Temps de lecture : 4 min
-
Ajouter à mes favoris
L'article a été ajouté à vos favoris
- Google News
Lecture audio réservée aux abonnés
Le 8 décembre 1980, la nouvelle endeuille le monde entier : planté devant l'imposant immeuble Dakota, dans Central Park à New York, un fan vient d'abattre de sang-froid John Lennon de cinq coups de revolver. Stupeur et consternation. L'assassin, Mark David Chapman, n'a rien à reprocher à l'ex-Beatles, sinon sa célébrité qu'il envie au point de l'assassiner sans autre mobile apparent.
La mort brutale de l'icône de la paix, auteur avec le Plastic Ono Band de l'hymne mondial Give Peace a Chance, fait l'effet d'un électrochoc. Comment expliquer l'inexplicable, le geste gratuit et irrationnel d'un homme ordinaire qui porte sur lui un revolver et un exemplaire de L'Attrape-cœurs de Salinger ? Il n'a pas le profil habituel du tueur et déstabilise la police, la justice et la presse. Ce que montre parfaitement la série documentaire en trois parties de Nick Holt et Rob Coldstream, John Lennon : un homicide sans procès, disponible ce mercredi sur Apple TV+.
Kiefer Sutherland prête sa voix au récit de ce fait divers pas comme les autres, au fil duquel apparaissent des témoins de l'époque : le concierge et le portier du Dakota qui racontent avoir remarqué un homme au comportement bizarre posté ce jour-là devant l'immeuble, l'arrivée à 22 h 48 de la limousine de John et Yoko rentrant d'une session d'enregistrement, les cinq coups de feu tirés dans le dos de l'ex-Beatles et son corps ensanglanté agonisant sur le sol.
Un chauffeur de taxi a assisté à la scène depuis son véhicule, imaginant le tournage d'un film avant de s'apercevoir qu'il n'y avait ni projecteurs ni caméras. Il voit un homme avec un revolver dans la main, « calme comme un concombre », cueilli par un officier de police qui lui passe les menottes sans résistance. Ce dernier, Peter Cullen, n'a jamais vu un prévenu pareil : dans la voiture qui l'emmène au poste de police, il s'excuse en lui déclarant : « Désolé, je crois que j'ai ruiné votre nuit. »
Pendant ce temps, John Lennon est transporté au Roosevelt Hospital, pris en charge immédiatement par une équipe de réanimation. Deux infirmières se souviennent aujourd'hui d'un blessé grave qu'elles finissent par reconnaître et que les médecins ne parviennent pas à ranimer. La nouvelle de sa mort se répand comme un raz-de-marée avec les mêmes images de foules en pleurs, notamment à Liverpool, la ville de naissance des quatre Beatles.
Aussitôt, un détective, Ron Hoffman, est chargé de faire la lumière sur cet assassin atypique qui n'a pas cherché à fuir après son forfait. La pression est forte sur lui. L'opinion publique n'éprouve aucune compassion pour cet assassin venu de nulle part, mythomane notoire qui, la veille de son acte, a confié à un chauffeur de taxi, venu témoigner à la police, être le producteur des Rolling Stones, avant d'ajouter : « Mon nom est Mark David Chapman. Vous vous souviendrez de moi. »
Fin de la première partie. La seconde s'ouvre sur l'enquête elle-même et les faits qui n'ont jamais été rendus publics. Experts, médecins, policiers se posent la même question : David Chapman est-il fou ou responsable de son acte ? Doit-il être jugé et condamné à la prison ou placé dans un centre psychiatrique ? Le procureur penche pour la responsabilité de Chapman, son avocat, non. De son côté, la psychiatre Naomi Goldstein témoigne aujourd'hui que le coupable est insaisissable et qu'il faut reconstituer le puzzle d'une personnalité complexe.
Une voix m’a dit : fais-le, fais-le.Mark Chapman
Très vite, la presse évoque un complot contre John Lennon et Yoko Ono, écoutés jour et nuit par les services secrets pour leur opposition très médiatisée contre la guerre au Vietnam. On fait le parallèle entre cet assassinat et la tentative d'assassinat contre Richard Nixon perpétrée le 30 mars 1981, par un certain John Warmok Hinckley, déclaré fou et qui, lui aussi, avait avec lui un exemplaire de L'Attrape-cœurs. Chapman et Hinckley étaient-ils sous hypnose au moment des faits, selon une expérience développée en secret par la C.I.A. ? Ont-ils été manipulés ? Questions sans réponses.
Comme il se doit, en troisième partie, les auteurs de la série multiplient les pistes pour disséquer la personnalité d'un schizophrène qui ne supporte pas sa condition d'anonyme par rapport à son idole, John Lennon, qu'il supprime. « Ce n'était pas moi, plaide-t-il. Une voix m'a dit : fais-le, fais-le. Et je l'ai fait. »
Âgé aujourd'hui de 68 ans, Mark Chapman, qui, en 1981, a plaidé coupable lors de son bref procès, au grand dam de son avocat, s'est vu refuser plusieurs remises en liberté. Devenu chrétien de nouvelle naissance (born again, NDLR), il continue de purger sa peine à perpétuité au centre correctionnel de Green Haven, à New York.
Devenu tristement célèbre, il est retombé dans l'anonymat, brisant en quelques secondes le rêve de John Lennon qui, dans sa dernière interview, déclarait : « Un artiste exprime ce que nous ressentons tous. Je considère que mon travail ne sera fini qu'à ma mort, j'espère dans très, très longtemps. »
John Hinckley a tiré sur Reagan en 81, Nixon était un peu en retrait de la vie politique comme on dit ; )