« Le Bon, la Brute et le Truand » : la recette du western spaghetti

CE SOIR À LA TÉLÉ. France 3 rediffuse le film de Sergio Leone porté par Clint Eastwood, truffé de répliques qui claquent comme un coup de revolver et enrobé d’une musique inoubliable.

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Clint Eastwood dans Le Bon, la Brute ou le Truand, de Sergio Leone.
Clint Eastwood dans Le Bon, la Brute ou le Truand, de Sergio Leone. © Tamasa Distribution

Temps de lecture : 4 min

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Le 25 mars 1966 sortait, sur les écrans français, Pour une poignée de dollars, un western qui n'a rien d'une charge héroïque. Et pour cause : son réalisateur, Sergio Leone, emprunte son intrigue au Garde du corps, un film de samouraïs d'Akira Kurosawa. Bien décidé à fausser la piste du Far West, l'Italien a signé d'un patronyme américain, Bob Robertson, mais Pour une poignée de dollars reçoit un accueil mitigé.

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Ce n'est qu'avec la sortie, en Italie, fin 1966, du troisième volet de la saga, Le Bon, la Brute et le Truand, que la sauce va véritablement prendre. Et le « western spaghetti » régner sur l'industrie cinématographique jusqu'à la fin des années 1970, où il finira par s'étouffer dans l'autoparodie.

N'empêche, le genre est aujourd'hui acclamé par des cinéastes reconnus, parmi lesquels Clint Eastwood – qui, s'il ne s'était pas frotté aux caprices de Leone, n'aurait réalisé ni L'Homme des hautes plaines ni Impitoyable – et Quentin Tarantino, dont le Django Unchained est un hommage à Django, de Sergio Corbucci. Le Point Pop vous livre donc la recette authentique, concoctée à l'aide de Jean-François Giré, auteur d'Il était une fois le western européen (Bazaar & Co). Bon appétit !

Ingrédients

  • Un personnage principal aux yeux très très bleus :

Clint Eastwood dans la trilogie du dollar, de Sergio Leone ; Franco Nero dans Keoma, d'Enzo G. Castellari ; Terence Hill dans Mon nom est personne, de Tonino Valerii ; Johnny Hallyday – mais oui ! – dans Le Spécialiste, de Sergio Corbucci.

Franco Nero dans <em>Django</em>, de Sergio Corbucci.
  ©  Carlotta Films
Franco Nero dans Django, de Sergio Corbucci.   © Carlotta Films

À défaut, Jean-Louis Trintignant (dans Le Grand Silence, de Sergio Corbucci), Ringo Starr – yes, indeed ! – (dans Blindman, le justicier aveugle, de Ferdinando Baldi) ou Giuliano Gemma (dans Le Bâtard, de Duccio Tessari).

Jean-Louis Trintignant dans <em>Le Grand Silence</em>, de Sergio Corbucci.
  ©  DR
Jean-Louis Trintignant dans Le Grand Silence, de Sergio Corbucci.   © DR

L'affubler d'un nom en O (Django, Ringo), en A (Sabata, Trinita), ou, mieux, ne pas le nommer (Personne, Gringo, L'étranger). Lui jeter un poncho ou un manteau en cuir sur le dos, le coiffer d'un chapeau à larges bords et lui coller ­ « un cigare infect dans le bec », dixit Clint Eastwood.

Clint Eastwood dans <em>Le Bon, la Brute et le Truand</em>, de Sergio Leone.
 ©  United Artists
Clint Eastwood dans Le Bon, la Brute et le Truand, de Sergio Leone. © United Artists

  • Une brochette de gueules patibulaires

Lee Van Cleef et Eli Wallach dans Le Bon, la Brute et le Truand ; Tomas Milian dans Colorado, de Sergio Sollima ; Klaus Kinski dans Le Grand Silence ; Jack Palance dans Le Mercenaire, de Sergio Corbucci. À défaut : un sadique au visage angélique (Henry Fonda dans Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone)

Eli Wallach dans<em> Le Bon, la Brute et le Truand</em>, de Sergio Leone.


 ©  United Artists
Eli Wallach dans Le Bon, la Brute et le Truand, de Sergio Leone. © United Artists

  • Une pétroleuse magnifique

Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest ; Michèle Mercier dans Une corde, un Colt de Robert Hossein ; Nicoletta Machiavelli dans Navajo Joe, de Sergio Corbucci.

Claudia Cardinale dans <em>Il était une fois dans l’Ouest</em>, de Sergio Leone.
  ©  Carlotta Films
Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest, de Sergio Leone.   © Carlotta Films

  • Un décor de rue

Où aura lieu l'immanquable scène de duel. Disposer de part et d'autre un saloon, un clocher, un enclos à chevaux, deux-trois chariots bâchés ou non et recouvrir de poussière. L'action étant censée se dérouler, sauf exception (Le Grand Silence), à la frontière des États-Unis et du Mexique, le désert de Tabernas, en Espagne, aussi aride qu'une carcasse de coyote séchée par le soleil du Texas, a accueilli la plupart des tournages.

Un décor de western spaghetti à Tabernas, en Espagne.


 ©  DR
Un décor de western spaghetti à Tabernas, en Espagne. © DR

  • Un scénario complètement amoral en 3 V

Violence, vengeance, vénalité – saupoudré d'une bonne dose d'humour. Pas question de défendre la veuve et l'orphelin – les enfants s'y font soit rosser (dans la séquence d'ouverture de Pour une poignée de dollars), soit tuer (dans Il était une fois dans l'Ouest) – ni de voir triompher l'ordre et la loi. Dans le western spaghetti, même le shérif est véreux.

  • Un réalisateur prénommé Sergio

Dès 1964, Leone, Corbucci et Sollima vont dominer la production, et c'est un autre Sergio, Martino, qui refermera la marche, en 1977, avec Mannaja.

  • En guise de liant, une bande originale signée Ennio Morricone

Compositeur attitré de Sergio Leone, il prend, comme lui, le contrepied du western américain. Aux orchestrations symphoniques, il préfère le folklore traditionnel de l'Italie du Sud, qui donne son rythme lancinant aux plans. Leone disait de sa musique qu'elle était « l'âme de [s]es personnages ». Aussi incroyable que cela puisse paraître, le génial Ennio Morricone, disparu en 2022, n'aura connu qu'une reconnaissance tardive (oscar d'honneur en 2007 et oscar pour Les Huits Salopards, de Tarantino, en 2016).

Cuisson

Commencer par un montage coup de poing, façon scène d'ouverture du Bon, la Brute et le Truand : d'un plan large sur un paysage Sergio Leone passe sans transition à un gros plan sur la trogne d'Al Mulock dégoulinante de sueur (le zoom sur les yeux est un élément récurrent du western à l'italienne, dans lequel « les visages deviennent des paysages et les rides des personnages ressemblent à des canyons », poétise Jean-François Giré). Alterner prises de vues (travelling, contre-plongée) et cadrages hyperléchés (une botte, un éperon, la crosse d'un Colt, les poutres d'une potence…).

Incorporer des dialogues limités à des aphorismes : « Quand on tire, on raconte pas sa vie » (Tuco au chasseur de primes manchot dans Le Bon, la Brute et le Truand), « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses » (Blondin à Tuco à la fin du même film).­ Ajouter un titre saignant (« Dieu pardonne, moi pas ! », « Django, prépare ton cercueil ! », « Tuez-les tous… et revenez seul ! »), et servir encore fumant.

« Le Bon, la Brute et le Truand », de Sergio Leone, 1966 (Espagne-Allemagne-Italie), avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef, Eli Wallach… 2 h 50, ce soir à 21 h 10 sur France 3.

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Commentaires (2)

  • ultracrépidarien

    On se souvient avoir triché au cinéma car tout au début c’était interdit aux moins de 18 ans. On était fan, c’est évident. Mais quand on regarde maintenant, on avait oublié à quel point Sergio Leone, c’était lent, genre 10 minutes par gros plan fixe, avec la musique magnifique de? Morricone. C’est beau mais c’est lent, comme aurait pu dire Chirac.

  • P'tit-Loup

    Clint Eastwood, un des plus grands, on peut aimer ou pas, n'empêche que c'est un des plus grands acteurs, cinéaste, réalisateur du cinéma contemporain.