« Dynastie », la série fric et frasques des années 1980

Considérée comme un clone de « Dallas », « Dynastie » a pourtant supplanté sa rivale avec son sens de la démesure. Retour sur un phénomène de pacotille qui prit fin il y a 35 ans le 11 mai 1989.

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Heather Locklear, Pamela Bellwood, Linda Evans, John Forsythe, Joan Collins, Pamela Sue Martin pour une photo promo de Dynastie.
Heather Locklear, Pamela Bellwood, Linda Evans, John Forsythe, Joan Collins, Pamela Sue Martin pour une photo promo de Dynastie. © Avalon / Avalon/ABACA

Temps de lecture : 6 min

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« Vous aimez Dallas, vous allez adorer Dynastie !  » C'est sur ce slogan que le soap débarque en France en 1983. La série, lancée depuis deux ans outre-Atlantique, est en train de devenir un phénomène d'audience. Contre toute attente, c'est FR 3 (on ne disait pas encore France 3) qui en acquiert les droits. Avec une stratégie de diffusion plutôt singulière.

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Serge Moati, alors directeur des programmes de la chaîne, espère booster ses nouveaux décrochages régionaux. C'est donc sur les antennes régionales que démarre le soap. En fin d'après-midi ! À chaque région, son jour de diffusion. Il faut attendre février 1984 pour le voir programmé le samedi en prime time sur l'antenne nationale (avec, du coup, du retard par rapport aux régions). Un vrai casse-tête pour les téléspectateurs mais qui n'empêche pas Dynastie de tenir ses promesses côté audiences, même si elles n'atteindront jamais celles enregistrées par Dallas, sa concurrente diffusée sur TF1. Mais le phénomène est bien réel.

Tout commence en novembre 1980. La chaîne CBS réussit un coup exceptionnel avec sa série Dallas diffusée depuis quatre ans en prime time. Tout l'été, l'Amérique entière, en pleine campagne présidentielle Carter-Reagan, s'est posé une seule et même question : « Mais qui a bien pu tirer sur J.R. Ewing ? ». 49 millions de foyers se rassembleront pour suivre en novembre l'épisode « Who Done it » (« Qui est le coupable ? »). 76 % de parts de marché ! C'est du jamais-vu !

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Chez ABC, la chaîne concurrente, pas question de laisser passer le coche. Il faut trouver une réponse à Dallas. Aaron Spelling, producteur à succès (Drôles de dames, La croisière s'amuse), est à la tête du projet. Il se trouve que les scénaristes Richard et Esther Shapiro, vétérans bien inspirés de la télé, ont depuis pas mal d'années dans leurs cartons un projet de saga familiale qui sent la pompe à essence et le caviar bon marché. Son titre : Oil (Pétrole). Aaron Spelling se jette dessus.

Puer le fric à plein nez

Pour commencer, Oil devient Dynasty. Plus glamour ! La trame est assez simple : elle voit s'apposer deux familles. Les Carrington, pervertis par l'argent, contre les Blaisdel, une honnête famille de travailleurs. C'est un peu comme si Dallas rencontrait Côte Ouest.

En coulisse, un seul mot d'ordre : « Toujours plus loin » (sous-entendu « plus loin que Dallas »). Plus loin, notamment, sur les sujets abordés : Blake Carrington (John Forsythe) est un homme d'affaires sans états d'âme dont la vie familiale part en sucette. Son ex-secrétaire et future épouse, Krystle (Linda Evans), est amoureuse de Matthew Blaisdel (Bo Hopkins), un vulgaire chef de chantier. Sa fille Fallon (Pamela Sue Martin), un brin nymphomane, couche avec le chauffeur après s'être envoyé la totalité de l'équipe de foot de papa. Quant à son fils, Steven (Al Corley), il a le mauvais goût d'être homosexuel, ce qui ne convient absolument pas à ce père de famille ultraconservateur, violent à ses heures (et accessoirement très homophobe). Autre consigne : Dynastie doit puer le fric à plein nez et faire passer les Ewing pour de vulgaires cousins de la campagne. Fourrures, voitures de luxe, garde-robe extravagante… La production ne recule devant rien. La légende, soigneusement marquetée, est en route !

Pamella Bellwood  dans « Dynasty ».
 ©  ABC
Pamella Bellwood  dans « Dynasty ». © ABC

Sur le papier, ça marche. Mais, à l'issue de la première saison, Dynastie occupe la 45e place des audiences quand Dallas se pavane au sommet. Il faut revoir la copie. Exit les Blaisdel (à part la mère Claudia, jouée par Pamela Bellwood, dont les névroses vont nourrir bien des drames). Mais, en coulisse, on sait que cela ne suffira pas… Quel personnage sera capable de faire passer l'ignoble J.R. Ewing pour un enfant de chœur ? À la fin de la première saison, une femme en tailleur, portant un large chapeau blanc cachant son visage, entre au tribunal pour témoigner contre Blake accusé d'avoir tué l'amant de son fils. C'est son ex-femme. Elle s'appelle Alexis Carrington… mais on ne sait pas encore qui va l'incarner !

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La sublime Raquel Welch a été approchée ; Sophia Loren refuse de signer au-delà de six épisodes. La production revoit ses ambitions à la baisse et s'entiche de Jessica Walter (la psychopathe qui, dans Un frisson dans la nuit, essayait de buter ce bon vieux Clint Eastwood). Mais le choix d'Aaron Spelling se porte finalement sur Joan Collins. Cette actrice anglaise sur le retour a connu son heure de gloire à Hollywood à la fin des années 1950. « Une Elizabeth Taylor du pauvre », persiflent les mauvaises langues. Peu importe : Joan Collins accepte le rôle, se réjouissant d'avoir trouvé un contrat pour un an.

Pourtant, c'est bien grâce à elle que le phénomène Dynastie va démarrer. Cette garce patentée a très vite l'honneur d'être qualifiée de « J.R. en jupons ». Un coup de maître pour ABC, qui peut se targuer d'avoir donné le premier rôle à une femme, la cinquantaine naissante, qui tient la dragée haute à la gent masculine.

La règle du « encore plus »

Pour nourrir la légende, on ne compte plus les fausses rumeurs sur les crêpages de chignons en coulisse entre la sulfureuse brune et la blonde Linda Evans, sa rivale à l'écran. Une haine supposée (les deux actrices s'entendent à merveille) que les scénaristes n'hésitent pas à mettre en scène dans des catfights (crêpages de chignons) devenus légendaires. En effet, si, dans Dallas, les hommes finissent toujours par s'envoyer quelques bourre-pifs alcoolisés en fin de soirée, dans Dynastie, ce sont les femmes qui font marcher la boîte à gifles. Oui, Dynastie est une série de femmes. Le merchandising ne s'y trompe pas. Les actrices voient naître des poupées à l'effigie de leurs personnages, et leur garde-robe est largement commentée en une des magazines.

Les audiences grimpent en flèche. À la fin de la saison 3, le programme est numéro cinq ; à la fin de la 4, il est numéro trois. La règle du « encore plus » fonctionne à merveille. La série réussit même à s'offrir pour une apparition le Prix Nobel de la paix Henry Kissinger et le président Gerald Ford, qui saluent les Carrington lors d'une soirée de charité. Mais les scénaristes ont un seul objectif : trouver leur « Qui a tiré sur J.R. ? ». Et c'est à la fin de la saison 5 qu'ils décident de frapper fort en envoyant tous les personnages se faire mitrailler par des révolutionnaires lors du mariage d'Amanda Carrington et du prince Michael de Moldavie ( !). L'épisode se termine dans un bain de sang devant 26 millions de téléspectateurs ! Mission accomplie : la série est numéro un… mais c'est le début de la fin pour Dynastie  !

Dès lors, le sens de la démesure des époux Shapiro va montrer ses limites en donnant lieu à des intrigues totalement barrées. Krystle enlevée et remplacée par un sosie dans le lit de Blake ? Le public déteste. Alexis qui fait croire à son ex, amnésique, qu'ils sont encore mariés ? Absurde ! Fallon larguée en plein désert qui grimpe dans une gigantesque soucoupe volante ? C'est carrément n'importe quoi ! Dynastie la flamboyante va s'éteindre au rythme de rebondissements pathétiques et ranger définitivement épaulettes et brushings en 1989 après 220 épisodes.

Mais la série aura laissé une empreinte, celle d'une certaine audace. Elle est la première série à avoir imposé un personnage homosexuel en prime time. Une gageure pour l'époque. Rappelons qu'en France, dans la scène où Steven revendique son homosexualité, le mot gay est traduit par « malade » ! De même, Dynastie a ouvert les portes à un casting afro-américain en confiant un rôle de premier plan à l'actrice et chanteuse Diahann Carroll, ce que les cow-boys de Dallas n'auront pas fait en quatorze ans d'existence. Alors, oui, on peut sourire de ce soap ultra « camp », mélange de kitcheries et de mauvais goût assumé ; il n'empêche, la patte Dynastie aura laissé à jamais une empreinte de gloss pailleté dans l'histoire des séries.

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5 moments phares de la série Dynastie

Saison 2 épisode 16

Premier Catfight d'une longue série ! Krystle met une belle trempe à Alexis.

Saison 3 épisode 2

Réfugiée sur le toit d'un immeuble, Claudia, que l'on soupçonne d'avoir enlevé le bébé de Fallon, trébuche et laisse tomber le nouveau-né dans le vide… Ouf ! Il ne s'agissait en fait que d'une poupée.

Saison 3 épisode 1

Alexis épouse Cecil Colby sur son lit de mort pour hériter de son empire.

Saison 5 épisode 29

Coup d'État en Moldavie pendant le mariage d'Amanda Carrington ! Les personnages sont laissés pour morts.

Saison 6 épisode 31

Alexis a ruiné Blake et le met à la porte de sa propre maison.

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Commentaires (3)

  • guy bernard

    Le mode de gestion d'Hollywood basé sur un modele schumpeterien de relations entre entrepreneurs et banquiers, se transforme et on ne parle plus que d'avantage concurrentiel et de stratégie de domination par les couts, ce qu'allait modéliser Michael Porter.
    C'est une conséquence directe ou les investisseurs sont financés directement ou indirectement par la bourse, et ou le marché devient mondial.
    Et qu'expose-t-il ? Ce changement de modele.

  • ph.martin

    Alexis for ever ! La plus géniale s... De l'histoire de la tv !

  • AGECANONIX26

    J'ai regardé Dynasty et j'ai apprécié, les disputes entre Alexis et Kristl sont mémorables. Il faut dire que dans le rôle de garce qui prépare les coups les plus tordus Joan Collins excelle, elle avait déjà eu un rôle de garce dans le film "La terre des pharaons".
    Je la détestais mais c'était super bien joué, un peu comme J. R, dans Dallas.