Comment Il était une fois dans l'Ouest est entré dans la légende

Il y a tout juste 50 ans, Sergio Leone signait un western légendaire, gros succès au box-office français, présenté aujourd'hui en copie restaurée.

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Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone.

Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone.

© Paramount/ Pictures/ Splendor Films

Temps de lecture : 7 min

Après avoir célébré un autre Sergio en juillet dernier (Sergio Corbucci, auteur de nombreux westerns spaghettis), la Cinémathèque française présente une vaste rétrospective consacrée à Sergio Leone (« Il était une fois Sergio Leone ») jusqu'au 27 janvier 2019. Le réalisateur italien n'a pourtant tourné que sept films en vingt-huit ans (huit si l'on compte le péplum Les Derniers Jours de Pompéi, coréalisé avec Mario Bonnard en 1959). À cette occasion, on pourra redécouvrir tous ses longs-métrages, mais aussi ceux qu'il a produits. Les festivités commencent ce mercredi avec la projection (à 20 heures) de Il était une fois dans l'Ouest dans la grande salle Henri-Langlois. Ce chef-d'œuvre ressort également en salle dans une version numérique restaurée, supervisée par Martin Scorsese. Enfin, il sera projeté à quatre reprises au Festival Lumière de Lyon qui s'ouvre samedi 13 octobre. Histoire de fêter comme il se doit le cinquantième anniversaire de C'era una volta il West (sorti tout d'abord en Italie, en décembre 1968) et de saluer la mémoire du cinéaste, fauché par une crise cardiaque au printemps 1989, alors qu'il avait à peine 60 ans.

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Il faut revenir sur la genèse et la conception de Il était une fois dans l'Ouest, qui marque une nouvelle étape dans la carrière de Leone. En effet, le réalisateur a révolutionné un genre en transformant les règles et en détournant les codes du western traditionnel avec sa « trilogie du dollar », qui comprend Pour une poignée de dollars (1964), Et pour quelques dollars de plus (1965) et Le Bon, la Brute et le Truand (1966). Il a fait aussi de Clint Eastwood une star mondiale en le révélant dans le rôle de l'Homme sans nom, le pistolero nonchalant et taciturne. Leone arrive donc à la fin d'un cycle. Et se refuse à signer un autre western, considérant qu'il a fait le tour de la question en trois ans. La Paramount, qui va coproduire à grands frais son prochain film, lui laisse carte blanche. Mais elle tient absolument à ce qu'il tourne un ultime western – condition sine qua non pour que le studio américain finance son projet. C'est donc à contrecœur que le barbu reprend une dernière fois la route de l'Ouest.

À l'Ouest, enfin du nouveau

Pour se renouveler, il décide de s'entourer de deux jeunes cinéphiles passionnés : il demande à Dario Argento, qui était alors critique de cinéma au quotidien Paese Sera, et à Bernardo Bertolucci, que Sergio a rencontré par hasard à la toute première projection de Le Bon, la Brute et le Truand, au Supercinema de Rome, le 23 décembre 1966, de participer à l'élaboration du scénario. Au printemps 1967, le trio se lance dans l'écriture d'un premier traitement. Pour Il était une fois dans l'Ouest, Bertolucci suggère à Leone de relever un nouveau défi en créant pour la première fois dans son œuvre un vrai personnage féminin. Ce sera Jill (Claudia Cardinale), la putain au grand cœur qui arrive de la Nouvelle-Orléans en croyant refaire sa vie. Elle tiendra un rôle déterminant dans le film et sera au centre de l'histoire. Leone souhaite aussi rendre hommage à tous les westerns américains qu'il vénère. Tout en remettant en question l'histoire de l'Ouest fondée sur des mythes mensongers et un révisionnisme alimenté par le cinéma. En effet, son approche se veut plus réaliste et fidèle à la réalité historique. Après avoir défriché le scénario et trouvé la trame, l'équipe accouche d'une intrigue qui sera retravaillée et mise en forme par Sergio Donati.

Il était une fois dans l'Ouest ©  Paramount Pictures/Splendor Films

Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest

© Paramount Pictures/Splendor Films

Henry Fonda, le tueur sadique aux yeux bleus

Muni d'un budget de 3 millions de dollars, Leone entreprend le casting de sa fresque grandiose. Il souhaite au départ Clint Eastwood dans le rôle principal. Mais ce dernier est déjà reparti aux États-Unis et refuse de tourner un quatrième western avec lui. Charles Bronson le remplace donc dans la peau de l'Homme à l'harmonica, un personnage solitaire, énigmatique et silencieux, animé par un désir de vengeance. Aux côtés du métis, le grand acteur de théâtre Jason Robards joue le bandit Cheyenne. Mais c'est Henry Fonda qui va créer la plus grande surprise de la distribution dans un rôle à contre-emploi : celui du vilain Frank, un tueur glacial au visage impassible qui abat froidement un enfant dès sa première apparition à l'écran ! « Pour interpréter un tel méchant, il me fallait quelqu'un qui avait toujours personnifié la bonté et l'innocence », a déclaré Leone à propos de l'acteur, qui avait incarné toute sa vie des défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Mais, cette fois, le pur héros fordien représente le mal absolu. Avec son regard bleu perçant et cruel, Fonda est terrifiant dans le rôle de ce tueur à gages qui porte un long manteau de cuir fauve. Un cache-poussière qui lui confère une allure menaçante.

Le tournage commence en avril 1968 aux studios de Cinecittà, à l'extérieur de Rome, puis dans la province d'Almería, en Espagne. Les prises de vue se poursuivent sur le site historique de Monument Valley, en Arizona, sur les lieux mêmes où l'idole de Leone, John Ford, a tourné des classiques comme La Chevauchée fantastique (1939) et La Prisonnière du désert. Ce qui fait de Il était une fois dans l'Ouest le premier western européen filmé hors d'Italie ou d'Espagne. Sur le plateau, le réalisateur diffusait la partition lyrique de son fidèle compositeur Ennio Morricone, qui avait écrit à l'avance la musique du film ! Les comédiens se déplaçaient du coup au rythme de cette magnifique BO, qui résonnait comme un écho lointain au milieu des canyons. Le clap de fin fut donné en juillet 1968.

Un grand opéra baroque et funèbre

Il était une fois… eut beaucoup de succès en Europe et au Japon, mais fut un désastre aux États-Unis. Le public trouva le film trop lent. Et sans humour. Le scénario ne comprend en effet que seize pages de dialogues sur les deux heures quarante-cinq que dure le film ! Raccourci de vingt-deux minutes pour le marché américain, il sortira en version longue dans le reste du monde. Et notamment en France, le 27 août 1969. Avec près de 15 millions d'entrées en salle, il reste aujourd'hui le septième plus grand succès de l'histoire du box-office français, derrière Autant en emporte le vent. Mais devant Avatar  !

Il était une fois dans l'Ouest ©  Paramount Pictures/Splendor Films

L'affiche de Il était une fois dans l'Ouest

© Paramount Pictures/Splendor Films

Dans cet opéra de la violence où le temps s'étire à l'infini, Leone montre la naissance d'une nation et la mort annoncée du vieil Ouest, dont le film décrit la lente agonie et la mutation vers le XXe siècle. Avec l'appropriation des terres que traverse la construction du premier chemin de fer transcontinental, il met en lumière l'avidité du capitalisme américain, qui emploie des méthodes criminelles pour favoriser ses intérêts : les hommes de main d'une compagnie ferroviaire sont chargés de se débarrasser des colons récalcitrants, qui gênent la progression des travaux. Le cheval de fer, qui relie la côte atlantique à la côte pacifique, représente ici la nouvelle ère du boom économique et la fin de la frontière. Avec ce chant funèbre, Sergio donne les derniers sacrements au western et signe un ballet de morts, une grande symphonie visuelle, un requiem. Ce grand styliste se fend aussi de l'une des plus belles séquences d'ouverture de l'histoire du cinéma : le premier quart d'heure muet du film où trois tueurs attendent l'arrivée d'un train sur un quai de gare désert. Avec, en fond sonore, le cliquetis du télégraphe. La roue d'une éolienne qui grince. Des gouttes d'eau qui tombent sur le rebord d'un chapeau. Le bourdonnement exaspérant d'une mouche qui voltige autour d'un cowboy. Et les vibrations d'un harmonica, qui flanquent la chair de poule !

Avec ce film contemplatif, à la manière du cinéma japonais, le cinéaste a surtout entamé le premier volet d'une nouvelle trilogie léonienne, qui se poursuivra avec Il était une fois la révolution, en 1971, et Il était une fois en Amérique, en 1984. Cinq ans après Il était une fois dans l'Ouest, Sergio fera de nouveau appel à Henry Fonda pour l'une de ses productions, Mon nom est personne (1973), un western loufoque avec Terence Hill. Et, trois ans après sa mort, Clint Eastwood va dédier Impitoyable (1992) à la mémoire de son mentor et ami. Aujourd'hui, le plus grand fan du réalisateur transalpin, Quentin Tarantino, lui rend directement hommage en intitulant son prochain film… Il était une fois à Hollywood.

À lire : Sergio Leone – Quelque chose à voir avec la mort de Christopher Frayling (Institut Lumière-Actes Sud).

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Commentaire (1)

  • adecl

    Fan inconditionnelle de ce western, à chaque diffusion, je ne peux m'empêcher de le revoir,
    dès sa parution j'ai achetée la cassette vidéo, l'album de la musique de Enio Morricone, et c'est toujours avec un frisson que je l'écoute, lorsque que l'on sait que la musique à été écrite avant le scénario définitif, c'est tout simplement EXCEPTIONNEL !