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En 2020, son Tenet échouait dans sa mission autoproclamée de sauveur du cinéma en pleine pandémie de Covid-19. En 2023, Christopher Nolan tient sa revanche : encensé par la critique, Oppenheimer a littéralement irradié le box-office mondial avec près d'un milliard de dollars de recettes. Et depuis cette nuit, le voilà auréolé de cinq récompenses aux Golden Globes 2024 : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur masculin (Cillian Murphy), meilleur second rôle masculin (Robert Downey Jr.) et enfin meilleure bande originale (Ludwig Göransson).
Biopic de 3 heures sur le père de la bombe atomique, Oppenheimer est une nouvelle déflagration dans la carrière de Nolan. Fervent partisan de cette saisissante fresque historique dès sa sortie, Le Point concluait sa critique par un « Rendez-vous aux Oscars » et, de fait, les cinq victoires du film aux Golden Globes (sur huit nominations au total) pourraient bien préfigurer une nouvelle razzia, dans la nuit du 10 au 11 mars prochain, à la 96e cérémonie de la plus prestigieuse des distinctions du 7e art américain. Nolan et son épouse productrice Emma Thomas, à travers leur société Syncopy Inc., peuvent pousser un gros ouf de soulagement, tant ce 12e long-métrage du cinéaste le tire d'un guêpier dans lequel Tenet l'avait piégé.
Le doute de Christopher Nolan après Tenet
Produit et réalisé alors que Christopher Nolan était toujours sous contrat avec le studio Warner, Tenet avait été présenté aux foules, en amont de sa sortie à l'été 2020, comme le long-métrage qui allait faire revenir massivement le public dans des salles timidement rouvertes aux États-Unis et dans le monde après plusieurs mois de fermeture pour cause de pandémie de Covid-19. Repoussée à trois reprises, dans un contexte cataclysmique pour les multiplexes désertés, la sortie de Tenet intervint le 26 août dans la plupart des cinémas du monde – le 3 septembre aux États-Unis.
Spectaculaire mais complexe à l'extrême et divisant la critique, le thriller temporel de Nolan désarçonna les spectateurs et pâtit de conditions d'exploitation contraignantes (seulement 65 % de salles rouvertes aux États-Unis avec des jauges fixées entre 25 % et 40 %). Résultat : un box-office mondial plutôt décevant de 365 millions de dollars, vaillant au vu des circonstances mais insuffisant au regard de son budget de plus de 200 millions.
En proie au – relatif – doute pour la première fois de sa carrière depuis plus de vingt ans, le réalisateur de The Dark Knight, Interstellar et Dunkerque n'était pas au bout de ses peines. En décembre 2020, il entrait dans une fureur nucléaire contre Warner Bros., son partenaire depuis Insomnia, après la décision du studio de distribuer sur sa plateforme de streaming HBO Max, le même jour que leur sortie en salle, tous ses longs-métrages de cinéma prévus en 2021.
« Certains des plus grands réalisateurs de l'industrie […] sont allés se coucher la nuit d'avant en pensant qu'ils travaillaient pour le plus incroyable studio de films et se sont réveillés en découvrant qu'ils travaillaient pour le pire des services de streaming », déclarait le cinéaste dans un communiqué publié le 7 décembre sur le site du Hollywood Reporter, ajoutant que cette décision n'avait « aucun sens économique ».
Divorce avec Warner Bros. en 2021
Le même jour, dans un entretien accordé à Entertainment Tonight, Nolan sortait de nouveau la sulfateuse, stigmatisant « la manière dont ils [Warner Bros., NDLR] ont fait ça. S'il y a une telle controverse à ce sujet, c'est parce qu'ils n'en ont parlé à personne. En 2021, ils ont avec eux certains des meilleurs cinéastes au monde, ils ont certaines des plus grandes stars du monde qui ont travaillé pendant des années, dans certains cas, sur ces projets qu'ils portent dans leur cœur, qui sont censés être des expériences pour le grand écran. Ces films sont censés être proposés au plus grand public possible… et maintenant, ils sont utilisés pour un nouveau service de streaming, sans aucune consultation ».
En septembre 2021, Christopher Nolan lâchait officiellement Warner Bros. pour Universal Pictures, le studio de son choix pour héberger la distribution de son futur Oppenheimer. Adapté du livre Robert Oppenheimer : triomphe et tragédie d'un génie de Kai Bird et Martin J. Sherwin*, ce récit austère de 3 heures à la construction singulière, tourné à la fois en noir et blanc et en couleur, était a priori loin de réunir tous les atomes requis pour un big bang au box-office. Sorti le 21 juillet dernier en concurrence frontale avec le rose bonbon Barbie de Greta Gerwig (blockbuster dégainé par… Warner Bros., tel un contre-missile), Oppenheimer a pourtant réussi à faire boum là où Tenet fit plouf. Et Nolan de récupérer sa couronne (partagée avec James Cameron) d'auteur-réalisateur abonné aux vivats du public.
Les Oscars en ligne de mire
Mais surtout, les cinq récompenses de son blockbuster aux Golden Globes – et spécialement celle du meilleur film et du meilleur réalisateur – sont une première dans la carrière de Christopher Nolan, metteur en scène souvent nommé, jamais sacré dans les cérémonies majeures. La déconvenue Tenet paraît désormais bien loin et, si les Oscars venaient à confirmer cette première rafle de trophées, Nolan pourrait se retrouver, toutes proportions gardées, dans la même position qui fut celle de James Cameron après Titanic. La liste des nominations aux Oscars est attendue pour le 23 janvier.
Toujours est-il que les relations entre Warner et son ex-champion seraient elles-mêmes en voie d'apaisement. Dans une interview accordée à Varietyle 8 novembre dernier, Chris Nolan n'excluait pas un retour dans le giron du studio de Burbank, résumant le clash de 2020 à de « l'eau qui a coulé sous les ponts » et couvrant d'éloges l'actuelle direction. Fin des hostilités, tout est donc pardonné ?
* Traduit en France au Cherche Midi par la journaliste du Point Peggy Sastre.
Ne serait ce que pour l'acteur Cillian Murphy...