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Le monde change, ses dangers aussi, et les fictions télé ne peuvent pas se permettre de rester à l'écart des nouvelles formes de désinformation qui saturent les actualités. Campagnes d'influence, rôle écrasant des réseaux sociaux, montée en puissance des croyances face à la science : le monde est bel et bien entré dans l'ère de la post-vérité (que l'on n'espère pas triomphante), et il est naturel pour les fictions d'en prendre acte. En France, certes, c'est encore le « silence télé » : à l'exception d'un personnage de youtubeur populiste dans la troisième saison de Baron noir, qui touche au sujet sans vraiment l'approfondir, aucune série n'a pour l'instant pris la mesure de ces problématiques inédites.
De l'autre côté de la Manche, c'est tout le contraire : depuis 2019, sans doute quelque peu traumatisés par la débâcle du Brexit, au vote notoirement influencé par une campagne de désinformation sans précédent en Europe, nos voisins britanniques attaquent frontalement ces questions d'influence, à travers des récits d'espionnage (The Undeclared War, The Capture), d'anticipation (Years and Years) ou même à vocation documentaire (Brexit).
Et les États-Unis ? Étrangement, ceux-ci sont pour l'instant restés beaucoup plus évasifs. L'âge des grandes séries d'espionnage paranoïaques à la Homeland et des satires au vitriol de la vie politique à la Veep ou House of Cards semble révolu depuis l'élection de Donald Trump, en 2018, la réalité ayant bien souvent dépassé la fiction. Pourtant, les séries américaines paraissent, pour l'instant, réticentes à traiter le sujet de la post-vérité sociale et politique. Y aura-t-il un jour une série remarquable sur le trumpisme, les QAnon ou les dérives antivax liées à l'épidémie de Covid ? Sans doute… En attendant, c'est l'heure de quelques idées de visionnage garanties sans fake news…
L'âge moderne de l'espionnage : The Undeclared War
La fabrique de « vérités alternatives » a depuis toujours nourri les fictions d'espionnage, et parfois même les fictions politiques (normalement, le film Des hommes d'influence de Barry Levinson, avec Dustin Hoffman et Robert De Niro, devrait immédiatement vous venir à l'esprit. Sinon, courez le voir !). Dans sa version moderne, la guerre de l'information prend le plus souvent la forme d'une guerre technologique : une cyberguerre. Ainsi dans la minisérie The Undeclared War, où un groupe d'analystes britanniques tente d'empêcher une cyberattaque d'origine russe visant à influencer les résultats d'une élection. Un enjeu on ne peut plus réaliste, donc, pour une intrigue destinée aux amateurs de parties d'échecs complexes et de billard à trois bandes.
The Undeclared War est disponible en streaming sur MyCanal ou à l'achat sur Apple TV+.
Une dystopie beaucoup trop réaliste : Years and Years
Le saviez-vous ? Le meilleur épisode de Black Mirror n'est pas un épisode de Black Mirror, mais une minisérie de Russell T. Davies : Years and Years. Quelque part entre anticipation, hélas légère, et dystopie beaucoup trop proche de la réalité, cette minisérie plonge la Grande-Bretagne des prochaines décennies dans un enfer technologique, mais surtout populiste, avec lequel les membres d'une famille comme les autres tentent chacun à sa manière de composer. Bonne nouvelle : malgré des épisodes d'une grande dureté, et malheureusement d'une grande vraisemblance, Years and Years parvient à s'achever sur une touche d'espoir un peu naïve, mais tellement bienvenue.
Years and Years est disponible en streaming sur MyCanal ou à l'achat sur Apple TV+.
La réalité derrière les mensonges : Brexit, The Uncivil War
C'est désormais aussi clair que documenté : la campagne « Vote Leave » qui a conduit en 2016 à la victoire du oui au référendum portant sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne a recouru à des manipulations de l'opinion publique inédites en diffusant fake news, simplifications et discours de propagande via Internet et les réseaux sociaux comme jamais auparavant. Ce passionnant, mais déprimant, téléfilm de 2019 suit Dominic Cummings (interprété par un excellent Benedict Cumberbatch), le directeur de la campagne, dans son entreprise profondément malhonnête intellectuellement… mais couronnée de succès. De la propagande à l'âge de l'information :
Brexit, The Uncivil War est encore visible sur la VOD de Canal+.
Mensonge et vérité, ce n'est pas que dans la tête : Mr Robot
Sans doute l'une des séries les plus excitantes de la dernière décennie, Mr Robot fait le pont entre thriller technologique et thriller psychologique, sur fond de conspirations, de mégacorporations, de hacking virtuose, mais aussi de paranoïa et de dissociations de la personnalité… L'enjeu de la série est tout autant la découverte de la vérité objective (complot ou pas complot ?) que le décryptage de la psyché torturée et tortueuse d'Elliot Alderson (Rami Malek, inoubliable), informaticien surdoué qui se rêve en cyberjusticier. Un brûlot anticapitaliste ? Un peu. Une relecture mise à jour de Fight Club ? Aussi. Un voyage captivant entre illusions et réalité ? Peut-être encore davantage.
Mr Robot est disponible en streaming sur Prime Video et à l'achat sur Apple TV+.
La course aux fake news : Rabbit Hole
De la post-vérité comme pur divertissement : dans Rabbit Hole, Kiefer Sutherland est un spécialiste de la manipulation (des foules, des images, des infos) qui se retrouve pris à son propre jeu par plus puissant et manipulateur que lui. Dans la plus pure tradition de 24 Heures chrono, Rabbit Hole est une course effrénée et haletante, qui prend à peu près autant son sujet au sérieux que Jack Bauer les droits de l'homme ou la convention de Genève, mais qui a le mérite de s'inscrire dans une véritable modernité.
La première saison est disponible sur Paramount+.
La post-vérité, est-ce vraiment « super » ? : The Boys
De manière assez surprenante, la critique la plus frontale de la post-vérité vient peut-être d'une série… de superhéros. Enfin, plus exactement, de super-vilains. Car le monde où évoluent The Boys est un monde où les fake news ont gagné, où l'unique réalité est devenue celle, absurde, maléfique, mais terriblement lucrative, dictée à travers le cinéma, la télévision ou les réseaux sociaux par une multinationale assoiffée de pouvoir. Ce n'est pas pour rien que la fausse pub pour Vought International diffusée pendant la finale du Super Bowl fait autant grincer de dents…
Les trois premières saisons de The Boys sont visibles sur Prime Video.
La désinformation depuis 2018 aux US ? Pfff... Les sujets ne manquent pas. Celle qui a été la plus maitrisée, organisée, et réussie a été la courte campagne prétendant que le laptop du fils Biden était une fake news montée et organisée par les Russes. Ce fut objectivement une réussite, et aucun des acteurs n'a le moindre regret d'y avoir participé. Pas de série TV à l'horizon hélas, c'est bien dommage.
Facebook a été pénétré par une diversité de sites tous de la m^me origine poutiniène qui apportaient une mise en cause de l'Ukraine et des USA avec les conséquences économiques pour la France et l'Europe... Ce n'était pas agressif mais très manipulateur et Facebook s'est toujours refusé de bloquer ces publications.
Comme le terme censure a une connotation très péjorative, notre establishment progressiste a inventé les "Fake news".
Admettre qu'ils ne détiennent pas forcément la vérité, que cette dernière est complexe, et qu'un débat d'idées ouvert est indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie, est quelque chose qui ne leur a même pas effleuré l'esprit.