Pourquoi faut-il vous précipiter sur « The Greatest Night in Pop » ?

Trois bonnes raisons de dévorer le documentaire Netflix sur les coulisses de l’enregistrement de la chanson « We Are the World ». C’était en 1985 et l’Amérique rayonnait d’unité.

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Le megagroupe USA for Africa, pour l'enregistrement du tube « We Are the World », le 28 janvier 1985.
Le megagroupe USA for Africa, pour l'enregistrement du tube « We Are the World », le 28 janvier 1985. © Netflix

Temps de lecture : 6 min

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Sacré Netflix… La plateforme n'a décidément pas son pareil pour proposer des documentaires d'une imparable efficacité. Certes tous plus ou moins fabriqués sur le même moule et les mêmes effets de « montagnes russes », mais, à la fin, on redemande toujours un autre tour de manège.

À peine a-t-on eu le temps de se recoiffer après l'ébouriffante mini-série Raël le prophète des extraterrestres qu'on saute à pieds joints dans un autre grand huit émotionnel : le formidable documentaire The Greatest Night in Pop, une plongée dans l'arrière-cour de l'enregistrement épique, en une seule nuit, du monumental tube et du clip « We Are the World »par 47 des plus grands artistes pop rock américains de l'époque.

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D'une durée de 1 h 37, ce film de Bao N'Guyen, diffusé depuis quelques jours sur le géant du streaming, régale tous les nostalgiques des eighties – une cible chouchoutée depuis longtemps par la plateforme de Stranger Things – mais sa valeur transcende le seul effet madeleine. Reposant sur des archives hallucinantes et des interviews exclusives des participants toujours fringants – de Bruce Springsteen à Cyndi Lauper en passant par Huey Lewis, Dionne Warwick ou encore Lionel Ritchie, fil rouge de la trame – The Greatest Night in Pop file en un clin d'œil et laissera les plus sensibles d'entre vous les yeux embués d'émotion au générique de fin. Une capsule temporelle en forme de parenthèse enchantée, fenêtre sur une Amérique bien plus soudée qu'aujourd'hui, au moins le temps de cet hymne, à voir ou revoir pour trois raisons.

1. Un making-of édifiant aux images d'archives stupéfiantes

Par la voix principale de Lionel Ritchie, qui fut à l'épicentre de ce mini-séisme musical, The Greatest Night in Pop relate les origines exactes de la chanson qui allait devenir « We Are the World ». Filmé aux A & M studios, dans la pièce même où la chorale des mégastars du showbiz se rassembla cette nuit du 28 au 29 janvier 1985, Ritchie se remémore cette épopée pop comme si c’était hier. Calquée sur le Band Aid formé par Bob Geldof en Grande-Bretagne quelques mois plus tôt, l'initiative USA For Africa sera lancée en décembre 1984 par l'artiste engagé Harry Belafonte, horrifié par la vision des populations affamées lors d'un voyage en Éthiopie. Son objectif : réunir l'Olympe du micro pour enregistrer une chanson-tube au profit de la lutte contre la famine en Afrique subsaharienne.

Coordonnés par le manager Ken Kragen, Belafonte, Lionel Ritchie et le producteur Quincy Jones posent les bases du projet fou, tout en essayant de joindre – en vain – Stevie Wonder pour composer la future ballade. Ce dernier ne répondra aux appels qu'au bout de trois semaines – entretemps, c'est Michael Jackson qui est choisi pour participer, avec Lionel Ritchie, à la création du morceau. C'est chez le magicien de Thriller, entre ses singes et son boa, que l'histoire va commencer à s'écrire. Ritchie, au piano, et Jackson au chant, improvisent la colonne vertébrale de « We Are the World ». Il faut faire vite : on est alors à moins d'un mois du 28 janvier 1985, date de la 12e cérémonie des American Music Awards, où un parterre de barons des charts sera convié à Los Angeles. Une occasion en or pour faire converger dans la foulée, à quelques blocs du lieu de la soirée, tous ces talents aux studios A & M.

Gavé d'archives sonores et visuelles, The Greatest Night in Pop replonge dans cette course contre la montre pour accoucher de « We Are the World », enregistrer une bande démo envoyée sur K7 audio (avec partitions) à la cinquantaine d'artistes sélectionnés et organiser dans les moindres détails la nuit d'enregistrement, juste après les AMA présentés d'ailleurs par Lionel Ritchie (qui recevra six récompenses ce soir-là). Nimbées d'une patine d'époque, les images de Paul Simon, Huey Lewis, Diana Ross, Cyndi Lauper, Bruce Springsteen, Ray Charles et tant d'autres arrivant, les uns après les autres, sur place le jour J, valent leur pesant d'émerveillement. De même que cette séquence, fascinante, où Michael Jackson répète seul au micro a cappella en attendant ses collègues et fredonne le vibrant refrain de « We Are the World ». Sans oublier le rendez-vous manqué avec Prince, attendu en vain, ni les couacs d'un Al Jarreau passablement éméché.

Ou encore ces plans sur Bob Dylan, tétanisé et incapable de sortir un son au milieu de ce grand raout, avant de retrouver finalement le sourire (et son timbre) grâce au soutien comique de Stevie Wonder. On n'en dit pas davantage pour ne pas vous gâcher la surprise mais des instants « Whaou ! », hilarants, décalés ou émouvants, The Greatest Night in Pop en regorge à vous laisser sans voix. Tout en nous replongeant dans un bain d'iconographie eighties toujours jubilatoire (coiffures, garde-robes, JT de l'époque… c'est la fête), le film ne rate rien des mille et un détails cruciaux supervisés par Quincy Jones, Lionel Ritchie et un quarteron de techniciens virtuoses pour qu'à 8 heures du matin, enfin, après moult ratés, « We Are the World » soit dans la boîte.

2. La réhabilitation d'une très grande chanson

Il fut souvent de coutume dans certains cercles branchés, surtout durant l'ère grunge, de dénigrer « We Are the World » comme une grosse meringue musicale dégoulinant de bons sentiments. Une machine commerciale, un rendez-vous de millionnaires du vinyle presque indécents au regard des images d'enfants éthiopiens décharnés montrées alors presque quotidiennement sur les télés occidentales. C'est un peu vite oublier que les 47 artistes – ainsi que les techniciens – figurant sur le 45 tour donnèrent bénévolement le meilleur d'eux-mêmes avec acharnement jusqu'à l'aube, dirigés d'une main de fer par Quincy Jones.

En réécoutant avec attention ce titre aux 20 millions d'exemplaires vendus dans le monde, difficile d'ignorer aussi à quel point ses harmonies, ses chœurs impeccables et sa poignante fibre gospel font mouche, autant dans ces couplets enjôleurs que dans cet entêtant refrain. Mention spéciale au pont spectaculaire bâti par les voix croisées de Huey Lewis, Cyndi Lauper et Kim Carnes, tous trois faisant culminer l'émotion avant le dernier virage, sur fond d'arrangements luxuriants signés Quincy Jones et son ingénieur du son Humberto Gatica. Trois mois après cette nuit d'anthologie entre rires, errances, crispations et rare communion artistique, la sortie du disque pulvérisera les hit-parades et permettra au mouvement USA for Africa de récolter 80 millions de dollars (l'équivalent de 160 millions en 2024, selon les auteurs).

3. Le souvenir d'une Amérique unie par la musique

Qu’elle semble lointaine en 2024, cette nation américaine de 1985. Du moins celle qui fut donnée à voir lors de la parenthèse enchantée « We Are the World ». À l’heure où le communautarisme flatté par la pensée woke renvoie chacun à son périmètre identitaire aux États-Unis, « We Are the World » a montré comment des artistes noirs et blancs se donnaient alors la main pour une cause universelle : sauver des vies grâce à la musique. Harangués au début de l’enregistrement par Bob Geldof, invité spécial de Quincy Jones aux A & M Studios pour leur rappeler la philosophie de son Band Aid, Michael Jackson et ses collègues ne se déchiraient alors pas pour savoir si l’initiative du Britannique relevait de l’appropriation culturelle d’une cause africaine par un sauveur blanc (mâle de surcroît !).

« Unis par la musique, » comme le rappelle l'un des intervenants, les artistes d'USA for Africa livrèrent au monde un hymne aux paroles certes ultracandides (« Nous sommes le monde, nous sommes les enfants, nous sommes ceux qui offrent un jour meilleur alors commençons à donner »), mais inattaquable dans les intentions comme dans les effets. Judicieusement, le documentaire calque sur la reprise du morceau final, diffusé simultanément sur les radios du monde entier le jour de sa sortie, des plans de foules américaines chantant ensemble le vibrant refrain. Tout comme ce panneau « Laissez votre ego à l'entrée » posé par Quincy Jones à l'attention des vedettes, dans le studio d'enregistrement, on est alors bien obligé d'abandonner tout cynisme au seuil de cette belle histoire. Et de laisser, pourquoi pas, quelques larmes couler devant ce torrent de bonnes volontés.

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Commentaires (4)

  • tav

    Pas beaucoup de blancs dans la photo, j'appelle ça du racisme et inegalitarisme

  • fr..vn

    Ce documentaire devrait etre gratuit et montré a la jeune génération, et meme moins jeune d'ailleurs...

  • chabadass

    Quand on voit aujourd'hui nos "artistes" français avec si peu de talent, déguisés en abeille ou en clown, s'époumoner pour les restos du cœur, c'est sûr ça fait moins rêver. Quant à l'ego, il ne reste au vestiaire, il paraît. La bande annonce donne vraiment envie de regarder, ; l'effet nostalgie marche à plein régime !