« Le Cercle des poètes disparus » : dans les coulisses d’une pièce événement

Le film culte avec Robin Williams arrive sur scène en France. Un pari immense, pour une œuvre au message humaniste plus que jamais d’actualité.

Par Lucas Fillon

Toute la jeune troupe du Cercle des poètes disparus, à l'affiche du Théâtre Antoine à Paris depuis le 24 janvier. Au centre : Stéphane Freiss, qui reprend le rôle jadis tenu par Robin Williams.
Toute la jeune troupe du Cercle des poètes disparus, à l'affiche du Théâtre Antoine à Paris depuis le 24 janvier. Au centre : Stéphane Freiss, qui reprend le rôle jadis tenu par Robin Williams. © Pascal Ito

Temps de lecture : 7 min

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« Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! »… Il y a 35 ans, ces mots, titre d'un des poèmes de l'Américain Walt Whitman, ne forment plus seulement une métaphore, mais deviennent… une réplique culte ! Et ce, grâce à l'un des plus beaux films du cinéma américain, Le Cercle des poètes disparus, porté par Robin Williams, écrit par Tom Schulman et réalisé par Peter Weir. Depuis le 24 janvier, ces mots résonnent à nouveau non pas dans les salles mais… sur les planches.

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En effet, le Théâtre Antoine, à Paris, accueille désormais la version française de la pièce tirée de ce classique du 7e art, avec Stéphane Freiss en tête d'affiche, Gérald Sibleyras à l'adaptation et Olivier Solivérès à la mise en scène. Et c'est peu dire que cette pièce est un pari immense. Pourquoi ? Parce que Le Cercle des poètes disparus n'est pas un film comme les autres. Aimé de tous, il est de ceux qui vous accompagnent toute une vie.

Triomphe au box-office et phénomène de société

Sorti le 2 juin 1989 en Amérique du Nord, et le 17 janvier 1990 en France, le long-métrage se déroule en 1959, aux États-Unis, à l'austère Académie Welton, qui forme des adolescents, uniquement des garçons, à intégrer les plus grandes écoles. Leur voie est toute tracée : ils seront banquiers, avocats, médecins et ils ne le remettent pas en cause. Mais, quand l'année scolaire débute, un nouveau professeur de littérature, lui-même passé par l'Académie et arrivé tout droit de Londres, les bouscule.

Il s'appelle John Keating – magnifiquement interprété par Robin Williams. Cet enseignant iconoclaste leur fait comprendre à eux, la future élite de la nation, qu'ils peuvent choisir d'échapper à la destinée que leurs parents ont forgée pour eux, qu'ils doivent apprendre à bâtir leur propre opinion et arrêter d'avoir peur. Qu'il faut profiter de l'instant présent (« carpe diem » est le mantra de Keating) et se nourrir de poésie et d'art, car c'est ce qui fait de nous des humains. Parmi ses élèves, un groupe d'amis est bouleversé par ce discours. Chacun se met à entrevoir son futur de manière différente, ce qui n'est pas sans conséquences dans une époque où s'autoriser à prendre la parole n'allait pas de soi…

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Quand il débarque sur les écrans, Le Cercle des poètes disparus acquiert le statut de phénomène de société. En France, il triomphe en comptabilisant 6,6 millions d'entrées. En 1990, il glane plusieurs nominations dans les plus prestigieuses cérémonies et gagne, entre autres prix, l'oscar du meilleur scénario original, les Bafta du meilleur film et de la meilleure musique (composée par Maurice Jarre), ou encore, en 1991, le césar du meilleur film étranger.

Par la suite, le long-métrage, particulièrement plébiscité par le public jeune, se transmet de génération en génération et laissera une trace profonde dans le cinéma et les séries. La figure du professeur ne sera plus jamais traitée de la même façon après ce superbe hommage aux enseignants. Et, au-delà de cet aspect, de nombreuses œuvres postérieures dialogueront, de manière consciente ou inconsciente, avec Le Cercle des poètes disparus, à l'instar de Will Hunting de Gus Van Sant (autre grande performance de Robin Williams). Le film de Peter Weir révèle aussi au public de nouveaux talents, dont Ethan Hawke, qui avait alors 18 ans, ainsi que Robert Sean Leonard, futur interprète du collègue et ami du Dr House dans la série du même nom.

<em>Le Cercle des poètes disparus</em> de Peter Weir (1989), un véritable phénomène de société aux États-Unis comme en France.
 ©  Sony pictures
Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir (1989), un véritable phénomène de société aux États-Unis comme en France. © Sony pictures

Une histoire universelle et contemporaine

Si, aujourd'hui, Le Cercle des poètes disparus devient un spectacle vivant, c'est parce qu'Olivier Solivérès en rêvait. « J'en ai eu l'idée il y a onze ans. Je cherchais à créer une nouvelle pièce pour mon petit frère, Thomas Solivérès, et William Lebghil [vus récemment, respectivement, dans Gueules noires et Un métier sérieux, NDLR], qui avaient joué dans mon spectacle, Ados. Et je me suis dit : « Et si on adaptait Le Cercle des poètes disparus ? » Ce film est très important pour moi. C'est mon préféré, il a marqué mon adolescence et m'a donné envie de faire du théâtre. Par ailleurs, il ne me paraissait pas trop compliqué à transposer sur scène, Thomas et William auraient joué deux des élèves », nous indique Olivier Solivérès.

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Jean-Marc Dumontet, le producteur d'Ados, est enthousiasmé par le projet et l'accompagne. Toutefois, outre-Atlantique, on refuse de céder les droits d'adaptation du film en pièce. Le rêve s'arrête net… jusqu'au happy end. Entre-temps, Tom Schulman, le scénariste du long-métrage, a finalement adapté lui-même son histoire au théâtre. En 2016, un spectacle est monté à New York, avec Jason Sudeikis (Ted Lasso) dans la peau de John Keating. Les droits de la pièce sont libres : Jean-Marc Dumontet les achète.

Douze versions écrites depuis 2018

À présent, il faut trouver un adaptateur. Le producteur et le metteur en scène se tournent vers Gérald Sibleyras, qui a par ailleurs adapté, avec Judith Elmaleh, La Garçonnière, de Billy Wilder, grand succès de ces dernières années. Également auteur de pièces originales, Gérald Sibleyras a notamment écrit, avec Patrick Haudecœur, Berlin Berlin, qui cartonne depuis plusieurs saisons. « J'ai été ravi qu'on me propose d'adapter Le Cercle des poètes disparus. J'ai d'abord revu le film, dont j'avais gardé un excellent souvenir. J'ai été impressionné de voir à quel point il n'avait pas vieilli. C'est une œuvre qui parle d'un sujet éternel : le fameux carpe diem, qui n'est pas du tout un message anarchiste. Au contraire, ce carpe diem, il sous-entend qu'il ne faut pas gâcher sa jeunesse, qu'il faut travailler pour être libre, et qu'il est essentiel de penser par soi-même », explique Gérald Sibleyras.

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Pour la transposition, ce dernier n'a pas eu à composer avec des règles pesantes. « L'action devait toujours se passer en 1959 aux États-Unis, dans une école n'admettant que des garçons, et John Keating devait avoir les mêmes caractérisations. J'ai évidemment gardé des scènes clés, mais j'ai pu aussi en ajouter et en supprimer. » Mais, concrètement, comment fait-on d'un film une pièce à part entière ? Gérald Sibleyras développe : « Au départ, il faut choisir les séquences essentielles à conserver pour le récit. Puis, il faut prendre en compte les contraintes inhérentes au théâtre : éviter d'avoir quarante personnes sur scène en même temps, considérer le temps des changements de décor, etc. Tout cela appelle un dialogue constant avec le metteur en scène pour affiner l'écriture. Il faut du rythme, ne pas être bavard. Comme au cinéma, au théâtre, il est toujours préférable de dire un maximum de choses en un minimum de mots. » En tout, douze versions de la pièce ont été écrites depuis 2018.

Je fais partie des rares personnes qui n’avaient pas vu le film. Mais cela m’a facilité les choses : j’étais libéré de toute pression.Stéphane Freiss

Le Covid retarde la mise en route du spectacle. Mais, voici un an et demi, le casting est enfin lancé pour les rôles des six élèves (Thomas Solivérès et William Lebghil ne peuvent plus faire partie de la distribution, désormais trop âgés). Olivier Solivérès se retrouve alors submergé : quelque 1 500 jeunes comédiens postulent pour auditionner. Sont retenus : Audran Cattin, Pierre Delage, Maxime Huriguen, Ethan Oliel, Maxence Seva et Hélie Thonnat. Ils ont tous autour de 20 ans. « Ils ont un jeu très instinctif et généreux. Ils vont impressionner les spectateurs », promet Olivier Solivérès.

Et puis, il a fallu trouver celui qui incarnerait l'iconique John Keating. Stéphane Freiss se voit proposer le rôle et s'impose dès la première lecture. « Je fais partie des rares personnes qui n'avaient pas vu le film, confesse l'acteur. Mais cela m'a facilité les choses : j'étais libéré de toute pression. J'ai découvert l'histoire en lisant le texte, puis j'ai visionné le long-métrage. » Et comment a-t-il décidé d'aborder le personnage de Keating ? « Je ne suis pas Robin Williams, donc mon interprétation sera différente. J'amènerai mon énergie, ma fantaisie, ma gravité, mon expérience en tant qu'acteur et en tant qu'homme. Keating est un passionné ; il appelle à remettre en question nos certitudes. En cela, je me retrouve beaucoup en lui. »

On ne dévoilera pas les choix de mise en scène pour ne rien divulgâcher, mais Olivier Solivérès a travaillé à proposer une vision personnelle de cette histoire qui l'habite depuis tant d'années. Il conclut : « C'est un spectacle, qui a sa propre autonomie. Mais j'aimerais vraiment que le public ressente la même émotion que devant le film. » C'est tout le mal qu'on vous souhaite, Capitaine !

Le Cercle des poètes disparus, de Tom Schulman, d'après le film écrit par Tom Schulman et réalisé par Peter Weir. Adaptation française de Gérald Sibleyras. Mise en scène d'Olivier Solivérès. Depuis le 24 janvier 2024 au Théâtre Antoine (Paris 10e). Avec Stéphane Freiss, Audran Cattin, Pierre Delage, Maxime Huriguen, Ethan Oliel, Maxence Seva, Hélie Thonnat, Yvan Garouel et Olivier Bouana.

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Commentaire (1)

  • Rafan

    Vu hier. C'est magnifique et les acteurs, tous, sont époustouflants. On ressent parfaitement leurs doutes, leurs joies, leurs craintes...