux de leurs aficionados. Entre les dérapages psychotiques de Riggs et la mythique réplique « Je suis trop vieux pour ces conneries » assenée à répétition par Murtaugh (et entrée dans le langage courant), L’Arme fatale a su renouveler la figure du tandem mal assorti progressivement lié pour la vie.

Sous l’invariable objectif de Richard Donner, Riggs et Murtaugh sont devenus Martin et Roger, frères de sang aux silhouettes empâtées à l’issue de L’Arme fatale 4. Avec près de 488 millions de dollars de recettes en salle à eux quatre sur le seul sol américain, sans compter l’or du marché de la vidéo et des fréquentes rediffusions sur les chaînes de télé du monde entier, les Arme fatale occupent toujours un pan essentiel de la pop culture. L’annonce vibrante de Mel Gibson, à Londres, n’en eut que plus d’impact. Soyons honnêtes : aucun des Lethal Weapon (leur titre original) ne peut prétendre aujourd’hui au titre de chef-d’œuvre du genre, y compris le premier segment qui, pourtant, surclasse largement les autres au tableau d’honneur. En leur temps, chacun reçut un accueil critique de moins en moins enthousiaste. Comparés aux blockbusters révolutionnaires accouchés à l’époque par James Cameron, John McTiernan ou Paul Verhoeven, L’Arme fatale et ses suites restent ainsi des divertissements standard. Mais leur efficacité, leur humour, la bonne tenue de leurs cascades, leur iconisation de Los Angeles, leur univers musical et l’attachement à Riggs et Murtaugh à travers plusieurs scènes cultes mémorables font de cette quadrilogie un must, une pierre inamovible au fond de nos jardins. Petit retour en arrière pour le plaisir… et en attendant la suite. Parce qu’en réalité non, décidément, on n’est toujours pas trop vieux pour ces conneries.

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L’Arme fatale (1987)

Écrit en 1985 par le tout jeune scénariste Shane Black, L’Arme fatale était à l’origine un film plus sombre que le résultat final à l’écran. À la demande du réalisateur Richard Donner et du producteur Joel Silver (également responsable, plus tard, de Piège de cristal et Matrix), un autre auteur, Jeffrey Boam, va tirer davantage le récit vers la comédie, mais ce premier volet reste de loin le plus sérieux de la franchise. Le jour de ses 50 ans, le sergent Roger Murtaugh (Danny Glover), membre de la brigade criminelle de la police de Los Angeles, apprend qu’il doit faire équipe avec un transfuge des stupéfiants, Martin Riggs (Mel Gibson), ex-membre des Forces spéciales ayant servi au Vietnam, suicidaire depuis la mort de sa femme dans un accident de voiture. D’abord ulcérés par leurs compagnies réciproques, les deux hommes briseront la glace via leur enquête sur un trafic de drogue organisé par d'anciens tueurs à la solde de la CIA au Vietnam, liés au passé de Riggs.

Ambiancé par la puissante partition saxo-blues de Michael Kamen et Eric Clapton, L’Arme fatale impose instantanément deux flics à l’antinomie parfaitement caractérisée – au passage, coup de chapeau à la merveilleuse version française et aux interprétations de Jacques Frantz pour Gibson-Riggs et Richard Darbois pour Glover-Murtaugh. Raillé par certaines critiques de l’époque pour sa formule jugée à peine plus ambitieuse qu’un super épisode de Starsky et Hutch, le film épate aujourd’hui par la fluidité de la réalisation, qui éclate notamment dans cette inoubliable scène d’ouverture montrant la chute dans le vide d’une jeune femme sous l’emprise d’une substance. On reste encore pantois devant la glaçante tentative de suicide de Martin Riggs, seul dans sa caravane, canon dans la bouche, les traits déformés par la détresse. À la fin de ce thriller rondement mené, conclu par une mémorable baston de rue nocturne sous une pluie battante, Riggs a retrouvé ses esprits ainsi qu’une famille de substitution avec celle de Murtaugh, qu’il a sauvée des vilains. Son regard mélancolique et perdu retrouve une lueur d’humanité, son amitié avec Roger peut décoller. Bingo : le public est touché, ferré, accro.

L’arme fatale 2 (1989)

Comme les James Bond, film après film, la franchise va désormais picorer dans l’air du temps certains de ses éléments : ce deuxième volet confronte la paire Murtaugh-Riggs à un nouveau trafic de drogue… organisé dans les coulisses du consulat sud-africain. En 1989, l’apartheid connaît ses derniers soubresauts sous la présidence toute nouvelle de Frederik De Klerk, qui en facilitera l’abolition définitive en 1991. Les concerts de rock stars pour la libération de Nelson Mandela se sont multipliés tandis que l’infamie raciste du régime ségrégationniste d’Afrique du Sud reste très exposée dans les médias. Une source d’inspiration idéale pour le scénariste Jeffrey Boam, via l’odieux personnage du consul mafieux Arjen Rudd, dont l’un des lieutenants révèle en plus à Riggs que la mort de son épouse n’avait rien d’accidentel.

Toujours violent, notamment dans son dernier acte où Riggs et Murtaugh dézinguent à eux seuls en mode Rambo une petite armée de tueurs, L’Arme fatale 2 lorgne pourtant toujours un peu plus le rire – un premier script signé Shane Black et dans lequel Martin Riggs se sacrifiait à la fin a été logiquement retoqué. Le film introduit ainsi le personnage de Leo Getz (Joe Pesci), insupportable témoin sous protection dont les deux héros feront leur souffre-douleur favori. Enfin, toujours au rayon de la farce, comment oublier la scène où Murtaugh, sur le trône avec ses revues sportives préférées, découvre que des explosifs menacent de l’envoyer au paradis des flics ? Riggs lui sauvera in extremis la vie en risquant lui-même la sienne : un pas supplémentaire dans le caractère fusionnel du tandem. Les fans purs et durs ont beau regretter l’orientation comique de la saga, la stratégie paie : L’Arme fatale 2 reste à ce jour son volet le plus triomphal.

L’Arme fatale 3 (1992)

À une semaine du départ en retraite de Murtaugh, le binôme doit cette fois démanteler un trafic d’armes organisé par un ancien confrère. En cours de route, Richard Donner insiste auprès des scénaristes Jeffrey Boam et Robert Mark Kamen pour que Martin Riggs puisse enfin, lui aussi, retrouver un peu de bonheur entre deux fusillades. Ce sera le cas en la personne de Lorna Cole (incarnée par Rene Russo), agente des affaires internes qui saura briser la carapace du flic éploré. La manette « comédie » est poussée toujours plus loin, au détriment d’un scénario plutôt maigrelet qui se repose plus que jamais sur Riggs et Murtaugh pour menotter l’attention du chaland. Évidemment, ça marche : explosions spectaculaires, poursuite à moto sur un échangeur autoroutier, encore des fusillades… L’Arme fatale ne cesse pas de distraire, mais la formule commence déjà à sentir la redite, malgré une très amusante scène post-générique consacrant la postérité de la phrase favorite de Murtaugh. Porté par le tube de son générique d’ouverture, la chanson « It’s Probably Me » fredonnée par Sting, le film continue pourtant de séduire les foules, notamment en France, avec plus de 4 millions de spectateurs (record de la franchise).

L’Arme fatale 4 (1998)

Dernière patrouille pour Martin Riggs et Roger Murtaugh (qui a finalement décidé de rempiler pour 10 ans à la fin de l’AF 3), confrontés dans cette ultime aventure à un seigneur des triades chinoises. Campé par le prodigieux Jet Li, star des arts martiaux dont L’Arme fatale 4 est le premier film américain, ce personnage quasi mutique laisse KO debout les deux héros, complètement surpassés par l’agilité de leur adversaire. Impressionnés par la nouvelle vague du cinéma d’action de Hongkong qui, des réalisateurs John Woo et Tsui Hark aux acteurs Jet Li et Jackie Chan, souffle un vent révolutionnaire prisé du public occidental, les producteurs puisent dans ce nouveau réservoir d’idées pour injecter un peu de nouveauté au concept vieillissant de L’Arme fatale. Métaphore tout entière de l’avancée en âge de ses protagonistes comme de son réalisateur, le film multiplie les clins d’œil plus ou moins heureux à la date de péremption atteinte par Riggs et Murtaugh. Lesquels triompheront bien évidemment à la fin des méchants mafieux chinois.

À l’évidence, malgré encore de beaux restes grâce au charisme surnaturel de Jet Li et une nouvelle course poursuite sur l’autoroute prélude aux futurs délires de Fast & Furious, le récit policier n’intéresse plus du tout Richard Donner. Priorité aux vannes lourdes et aux liens toujours plus resserrés entre Murtaugh, Riggs, Getz et Lorna. Et nom d’un Glock, ça marche encore ! À l’issue du film, alors que Martin Riggs hésite à épouser Lorna et soliloque sur la tombe de sa précédente femme, Leo Getz lui délivre un monologue à l’émotion inattendue et le persuade de sauter le pas. Toute la fin de L’Arme fatale 4 flirte avec le soap opera : Riggs et Lorna se marient alors que cette dernière accouche en catastrophe, Murtaugh devient grand-père (et son beau-fils n’est autre que son jeune collègue Butters, joué par Chris Rock)… Et le spectateur, attendri plus qu’il ne s’y attendait, dit au revoir à regret à cette famille de bras cassés qui a fini par devenir aussi la sienne. Bon, la suite, Mel, c’est pour quand, donc ?

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Commentaires (3)

  • Section 317

    Mel Gibson est le dernier bonhomme du cinéma américain. Un mec non contaminé par l’air du temps ça ne courre plus trop les rues à Los Angeles. Inutile de vous dire que ce film sera l’arme fatale au progressisme woke ; )

  • Checasino

    ´ tout le monde ´ ? Le Point fait de la pub rédactionnelle, maintenant ?

  • Nam Youn 54

    Scénarios magnifiques, acteurs et actrices attachants, de bons films d'action !
    La relève des bons western. Tout le contraire des mièvreries françaises.
    Vivement le prochain épisode