Festival des jeux de société : rencontre avec un créateur de jeux surdoué

C'est reparti : du 23 au 25 février, le petit monde toujours plus vaste des jeux de société va de nouveau converger vers la Croisette pour sa grande fête annuelle : le 37^e Festival international des jeux de Cannes, ou FIJ pour les habitués. Rendez-vous planétaire des ludistes autant que des pourvoyeurs de leur passion – les auteurs de jeux de table –, le FIJ a connu ces dernières années une spectaculaire croissance à la mesure du regain d'engouement du public pour ce loisir à partager en famille ou entre amis. Porté par le confinement, le chiffre d'affaires du jeu de société en France a atteint 568 millions d'euros en 2022, pour 33 millions de boîtes vendues (source : FIJ 2023) : une consommation portée en premier lieu par les Français, plus gros acheteurs en Europe devant l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Un marché dynamique, donc, et, sur place, une arène bourdonnante dans le vaste palais des festivals, où tous les influenceurs du secteur se retrouvent pour tourner leurs vidéos ou directs sur Twitch. C'est le cas de Théo Rivière, 32 ans, lecteur de mangas, amateur de jeux de rôle et, depuis dix ans, créateur de concepts ludiques à plein temps. En 2018, avec ses collègues et amis Antoine Bauza, Corentin Lebrat et Ludovic Maublanc, il crée Kaedama, une société qui propose ses services aux entreprises pour les accompagner dans la conception de projets de jeux : « Des sociétés et marques nous contactent quand elles ont besoin d'un concept spécifique, que ce soit pour mettre sur le marché ou même pour des projets internes. »

Présence impérative sur Instagram, X et Twitch

Pour le compte de l'éditeur Kotoon, Kaedama s'est, par exemple, penchée sur la récente création d'un jeu de rôle pour accompagner la sortie du webtoon Mon vœu le plus sincère, disponible gratuitement en ligne. L'équipe de Théo Rivière, qui fournit généralement à sa clientèle un canevas global, a également conçu plusieurs jeux de société pour les licences Naruto, Spectre ou encore Dead Cells, adapté du jeu vidéo éponyme.

Les auteurs de jeux de société sont plutôt discrets sur les réseaux sociaux, souvent parce que cela demande certaines compétences spécifiques (savoir prendre de belles photos, monter des vidéos, utiliser les codes textuels de chaque réseau social) et énormément de temps. Mais Théo a fait le choix de s'y impliquer sous son pseudonyme, Théo Sacha, sur Instagram, sur X et aussi en live sur Twitch et en podcast avec 63-88, axé sur les coulisses de la création des jeux de société. Une présence sur la Toile reste cruciale à ses yeux : « Surtout parce que ça m'apporte de la visibilité mais aussi parce que ça me fait plaisir de le faire. Ce n'est pas forcément nécessaire en tant que créateur de jeux, mais, pour moi, ça comporte une dimension de partage et d'accompagnement. »

Le jeu de société s’est déringardisé mais aussi “désnobisé”.Théo Rivière

La dimension de la transmission motive une grande partie de son engagement : « Si on a envie que de nouveaux auteurs et de nouvelles autrices émergent, il faut qu'on leur montre un peu comment ça se passe. Mes podcasts et lives Twitch vont un peu dans ce sens-là, c'est comme de petits tutoriels, des explications sur l'envers du décor. Les auteurs et autrices sont parfois un peu oubliés dans la communication globale autour du jeu de société et, par ma visibilité, je milite pour que les auteurs soit davantage cités, il faut que cela devienne une sorte de plus-value pour les jeux. »

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La tendance à la (relative) baisse du marché pour 2023 – même si les chiffres officiels n'ont pas encore été dévoilés – n'inquiète pas outre mesure Théo Rivière, qui reconnaît cependant avoir « constaté une baisse sur [s]es droits d'auteur pour le second semestre 2023 ». « Mais les chiffres restent toujours supérieurs à l'avant-Covid. La période du confinement a correspondu à une explosion des ventes et le secteur a gagné de telles parts de marché, tant de nouveaux joueurs, que le solde reste toujours positif. Je crois surtout que le jeu de société s'est déringardisé. On le voit avec de gros succès populaires comme Skyjo [plus de 2 millions d'exemplaires vendus, la moitié rien qu'en 2023, NDLR]. D'autant qu'aujourd'hui on trouve une gamme étendue de jeux même en supermarché, là où auparavant on devait aller dans des boutiques spécialisées. Aujourd'hui, les gammes sont plus diversifiées et les jeux, beaucoup plus accessibles. »

Des jeux attendus, de Captain Flip à Wonderland's War

Au FIJ de Cannes, du 23 au 25 février, Théo croisera toute la communauté des joueuses et joueurs de jeux de plateau, de cartes, de rôle et de tout l'univers ludique. Désormais lui-même éditeur après avoir cofondé Spiral Editions, qui a vendu l'an dernier à plus de 100 000 exemplaires son premier titre, District noir, il réalise doublement l'importance de ne pas rater le rendez-vous cannois, qui permet de prendre le pouls du milieu, cerner les goûts des joueurs, pitcher de nouvelles idées aux éditeurs ou assurer un suivi des projets. Un signe qui ne trompe pas, selon lui, sur la vitalité du marché : « Il y a désormais beaucoup plus d'auteurs de jeux qu'il y a 10 ans, quand j'ai commencé. »

Parmi les jeux à surveiller de près en 2024, selon notre expert : le nouveau jeu de Paolo Mori et Remo Conzadori chez PlayPunk, Captain Flip, présenté en avant-première au festival. « Sinon, il y a aussi Daydream chez Disto Studio et Now ! chez Scorpion masqué. » Nous irons, quant à nous, faire le tour complet du salon avec en priorité le test de Courtisans en avant-première chez Catch Up Games, Wonderland's War chez Lucky Duck Games, et l'on espère avoir des nouvelles de Monkey Palace, la collaboration entre Lego et Asmodee prévue pour la fin de l'année.

À l'image de celui de Vichy (en septembre) ou encore de Paris est ludique (fin juin), Le festival des jeux de société de Cannes est devenu un rassemblement incontournable dans l'Hexagone et, à moins de trois semaines du lancement de sa 37^e édition, tous les acteurs ludiques sont dans les starting-blocks. Rendez-vous le 26 février sur Le Point Pop pour notre bilan postfestival !