Carrie a 40 ans et... on claque toujours des dents

Sorti en 1977, le film d'horreur de Brian De Palma est toujours aussi terrifiant. Notamment grâce à son scénario, tiré de Stephen King !

Par

Dans
Dans "Carrie", Brian De Palma transforme une crise d'adolescence un peu poussée en un drame terrifiant. © DR

Temps de lecture : 5 min

Carrie White n'est pas une jeune fille comme les autres. Cette adolescente américaine, qui vit seule avec une mère névrosée et tyrannique, est le souffre-douleur de ses camarades de classe. Quand elle réalise qu'elle est dotée de pouvoirs surnaturels, la lycéenne use de cette force pour répondre à celles et ceux qui se moquent d'elle.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Résumé en quelques mots, le pitch de Carrie au bal du diable pourrait paraître un peu faiblard. Il aurait pu donner lieu à un mauvais soap opera ou à une calamiteuse série Z. Le film de Brian De Palma est pourtant un chef-d'œuvre. Sacré « grand prix » au Festival du film fantastique d'Avoriaz en 1977, il reste, quarante ans après sa sortie, un modèle dans son genre... continuant de susciter une belle frousse chez les spectateurs. Et une admiration sans borne chez les cinéphiles qui pourront de nouveau savourer ce bijou d'épouvante, de retour dans les salles depuis le 1er novembre.

Allergiques à l'hémoglobine s'abstenir

Il ne faut, de fait, pas plus de deux plans à De Palma pour poser l'enjeu du film : le décorticage du sentiment d'exclusion ressenti par les adolescents au moment de leur puberté. Et ce dès le générique. Tout commence par une partie de volley-ball. Des jeunes filles, portant l'uniforme de leur école, jouent un match décisif. Après avoir survolé les adolescentes survoltées, la caméra s'immobilise sur Carrie qui laisse passer le ballon et fait ainsi perdre son équipe. À l'issue de cette partie, Carrie, sous la douche, va réaliser qu'elle a ses premières règles. La vision du sang la terrifiera d'autant plus que ses camarades se moquent d'elle.

À l'origine du trauma de l'héroïne, une mère névrosée et un secret de famille autour de l'identité du père. Pieper Laurie interprète le rôle de Margaret White, la mère de Carrie.
À l'origine du trauma de l'héroïne, une mère névrosée et un secret de famille autour de l'identité du père. Pieper Laurie interprète le rôle de Margaret White, la mère de Carrie.

Clin d'œil appuyé au Psychose d'Hitchcock (le lycée du film porte le nom évocateur de Bates High School), cette scène inaugurale préfigure la séquence sanglante qui clôt le long-métrage (un temps interdit aux moins de 12 ans, il est aujourd'hui réservé aux plus de 16 ans). Le film de Brian De Palma va creuser jusqu'à l'os l'analyse des tourments psychologiques d'une enfant consciente de basculer dans le monde des adultes. Un passage d'autant plus difficile à négocier pour Carrie qu'il arrive un peu tard et que cette jeune fille ne parvient pas à nouer de liens avec celles qui ont pourtant vécu la même chose qu'elle, quelques années plus tôt.

Réflexion sur la solitude et la difficile affirmation de la différence, ce film donne au réalisateur l'occasion d'exorciser un trauma familial : le destin tragique de son frère, Bruce. « (Il) a été considéré toute sa vie comme un génie par mes parents. (...) Ils l'ont littéralement traité comme un dieu, ce qui a eu des conséquences tragiques sur sa vie. Une fois livré à lui-même, il n'a jamais pu s'intégrer nulle part, il n'est jamais parvenu à se lier avec qui que ce soit, car il n'avait plus rien d'humain », confiera plus tard Brian De Palma à Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud (dans un livre d'entretien, paru aux éditions Calmann-Lévy en 2001).

Une adaptation très libre

Si De Palma prend quelques libertés avec le livre éponyme de Stephen King, dont est tiré le scénario, l'écrivain n'en veut pas du tout au réalisateur. Bien au contraire. « Je ne pouvais rêver de meilleure adaptation pour mon premier roman », répète à l'envi le maître en littérature fantastique. Ce dernier n'a pourtant pas toujours été aussi indulgent avec les transpositions sur grand écran de ses ouvrages.

Il faut dire que ce film va permettre à Stephen King de sortir d'une sale passe. En 1972, lorsqu'il s'attelle à l'écriture de cette histoire, le romancier de 25 ans n'est pas au mieux de sa forme. Enseignant dans une école secondaire de Hamden, une petite ville de la côte est des États-Unis, l'écrivain s'est vu refuser ses trois premiers manuscrits. Il a beau placer, de temps à autre, une nouvelle dans une revue, il commence à douter de son talent. Les fins de mois sont difficiles. Il doit cumuler de petits boulots pour élever ses deux enfants. Sa mère est malade et il s'est mis à boire. C'est grâce aux encouragements de sa femme, Tabitha, qu'il va parvenir à achever la rédaction de Carrie. Le manuscrit est audacieux dans sa forme. Il se présente comme un patchwork alternant le récit des aventures de l'héroïne, douée du pouvoir de télékinésie, des articles de presse et même des extraits d'un travail de recherche scientifique sur les facultés paranormales de Carrie White.

Une parabole sur la fin de l'enfance

La scène finale est un feu d'artifice qui inspirera de nombreux réalisateurs. Pour sa prestation spectaculaire, Sissy Spacek, 27 ans à l'époque, a été nominée aux Oscars.  ©  DR
La scène finale est un feu d'artifice qui inspirera de nombreux réalisateurs. Pour sa prestation spectaculaire, Sissy Spacek, 27 ans à l'époque, a été nominée aux Oscars.  © DR

La structure mosaïque de cette trame narrative ne va pas dissuader De Palma de se lancer dans son adaptation. Comme il l'explique dans une interview accordée à la revue Cinefantastique en juillet 1977 : « J'ai lu le livre. Il m'avait été suggéré par un ami auteur. Je crois que c'était il y a environ deux ans. Je l'ai apprécié et j'ai appelé mon agent pour trouver qui en possédait les droits. J'ai découvert que personne ne les avait achetés. Beaucoup de studios voulaient les droits, j'ai donc appelé plusieurs personnes auxquelles j'ai dit que c'était un livre incroyable et que j'avais très envie de le faire. » Après avoir joué des coudes, De Palma parviendra à s'imposer.

Et sa mise en scène très formaliste le consacrera comme figure de proue du Nouvel Hollywood au même titre que Michael Cimino, Francis Ford Coppola, George Lucas, Martin Scorsese ou encore Steven Spielberg. Une génération « têtes de Turcs » (comme Carrie) qui a littéralement dynamité le système des studios, au milieu des années 70. Là encore, comme Carrie met à sac le gymnase de son lycée !

Sorti en 1977, le film d'horreur de Brian De Palma est toujours aussi terrifiant. Il est d'ailleurs interdit aux moins de 16 ans. ©  DR
Sorti en 1977, le film d'horreur de Brian De Palma est toujours aussi terrifiant. Il est d'ailleurs interdit aux moins de 16 ans. © DR

Carrie au bal du diable. Réalisation : Brian De Palma. Scénario : Lawrence D. Cohen d'après Stephen King. Photographie : Mario Tosi. Musique : Pino Donaggio. Montage : Paul Hirsch. Avec : Sissy Spacek, Piper Laurie, John Travolta, Amy Irving, William Katt. Nouvelle sortie dans les salles le 1er novembre.

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • guy bernard

    Pour etre tout à fait sincère, j'ai été soulagé lorsque Piper Laurie a dit que pendant tout le film elle croyait faire un film comique.
    c'est exactement l'impression que j'ai eu à sa premiere vision compte tenu de l'outrance des scènes et je me demande si Brian de Palma n'avait pas hésité entre l’humour potache des films d'horreur de série B et l'horreur tout court.
    ce qui fait Hitchcock, c'est l'intelligence avec laquelle il détourne la censure et nous offre de l'art et de l'humour en plus de la narration du film.
    même si Brian de Palma est quelquefois virtuose, il se contente de nous raconter des histoires et, avec une autre musique et un autre montage, Carrie aurait pu devenir un Scary Movie.