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Contrairement aux idées reçues encore répandues dans une large partie de la population, les mangas ne se limitent pas à des épopées sanglantes exclusivement destinées aux adolescents. Vaste univers culturel, le genre propose depuis longtemps des histoires parfois drôles ou touchantes, voire tragiques, ancrées dans le réel ou immergées dans le fantastique.
Sélection de six titres avec des styles, des thématiques et des cibles assez radicalement différents, mais avec un point commun : de grandes qualités d'écriture et graphiques ainsi qu'une lecture aisée pour les néophytes de la BD nipponne. Autant d'options possibles comme cadeaux à déposer au pied du sapin !
Colette, Mémoires d'une maison close de Moyoco Anno
Dans le Paris des années folles, une jeune fille débarque de sa campagne et va, par amour, accepter de travailler dans une maison close. Plutôt que le récit classique d'une descente aux enfers, ce manga plutôt cru excelle dans sa description du quotidien à huis clos des filles de joie. La perversion de certains hommes, la mesquinerie de certaines femmes, les problèmes d'argent et les amours contrariées…, dans cette cage dorée, Colette va évoluer et prendre peu à peu conscience de ses véritables objectifs de vie.
Une destinée poignante, magnifiée par le style graphique si spécial de la mangaka Moyoco Anno (déjà connue pour Happy Mania ou Chocola et Vanilla…). Ici et là, quelques passages pourront heurter les sensibilités, mais, comme jadis dans le film français La Dérobade avec Miou-Miou, l'ensemble jette un regard plutôt réaliste sur un milieu toujours très secret, tout en plaçant les personnages et leurs sentiments au cœur de l'intrigue. Une histoire complète, contenue dans un tome unique grand format de belle qualité pour un conte à la fois instructif, rude et touchant.
Colette, Mémoires d'une maison close (Pika Graphics). Âge minimum conseillé : 16 ans.
Monstrophobie de Kazuki Minamoto
Parce qu'il a grandi à la campagne dans le sud du pays, Arashiro a la peau plus foncée que les autres, ce qui lui vaut d'être harcelé par ses camarades de classe. Mais le pire survient lorsqu'il apprend que son professeur préféré, dont il est secrètement amoureux, est homophobe. Un choc psychologique qui va soudainement transformer l'adolescent… en monstre. Une transformation physique qui va aussi finir par agir sur son mental : d'abord soulagé de ses angoisses car plus rien ne peut l'atteindre, il devient à son tour harceleur. Ce nouvel état lui permet d'éructer sans filtre toute son aigreur, comme si son apparence repoussante avait brisé toutes ses barrières. Un titre choc qui bouscule le lecteur, dans un style simple et clair, qui aborde le sentiment d'exclusion et d'être soi-même « monstrueux » quand on se voit rejeté par les autres.
Monstrophobie (Akata). Âge minimum conseillé : 14 ans.
Give My Regards to Black Jack de Shuho Satô
Hommage à un grand classique du manga des années 1970 (Black Jack du célèbre Osamu Tezuka, baptisé le « père du manga »), Give My Regards to Black Jack garde le même décor (l'univers médical) ainsi que son approche graphique brutale. Le jeune Satô vient d'obtenir son diplôme de médecine et commence son internat, avec la même obsession que ses pairs : sauver un maximum de vies. Mais la réalité du système médical japonais et ses failles vont vite le rattraper, qu'il se retrouve aux urgences, en néo-nat', ou encore au service de cancérologie.
Bien qu'un peu ancienne (sortie initialement au Japon entre 2002 et 2006), cette série est plus que jamais d'actualité et risque bien de mettre vos tripes à rude épreuve, tant certains passages très crus sont difficilement soutenables. Des scènes chocs mais indispensables pour saisir les affres du personnel soignant face à la souffrance des patients. Un récit parfois perturbant, mais indispensable.
Give My Regards to Black Jack, série en six tomes (naBan éditions) – Âge minimum conseillé : 16 ans.
Gestalt de Ringo Yôtô
Soso est un jeune homme égocentrique et désinvolte, tout le contraire d'Hanami, empathique et éprise de justice. Un jour, un compte à rebours apparaît dans le ciel et tous deux se retrouvent aspirés par un vaisseau spatial cubique, sorte d'arche de Noé. Là, un être mystérieux – le Concierge – leur apprend que l'humanité va être réinitialisée et qu'ils font partie de la centaine d'humains sélectionnés pour se voir implanter plusieurs « gadgets » aux pouvoirs impressionnants. Leur mission : annihiler le reste de la population. Pour chacun des élus, un choix impossible : obéir à cette entité invincible par instinct de survie ou tenter à tout prix d'éviter l'éradication de l'espèce humaine ? Deux camps vont se former. Une série courte, voire un peu précipitée dans son déroulement, mais qui a le mérite de poser rapidement ses enjeux et de les résoudre sans avoir besoin de dizaines de tomes, avec de l'action sans temps mort.
Gestalt – série en 3 tomes (Ki-oon, collection Seinen) – Âge minimum conseillé : 14 ans.
Tokyo Alien Bros de Keigo Shinzô
Lorsque son grand frère Natsutarô débarque sur terre, cela fait déjà quelque temps que Fuyunosuke l'extraterrestre y vit sous le masque d'un étudiant enjoué et fêtard. Il est infiltré sur notre planète pour une « bonne » raison : l'évaluer ainsi que ses habitants en vue d'une future invasion. Mais cet objectif traîne en longueur et Natsutarô a pour mission d'accélérer le processus. Et là où le cadet profite au maximum des bienfaits de ce monde, l'aîné – introverti et un peu perdu – va d'abord faire des gaffes monumentales, puis peu à peu réussir à comprendre ces êtres bipèdes aux mœurs étranges, mais attachants.
Sous couvert d'humour et de situations rocambolesques, les mésaventures de ces deux frangins venus d'ailleurs tournent à l'expérience anthropologique : pourquoi doit-on se vêtir ? À quoi sert l'argent ? Le sexe ? Les animaux domestiques ? Voir ces deux aliens faire des erreurs, passer pour des originaux, mais aussi s'émerveiller en découvrant notre monde et toute sa complexité, a vraiment quelque chose de rafraîchissant. Quelques scènes pourront déranger mais, à part ça, foncez !
Tokyo Alien Bros, coffret intégrale 3 tomes (Lézard Noir) – Âge minimum conseillé : 14 ans.
Sous un rayon de soleil de Tsukasa Hojo
Le mangaka Tsukasa Hojo s'est avant tout fait connaître avec sa série culte City Hunter, adaptée en animé et diffusée en France sous le titre Nicky Larson à la grande époque du Club Dorothée. Après les aventures rocambolesques d'un détective privé obsédé par les femmes, le maître se tourne vers une histoire plus poétique avec ce très joli Sous un rayon de soleil. Un récit doux-amer autour des péripéties de la jeune Sarah et de son père – un colosse adorable –, qui tiennent un magasin de fleurs itinérant.
Au-delà du simple quotidien d'une famille monoparentale, l'intrigue va prendre une tournure fantastique lorsque le lecteur découvre que Sarah possède le pouvoir de communiquer avec les fleurs et les arbres. Sous le trait reconnaissable entre mille de Hojo, cette histoire à la fois drôle et touchante aborde la relation entre les êtres humains et la nature, en plaidant autant pour l'empathie que pour le respect de l'environnement. Un manga humaniste, écolo et feel good dans l'esprit de Noël.
Sous un rayon de soleil – série en 2 tomes (Panini Manga) – Âge minimum conseillé : 12 ans.