« Foundation » : que vaut l’adaptation télé du monument de la SF ?

L’épopée du maître de la science-fiction Isaac Asimov atterrit ce soir sur Canal+ (après un passage par Apple TV+), supervisée par un spécialiste des super-héros.

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L'univers foisonnant de Fondation, classique de la SF disponible en série télé sur Apple TV+, débarque ce soir sur Canal+ en prime time.
L'univers foisonnant de Fondation, classique de la SF disponible en série télé sur Apple TV+, débarque ce soir sur Canal+ en prime time. © Apple TV+

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La télévision événementielle n'a pas dit son dernier mot. Alors que le final de Game of Thrones est un souvenir encore plus lointain que le métro sans masques, les spectateurs boulimiques sont toujours à la recherche d'une saga épique à se mettre sous la dent. Après avoir vu Dune, d'après Frank Herbert, remplir les salles françaises, un autre grand classique de la SF pure et dure s'offre au public sur le petit écran, sur Canal+. Au programme : quatre-vingts épisodes, couvrant plus de mille ans d'aventures intergalactiques… Voilà l'envergure de l'ambitieux projet Foundation, par David S. Goyer, un scénariste et réalisateur connu pour son travail sur des franchises hollywoodiennes à gros budget telles que les trilogies Blade et The Dark Knight, ou Terminator : Dark Fate.

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Point de super-héros dans sa nouvelle série, même si une volonté d'acier a dû être nécessaire pour convaincre Apple TV+, premier diffuseur du projet, de le soutenir dans cette adaptation d'un vertigineux monument de la littérature de science-fiction : le cycle Foundation d'Isaac Asimov. À l'origine publié comme trilogie de romans dans les années 1940-1950, ce corpus fondateur du genre futuriste (il a aussi bien influencé Star Wars que Dune) a continué de s'étoffer jusqu'à (et après !) la mort de l'auteur américano-russe en 1992. S'il a fallu cinquante ans pour écrire l'ensemble de l'épopée, imaginez le casse-tête pour retranscrire à l'écran le destin de l'Empire galactique. Beaucoup s'y sont essayés et ont échoué… jusqu'à aujourd'hui.

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La sortie des dix premiers épisodes de Foundation ce vendredi (au rythme de deux d'un coup, puis d'un par semaine) est donc un temps fort de la grille des programmes d'Apple TV+ dont la cote ne cesse de grimper depuis son lancement en 2019 (et son récent carton aux Emmy Awards grâce à la comédie Ted Lasso). Mais le pari est risqué, d'autant plus que la plateforme ne dispose ni des centaines de millions d'abonnés fidèles au précurseur Netflix, ni de la popularité attachée aux propriétés intellectuelles qui abreuvent le catalogue Disney+ (à venir dans l'univers Marvel : Hawkeye, Ms. Marvel, She-Hulk…), ni de la caisse sans fond d'Amazon Prime, qui a investi une somme record pour acquérir les droits et filmer Les anneaux de pouvoir, la série dérivée du Seigneur des anneaux. Apple TV+ ne proposant pratiquement que des contenus originaux, il leur reste l'audace et le goût du travail bien fait, comme en témoignent leurs productions phares, toujours chaudement reçues par la critique : The Morning Show, For All Mankind, Servant… Visiblement, le concurrent qu'ils souhaitent émuler est donc HBO, mais Foundation sera-t-elle à la hauteur de cette stratégie de colonisation d'un public friand de récits héroïques ? On a une petite idée de la réponse…

Série du futur, résonance avec le présent

Premier point fort pour une série qui se déroule à des années-lumière de notre actualité : elle s'inscrit, paradoxalement, dans l'air du temps. Catastrophes climatiques, globalisation, terrorisme, racisme, clonage (l'une des libertés prises par David S. Goyer avec le texte source)…, hormis les vaisseaux spatiaux high-tech et les conversations téléphoniques via hologrammes, on se croirait presque en 2021. Au centre de la narration, qui fait des bonds de géant du passé vers le présent et de planète en planète, le Pr Hari Seldon (Jared Harris) est autant un oiseau de mauvais augure que le porteur de la dernière lueur d'espoir pour l'humanité. En sa qualité de « psychohistorien » capable de prédire l'avenir, il aperçoit en effet l'effondrement inéluctable de l'Empire et comment limiter les dégâts, mais déclenche au passage la rage du triumvirat autoritaire qui le dirige : Brother Day (Lee Pace, vu dans la trilogie Le Hobbit et Les Gardiens de la galaxie), Brother Dusk (Terrence Mann) et Brother Dawn (Cassian Bilton). Il s'agit en réalité du même empereur à trois âges différents de la vie, ainsi cloné à l'infini pour assurer la continuité du pouvoir colonisateur. Face au péril imminent, Hari Seldon convainc un groupe d'exilés de fuir vers la planète la plus éloignée de la galaxie, Terminus, afin de fonder une civilisation nouvelle.

Jared Harris dans <em>Fondation</em>
 ©  Apple TV+
Jared Harris dans Fondation © Apple TV+

Heureusement, Hari Seldon n'est pas seul dans sa quête survivaliste. Il est entouré de disciples qui ont une confiance presque aveugle dans ses prédictions. Dans les rôles de Gaal Dornick (la protégée de Seldon), Raych Seldon (son fils adoptif) et Salvor Hardin (la gardienne de Terminus), les visages de Lou Llobell, Alfred Enoch (qui a bien grandi depuis son rôle dans Harry Potter) et Leah Harvey ne vous diront sans doute rien, en revanche leur talent vous sautera aux yeux. C'est la seconde grande qualité de Foundation : un casting innovant qui fait la part belle à la jeune génération et mise sur la diversité, tout en inversant le sexe de plusieurs rôles clés. La cible visée s'étend donc bien au-delà du cercle, déjà large, des fans ardents d'Isaac Asimov.

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Dès le pilote, le spectateur est happé par des décors à couper le souffle (le tournage s'est déroulé en Irlande, à Malte et dans les paysages volcaniques des îles Canaries), et par une mise en scène qui fait corps avec ces personnages obstinés dans leur refus de s'abandonner au désespoir, que ce soit grâce à la mobilisation de leur intellect ou à celle de leur armée. Les effets spéciaux ne sont jamais aliénants : le showrunner familier des procédés d'incrustation sur fond vert a souhaité se concentrer sur les relations entre ses protagonistes (même lorsqu'ils sont séparés par un vaste fossé spatio-temporel), afin de ne pas égarer le public dans les méandres d'un space opera trop aride.

Les livres d’Asimov me rappellent la dialectique platonicienne.Jared Harris

<em>Fondation</em>
 ©  Apple TV+
Fondation © Apple TV+

Visage bien connu des fans de télé (il a tenu des rôles inoubliables dans Mad Men, The Crown, Chernobyl, ou ecore The Expanse), Jared Haris a bien fait ses devoirs pour se préparer au rôle de Hari Seldon, comme il l'explique au Point Pop : « Je me suis plongé dans la biographie de grands hommes. Des scientifiques, des femmes aussi, qui ont révolutionné l'histoire grâce à leurs théories et découvertes. J'étais curieux d'en savoir plus sur leur personnalité. Je me suis rendu compte que leur point commun était un amour-propre disproportionné. Mais ces génies conscients qu'ils sont dotés d'une intelligence hors norme souffrent aussi d'isolement, car ils ont du mal à se connecter aux autres. » Notre interlocuteur n'a visiblement pas eu trop de mal à se connecter à l'univers de Foundation : « J'ai étudié la philosophie grecque à l'université et les livres d'Asimov me rappellent la dialectique platonicienne. À la base, ils ne sont pas vraiment dramatiques, avec des conversations qui s'étendent parfois sur vingt ou trente pages. […] À la lecture du scénario de David Goyer, j'ai été très impressionné par la façon dont il a surmonté ce défi. »

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Sa technique ? Le créateur l'a résumée en une phrase au moment de pitcher la série aux investisseurs : « Foundation, c'est une partie d'échecs entre Hari Seldon et l'Empire qui dure mille ans. Tous les autres personnages sont des pions, mais certains d'entre eux deviendront rois ou reines au cours de la saga. »

Malgré notre émerveillement devant les moyens déployés ainsi que la mise en scène de Foundation, on se permettra cependant une petite réserve : en dépit d'une indéniable fidélité à l'œuvre source (David S. Goyer a embauché à ce titre Robyn Asimov, fille de l'auteur, en tant que productrice déléguée), le résultat peine à transcender sa propre métaphore et à faire de ces « pions » évoqués par Goyer des êtres humains avec assez de chair pour susciter l'attachement. Malgré l'engagement des acteurs, qui ont travaillé de manière fusionnelle dans une bulle anti-Covid très stricte pendant plusieurs mois – une expérience qui fait écho au sort des exilés de l'histoire – l'émotion ne parvient pas totalement à remonter à la surface, du moins sur l'ensemble des épisodes que nous avons pu visionner. Le futur de Foundation-la série sera peut-être plus clément pour les sentiments, mais en attendant l'émoi, profitons du spectacle.

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Commentaires (13)

  • Café Noir du Sud

    J’avais tellement aimé le cycle de fondation (avec des hauts et des bas), que je le suis enthousiasmé quand j’ai vu le titre de l’article. Et puis j’ai lu les commentaires. Ce sera sans moi.
    Ces livres ont été écrits à une époque très puritaine, ou l’homosexualité était condamnée, alors les théories wokiste actuelles devraient respecter l’œuvre et l’époque où ils ont été écrits.

  • MobyDick

    Cette série est une trahison de l'esprit d'Issac Asimov.

    Ces inversions de sexe et autres abrutissements wokistes sont bien le signal de dégénérescence d'une certaine partie de notre époque.

    Si vous avez lu l'orignal, à fuir.

    C'est ce que j'ai fait après avoir vu un épisode.

  • Julot

    La série n'est pas sans intérêt. Mais c'est une véritable escroquerie d'avoir appelé cela Fondation tant cette "production" (on ne peut même pas appeler cela une adaptation) est éloignée de l’œuvre originale de Asimov. Et en outre, comme le fait remarquer carvalat2, dégoulinant de wokisme.