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Au cours de la visite de l'exposition que la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image consacrait, l'été dernier, à l'œuvre de Fabcaro, quelques lignes avaient attiré notre attention. On pouvait y lire : « J'ai grandi avec la Trinité Tintin-Lucky Luke-Astérix. On peut dire que Goscinny est peut-être l'une de mes plus grandes influences. C'est le premier que j'ai lu, et peut-être même le premier que j'ai idolâtré. » Et un peu plus loin, un cartel affichait une autre déclaration : « Adolescent, j'ai découvert Gotlib et cette première idée de la transgression. Je lisais ça en cachette ! Après je suis tombé sur Les Dingodossiers que Gotlib a fait avec Goscinny, mon autre dieu. »
Aussi, alors que vient de tomber la nouvelle que Fabcaro remplacera Jean-Yves Ferri au scénario du prochain Astérix, la surprise n'est donc pas absolue, même si le secret a été très bien gardé – une vieille habitude chez les éditions Albert René, propriété de Hachette et éditrice de la série. En privé, Anne Goscinny, la fille de René, ne cachait pas son attachement à l'œuvre de Fabcaro, dont elle confessait apprécier l'univers à la fois délirant et très construit.
Pour le dessinateur, c'est le conte de fées qui se poursuit. Lorsque Le Point l'interrogeait sur son phénoménal succès, intervenu assez tardivement dans sa carrière, Fabcaro nous confiait : « Tout se passe comme si je regardais un film surréaliste, avec un autre dans mon propre rôle. » Son histoire ressemble, en effet, à l'un de ces récits joyeusement loufoques et inattendus dont il a le secret. Après des années de vache maigre, où il signa notamment des bandes dessinées sous pseudonyme sur Élie Semoun ( !) ou Philippe Candeloro ( !), Fabcaro est devenu une véritable star de l'édition, dans la foulée du stupéfiant succès de sa bande dessinée Zaï zaï zaï zaï (400 000 exemplaires vendus) et de ses romans (Le Discours, Samouraï), qui se retrouvent aujourd'hui adaptés sur grand écran ou au théâtre. Nombre d'humoristes, comme Blanche Gardin ou Éric Judor, avec qui il a signé un roman-photo délirant (Guacamole Vaudou), ne jurent plus que par lui. Fabcaro avait déjà repris quelques personnages emblématiques de la bande dessinée (Gai Luron de Gotlib, Achille Talon de Greg), mais avec Astérix, le changement de braquet est radical.
Le dessinateur devra supporter aussi la terrible pression qui accompagne la prise en main de ce mythe national. Entre les lignes, le communiqué de presse des éditions Albert René marque d'ailleurs un enthousiasme plus prononcé chez Anne Goscinny (« Astérix méritait Fabcaro, Fabcaro méritait Astérix ») que chez Sylvie Uderzo, la fille d'Albert Uderzo (« Il faut pouvoir s'adapter à l'univers créé par René Goscinny et mon père. J'attends que l'album soit terminé, mais nos échanges ont été constructifs »). Comme un clin d'œil involontaire, Fabcaro précise également que sa première rencontre avec Astérix s'est faite à travers Le Grand Fossé, le premier album paru après le décès de René Goscinny, en 1977, et scénarisé par… Uderzo.
5 millions d'exemplaires dans le monde
Les enjeux qui vont entourer ce prochain album sont colossaux. La série est devenue le vaisseau amiral de Hachette, dont Vincent Bolloré cherche à faire l'acquisition. Le nombre total d'albums vendus dans le monde s'élève aujourd'hui à 393 millions, et les aventures du petit Gaulois ont été traduites dans 117 langues. Astérix et le Griffon, le dernier album de la série, paru à l'automne 2021, s'est écoulé à plus de 5 millions d'exemplaires dans le monde. Des chiffres vertigineux, qui font de chaque nouvel album un événement quasi planétaire, avec des moyens de communication dignes d'une production hollywoodienne.
L'arrivée de Fabcaro doit aussi être appréciée à la lumière de la lassitude à peine masquée du précédent scénariste d'Astérix, Jean-Yves Ferri. Ce dernier, qui indique dans le communiqué des éditions Albert René que ce départ ne pourrait être que provisoire (« J'ai de belles idées pour les prochaines aventures »), avait soulevé à voix haute certaines interrogations sur les ressorts de la série. Il nous avait notamment révélé qu'il faudrait peut-être s'affranchir de la contrainte séminale imaginée par Goscinny et Uderzo, et qui imposait l'alternance entre une histoire se déroulant « localement », non loin du petit village d'irréductibles, et un récit plus ou moins exotique – Astérix et le Griffon se déroulait ainsi en pays scythe, chez les Sarmates, dans les steppes du Pont-Euxin.
À quand des aventures au Portugal ?
L'univers d'Astérix pourrait bien paradoxalement se rétrécir (où donc peut aller encore le petit Gaulois ? Au Portugal, qui d'après Ferri, réclame à cor et à cri son aventure d'Astérix ? En Amérique du Sud, au risque de cultiver l'anachronisme assumé façon Grande Traversée ?). Scénariste à l'immense talent, Ferri avait notamment délaissé son cher De Gaulle à la plage – il avait tout de même trouvé le temps de faire une série en forme de pastille animée pour Arte. Il ne sera donc pas aux commandes de ce quarantième album d'Astérix, alors que le prochain De Gaulle se déroulera précisément pendant l'exil londonien du Général en 1940.
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Fabcaro, dont les ressorts comiques sont très sensibles aux enjeux sociétaux contemporains (la planche inédite diffusée par Albert René laisse présager un débat autour du véganisme et de la malbouffe), se glissera-t-il avec autant de bonheur que Ferri dans les (immenses) pas du génial Goscinny ? Quelle que soit la réussite artistique de cet album prévu pour l'automne prochain, Albert René n'a guère de soucis à se faire pour l'année 2023. Entre la sortie imminente du film de Guillaume Canet, Astérix et Obélix. L'Empire du Milieu (en salle le 1er février), le premier à s'appuyer sur un scénario qui ne soit pas tiré de la série originale, une exposition sur Astérix et l'économie, la série animée Idéfix et les irréductibles et donc la sortie, le 26 octobre 2023, de ce nouvel Astérix, c'est déjà Noël bien avant l'heure pour les dirigeants de Hachette.
Fabcaro est un auteur à l'humour absurde et totalement décalé, un maître du genre, que je trouve absolument génial. Astérix, quand il était scénarisé par René Goscinny notamment, mais aussi après la reprise par Uderzo (j'ai beaucoup aimé Le Grand Fossé et l'Odyssée d'Astérix), est devenu un monument de l'humour à la française, fin, littéraire et second degré. Bref, l'idée de réunir les deux est alléchante, reste à espérer qu'ils soient compatibles.
Ces livres sont très drôles et je les dévore en quelques heures à chaque sortie.
Fabrice Caro est un écrivain et auteur-dessinateur de BD vraiment brillant.
Ses romans sont fins et hilarants.
L'idée de réunir son univers et celui d'Asterix le Gaulois me semble vraiment excellente !