Judith Light : où est passée l’ex-héroïne de « Madame est servie » ?

QUE SONT-ILS DEVENUS ? L’actrice de 74 ans que l’on disait vouée aux oubliettes après l’arrêt de la série « Madame est servie » n’a jamais autant tourné sans jamais cracher dans le soap.

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Judith Light lors de la cérémonie des Critics Choice Association's Celebration of Cinema & Television le 4 décembre dernier.
Judith Light lors de la cérémonie des Critics Choice Association's Celebration of Cinema & Television le 4 décembre dernier. © John Salangsang/Shutterstock/SIPA / SIPA / John Salangsang//SIPA

Temps de lecture : 7 min

Angela Bower, la working-girl mère de famille tout en brushing qu'elle a incarnée pendant huit ans dans la série Madame est servie (Who's The Boss), a marqué une génération de téléspectateurs. D'abord grâce à Antenne 2 qui a diffusé les deux premières saisons de cette sitcom familiale dès 1987, mais surtout grâce à M6 qui a pris le relais, faisant trembler, juste après 20 heures, les audiences des sacro-saints JT de TF1 et France 2. Mais une fois cette sitcom ultra-populaire annulée en 1992, Judith a été jetée dans les oubliettes de cette ingrate de télé comme nombre de ses consœurs d'infortune – que sont devenues Joanna Kerns, Phylicia Rashad ou Anne Schedeen ? Pourtant, trente ans plus tard, Judith Light se paie le luxe d'être à nouveau bankable.

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À la mi-décembre, elle a été annoncée au casting de Before, une nouvelle série d'Apple TV +, un thriller psychologique dans lequel elle viendra hanter son mari incarné par Billy Cristal (Quand Harry rencontre Sally). En 2022, elle incarnait la mère de Courteney Cox dans Shining Vale, qui a connu deux saisons. Et figurait à l'affiche de la saison 2 de la série d'anthologie American Horror Stories (à ne pas confondre avec American Horror Story).

Son retour en grâce, Judy Light le doit entre autres à Joey Solloway, qui lui propose en 2015 de rejoindre l'équipe de la série Transparent (Prime Video), dans laquelle elle incarne l'ex-femme du héros, Morton devenu Maura, joué par Jeffrey Tambor. Un rôle inattendu à des milliers d'années-lumière d'Angela Bower, qui lui vaut alors des nominations aux Emmy Awards et aux Golden Globes.

Judith Light et Bette Midler dans <em>The Politician</em>.
 ©  Netflix
Judith Light et Bette Midler dans The Politician. © Netflix

Judith tape aussi dans l'œil du producteur Ryan Murphy, qui la recrute dans American Crime Story, The Assassination of Gianni Versace (Netflix). Puis dans la saison 2 de The Politician (encore Netflix), où elle incarne une sénatrice républicaine. Et la voici encore en 2020 dans les dix épisodes de Manhunt : The Deadly Games pour incarner la mère de Richard Jewell, accusé d'avoir placé une bombe pendant les JO d'Atlanta (un rôle tenu dans le film de Clint Eastwood par Kathy Bates). Incroyable mais vrai : Judith Light est à nouveau dans le coup… Une métamorphose finalement pas si étonnante pour une artiste un peu sous-estimée.

Angela Bower de Madame est servie, un modèle pour les femmes

« J'ai adoré faire Madame est servie, j'ai adoré le temps que j'ai passé avec cette équipe pendant huit ans. » Même si, aujourd'hui, l'actrice de 71 ans tourne avec des showrunners aussi prestigieux que Joey Solloway ou Ryan Murphy, ne comptez pas sur elle pour renier son passé. « À l'époque, on trouvait tous cette série très sympa, charmante même, avec de super histoires, mais on ne réalisait pas combien elle était puissante et importante. » Souvenez-vous : Madame est servie racontait les aventures de Tony Micelli, un ancien joueur de baseball professionnel (incarné par le gouailleur Tony Danza) qui, pour offrir une belle vie à sa petite Samantha (Alyssa Milano), décidait de prendre un poste d'homme à tout faire chez Angela Bower (Judith Light), la patronne d'une agence de pub divorcée et un brin coincée, vivant avec sa mère, la très libérée Mona (Katherine Helmond) et son fils Jonathan (Danny Pintauro).

Si l'on peut douter que Tony ait suscité des vocations chez les ados boutonneux de l'époque, qui aurait pu croire qu'un jour cette brave Angela, avec ses intonations suraiguës (le succès de la série doit sûrement aussi beaucoup à la voix de Monique Thierry qui doublait et double encore Judith Light en France), allait devenir un modèle pour des millions de jeunes femmes ? « C'est seulement au cours des dix dernières années que certaines d'entre elles sont venues me voir pour me dire combien ce show les avait influencées en leur montrant qu'elles avaient aussi le droit de mener de front une vie professionnelle et une vie familiale. C'était une série qui parlait de l'égalité dans le couple, de l'indépendance des femmes. C'était féministe, révolutionnaire ! », s'enthousiasme Judith Light.

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Près de trente ans après son arrêt, des producteurs à l'imagination – peu – débordante, en pleine vague du reboot et du remake, ont décidé de lui donner une suite (Samantha mère célibataire, toujours aussi proche de son papa, vit dans l'ancienne maison d'Angela). Judith Light aime beaucoup l'idée et aurait accepté d'y faire une apparition. Soap, sitcom, etc. Voilà tout le charme de Judith Light. Dans l'interview qu'elle a accordée aux équipes du festival CanneSéries qui en 2020 lui remettait une récompense pour l'ensemble de sa carrière, quand on l'entend revenir sur les grands moments de sa carrière, cherchant ses mots pour mieux analyser son parcours, remerciant plusieurs fois la journaliste pour la qualité de ses questions, on croit d'abord avoir affaire à une actrice un peu futile, surjouant, à l'américaine, la moindre de ses réponses. Mais si on l'écoute avec attention, on découvre une actrice qui s'est surtout posé beaucoup de questions – les bonnes visiblement –, non pas pour faire avancer sa carrière, mais pour trouver des rôles audacieux.

Après Madame est servie, un virage à 180°

« Aujourd'hui, je choisis mes personnages différemment, peut-être avec davantage de discernement, et j'essaie de ne pas être juste tributaire de ma peur. C'est quand j'ai commencé à laisser cette peur de côté que l'on m'a considérée différemment, et plus seulement comme la vedette de Madame est servie ou de One Life To Live.  » Car oui, on a oublié de vous le dire, Judith Light, la petite ado originaire du New Jersey qui répétait du Shakespeare dans sa chambre, a débuté dans un soap opera (diffusé brièvement en France dans les années 1980 sous le titre On ne vit qu'une fois). Le rôle de Karen Wolek, une femme névrosée en manque d'amour, lui a même valu un Emmy Award deux années de suite. Un comble pour cette ancienne étudiante en art dramatique qui ne jurait que par les planches et le cinéma. « À l'époque, j'étais très condescendante vis-à-vis des soaps, jusqu'à ce que je comprenne le travail que cela demandait de produire un épisode par jour. » Non, Judith ne crache pas dans le soap et en tire même une leçon : « À chaque fois que j'ai changé ma façon de penser, j'ai transformé ma vie. »

<em>Madame est servie</em>, saison 1, avec Tony Danza, ), Alyssa Milano et Judith Light.
 ©  BOB D'AMICO / ABC PHOTO ARCHIVES / ©1984 ABC PHOTO ARCHIVES
Madame est servie, saison 1, avec Tony Danza, ), Alyssa Milano et Judith Light. © BOB D'AMICO / ABC PHOTO ARCHIVES / ©1984 ABC PHOTO ARCHIVES

Lorsqu'en 1992 Madame est servie prend fin, la route s'annonce chaotique. Pour elle et pour toutes les autres stars du show (à l'exception d'Alyssa Milano qui enchaînera avec Melrose Place et Charmed). Judith a 43 ans. Et Hollywood n'est pas tendre avec les quadragénaires. Alors la comédienne choisit la facilité, quitte à s'enfermer dans des resucées du rôle qui l'a rendue célèbre. D'abord avec la série Phenom (brillamment traduite en France par Madame et sa fille), stoppée au bout d'une saison. Puis une autre, six ans plus tard, qui passe à la trappe après quelques semaines.

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Et si sa carrière était finie ? Virage à 360 degrés : Judith accepte en 1999 de monter sur les planches dans une pièce difficile, Wit. Elle y incarne une professeure en phase terminale d'un cancer des ovaires : « Je devais me montrer nue, me raser la tête. » Son agent essaie de l'en dissuader. Elle n'a rien à perdre et se lance. Bien inspirée, car c'est au théâtre que Judith Light renaît. Elle peut se targuer d'avoir reçu un Tony Award deux années consécutives : en 2012 pour Other Desert Cities et en 2013 pour The Assembled Parties.

Judith Light pour la cause LGBTQ +

En parallèle, Judith fait le grand écart avec la télé, qui continue de lui offrir des (seconds) rôles sûrement moins exigeants dans des séries populaires (de Ugly Betty à la suite peu glorieuse de Dallas…). Judith ne fait pas la fine bouche : « J'ai besoin de comprendre chacun des personnages que je joue. […] Chaque femme que j'ai interprétée me fascine », jurait-elle l'an dernier dans une interview accordée au Guardian. Et de reconnaître que ses prestations au théâtre ont nourri ses personnages de télé, où elle dispose de moins de temps pour se préparer.

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Aujourd'hui, Judith Light s'est lancée dans la production. Elle continue de consacrer du temps à la défense des droits LGBTQ + et à la lutte contre le sida, un combat qui la porte depuis qu'elle a vu disparaître tant d'amis dans le milieu théâtral dans les années 1980. Un investissement récompensé aux Tony Awards par le prix Isabelle Stevenson en 2019. Ultime consécration : en 2019, elle recevait son étoile sur le Walk Of Fame.

Cette renaissance, Judith l'explique aussi en partie par la mutation que vit Hollywood, dont le regard sur les femmes de plus de 40 ans est en train de changer : « On les imagine dans d'autres rôles que ceux de la mamie gâteau, la belle-sœur excentrique ou la garce de patronne… Tout ça, c'est fini ! », a-t-elle expliqué au Guardian. Elle se réjouit aussi de voir la solidarité féminine prendre de l'ampleur dans un monde où les actrices se considéraient surtout comme des rivales il y a encore quelques années.

Mais pas question de prendre pour autant la grosse tête, elle qui aime à répéter qu'elle exerce avant tout un métier de service. Et de susurrer dans son (très, très) chaleureux message de remerciements, diffusé lors de la cérémonie d'ouverture de CanneSéries : « Être une raconteuse d'histoires est un cadeau. Le pouvoir des histoires nous permet d'être tous connectés […] et nous rappelle que nous sommes une seule et belle humanité. » Vous reprendrez bien un Tony, Judith ?

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Commentaire (1)

  • guy bernard

    Jean Yanne, avant sa mort prématurée, disait déjà que les génériques de ses films étaient des faire-part de deuil.
    Quant à Truffaut, dont la mort était prochaine, il avait fait de toutes les images volées dans les cinémas une "chambre verte" où ces personnages vivaient au delà de la mort.
    Enfin, Sainte Colombe, joué par le génial Marielle dans "Tous les matins du Monde" a une "émotion" en pensant à son épouse décédée.
    "Vous ici, madame, malgré la mort... "
    Cette personne est toujours là, malgré l'évolution de sa vie.