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Cocorico ! Ou plutôt coin-coin ! Hilarant dessin animé sur le voyage initiatique vers la Jamaïque d'une famille de canards colverts nord-américains, Migration porte la plume reconnaissable entre mille de son coréalisateur (avec Guylo Homsy), le Frenchy Benjamin Renner.
Remarqué à Hollywood après avoir pondu deux perles du cinéma d'animation français, le délicieux Ernest et Célestine (2012) et le désopilant Le Grand Méchant Renard et autres contes… (2017), l'oiseau Renner s'est envolé pour les États-Unis par un froid de canard durant l'hiver 2018, à l'appel du célèbre producteur-appeau à talents tricolores Chris Meledandri (il avait déjà déniché Pierre Coffin pour Moi, moche et méchant). Direction : le nid d'Illumination Entertainment, célèbre filiale d'Universal Pictures, spécialisée dans l'image animée.
La famille Mack débarque à Manhattan
Moi, moche et méchant, Les Minions, Comme des bêtes ou encore (et surtout), en 2023, le méga triomphe Super Mario Bros. le film : les productions Illumination, dont le QG de fabrication est installé en France dans les locaux de sa filiale Illumination Studios Paris, cumulent les succès au box-office mais sont parfois critiquées pour leurs ficelles tout public avares en prises de risque. Sans être un chef-d'œuvre révolutionnaire du genre, Migration survole heureusement sans peine le tout-venant grâce à plusieurs percées d'humour zinzin typiques de la patte Renner.
Graphiquement classique et soigné, voire somptueux lorsque les colverts Mack, Pam et leurs deux enfants (ainsi que l'oncle loufoque Dan, joué en V.O. par Danny DeVito) débarquent à tire d'ailes dans un Manhattan aux tours nimbées de brume, Migration coche lui aussi toutes les cases d'une production Meledandri.
Dans la check-list : un humour burlesque à la Buster Keaton, des petites créatures « Minion-esques » (ici, le drôlissime pigeon new-yorkais Chump et sa bande de volatiles), un style 100 % 3D très coloré, un ton général feel good ultra-familial et des enjeux dramaturgiques à l'avenant. On est, certes, loin des grandes heures du concurrent Pixar, au temps de Ratatouille, Là-Haut et autre Wall-E, mais le résultat fait presque toujours tilt.
Le méchant chef, virtuose du canard laqué
Et dans Migration, malgré les contraintes de son cahier des charges, Benjamin Renner a su épicer cette savoureuse soupe aux canards. Notamment, entre autres, via une désopilante séquence dans laquelle Mack, Pam, Dax, Gwen et Dan, d'une tempête en plein vol, se réfugient dans la tanière d'un couple de vieux hérons décharnés aux airs inquiétants et visiblement affamés. Menace réelle ou simple peur de l'autre ?
Une idée inspirée par les propres souvenirs du réalisateur lors d'un voyage au Japon, au cours duquel Benjamin Renner fut pris en pleine nuit d'une crise de paranoïa vis-à-vis du propriétaire d'un Airbnb à la déco angoissante, dans un village reculé du pays – fausse alerte : l'hôte s'avéra des plus charmants.
Plusieurs autres virgules comiques, menées tambour battant, dérideront toutes les générations de zygomatiques, notamment les apparitions du méchant du film – un chef cuistot impitoyable (non asiatique, on précise), virtuose du canard laqué. De son côté, sans pour autant mériter la palme de l'originalité, la fable sur la renaissance du couple de colverts plan-plan Mack/Pam, à travers leurs péripéties, parvient à bon port sans couac : on ne s'ennuie jamais et on reçoit 5/5 la morale de l'histoire.
Finement contée, elle rappellera même peut-être aux amoureux leurs souvenirs de prises de bec passées, surmontées par un peu d'audace – ici, illustrée par la métaphore du voyage hors de la mare pour casser la routine, point de départ de la trame de Migration.
« Quand Chris m'a pitché le script du projet, il m'a expliqué qu'il voulait aborder la relation dans un couple, quand les années passent et que l'on réalise que nos espoirs, nos attentes initiales ont fini par diverger », confie au PointPop Benjamin Renner. « Il a vécu lui-même cette expérience, ce sont les prémices d'une histoire à laquelle tout le monde peut s'identifier. Quand on y songe, c'est un sujet assez lourd dans le fond. Mais j'adore essayer de chercher les éléments de drôlerie ou de légèreté dans cette thématique, pour en faire un film qui divertira les gens sans même qu'ils se rendent compte que l'on parle de ça. C'est ce que j'avais déjà essayé de faire dans Ernest et Célestine et Le Grand Méchant Renard… et c'est un enseignement que j'ai appris au côté de Daniel Pennac [coauteur du scénario de Ernest et Célestine, NDLR] : comment parler de ce qui touche les gens sans les assommer. »
Mission accomplie avec Migration, blockbuster d'animation familial, dépaysant et enlevé, que l'on serait bien en peine de canarder.
Migration de Benjamin Renner et Guylo Homsy. En salle le 6 décembre.