Blanche-Neige : coup d'essai, coup de folie, coup de maître de Disney

Avec ce long-métrage animé, le tout premier au monde, Walt change l'histoire du cinéma. Et invente la formule qui, huit décennies plus tard, opère encore.

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Le tout premier hors-série du Point Pop, Mythes et origines de Disney, est en kiosque depuis jeudi. Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici le tuto qui vous permettra de fabriquer vos propres pommes d'amour (recette garantie sans poison) et un large extrait du premier chapitre de ce numéro spécial, consacré, comme il se doit, à Blanche-Neige et les sept nains.

Le chapitre consacré à Blanche-Neige dans notre hors-série "Mythes et origines des grands classiques Disney".  ©  DR
Le chapitre consacré à Blanche-Neige dans notre hors-série "Mythes et origines des grands classiques Disney".  © DR

27 janvier 1917, les lumières s'éteignent dans la salle des congrès de Kansas City, transformée en salle de projection géante. On a installé quatre écrans, convié des milliers de spectateurs, dont la plupart, fébriles, vont voir ce soir-là leur tout premier film. Parmi eux, un adolescent de 15 ans, vendeur de journaux à la criée, ouvre des yeux émerveillés alors que tremblent sur les écrans les images malhabiles, tournées en quelques jours, d'un film qu'il n'oubliera jamais. Ce gamin ébloui, c'est Walt Disney. Et ce long-métrage, qui sera l'une de ses premières émotions cinématographiques, c'est Snow White interprétée par la comédienne Marguerite Clark. Blanche-Neige, donc…

21 décembre 1937. On a bouclé le San Vincente Boulevard de Los Angeles pour y dérouler un long tapis bleu et y installer un sapin de Noël géant. Des milliers de personnes se serrent sur des gradins installés dehors pour la circonstance. Quant à la liste des invités qui ont pris place à l'intérieur du prestigieux Carthay Circle Theatre, elle ressemble au générique d'un film rêvé : il y a là Stan Laurel, Oliver Hardy, Marlene Dietrich, Cary Grant, Spencer Tracy, Shirley Temple, Ginger Rogers, Frank Capra, Ernst Lubitsch, George Cukor, Clark Gable… Tout Hollywood est venu découvrir la dernière «  folie  » de Disney, un long-métrage d'animation dont la plupart des professionnels du septième art lui ont prédit qu'il ferait un four. Il n'y eut guère que Charlie Chaplin, lui aussi présent dans la salle avec son épouse, Paulette Goddard, pour encourager l'ami Walt et croire comme lui qu'un dessin animé scénarisé et calibré à la manière d'un long-métrage ne ferait pas bâiller d'ennui des spectateurs habitués aux cartoons.

Au premier rang, Walt retient son souffle et écrase dans la sienne la main de Lillian, son épouse. À 34 ans, il est le créateur adulé de Mickey Mouse, des Trois petits cochons et des Silly Symphonies, et a déjà reçu deux oscars. Mais, pour ce projet fou, ce tournage de trois ans qui a viré au cauchemar et dont la facture a atteint 1,7 million de dollars, au lieu des 600 000 initialement prévus, il a dû hypothéquer sa maison, tyranniser ses équipes à bout de forces, passer lui-même souvent des nuits bien trop courtes sur les canapés des studios. Vingt ans après l'émotion que lui procura Blanche-Neige, il risque ce soir-là sa fortune, sa carrière et sa réputation pour démontrer qu'il peut lui aussi raconter l'histoire des frères Grimm… en dessin animé. Lillian, à ses côtés, porte un collier Cartier à l'effigie des sept nains. Pourtant, elle ne croit guère, elle non plus, à la dernière lubie de son époux.

Des croquis attestent que les studios ont un temps songé à faire de Blanche-Neige une blondinette

On éteint les lumières. Les chuchotements cessent. Ça commence. Walt tremble quand, déjà, alors qu'aucun personnage n'est encore apparu à l'image, montent derrière lui les premières salves d'applaudissements. Ce château qui surgit à l'écran, accroché dans le lointain à son piton rocheux, ce paysage à la fois féerique et incroyablement réaliste, au cœur duquel le spectateur a la sensation sidérante de s'enfoncer, provoque des cris d'admiration dans la salle. Disney a réussi, grâce à une caméra dite multiplane, qui décompose le décor en plusieurs plans, du plus proche au plus éloigné, à introduire de la profondeur de champ dans un dessin animé… Le public est subjugué. Et, quatre-vingt-trois minutes plus tard, Walt et ses équipes sont ovationnés. Ce qui a été projeté ce soir-là, et qui restera longtemps l'un des plus grands succès du box-office mondial, constitue, comme l'annonce quelques jours plus tard le magazine Liberty, «  quelque chose de complètement nouveau sous le soleil de Hollywood  ». Un long-métrage d'animation adapté d'un conte européen réinterprété et porté par une princesse-héroïne, mais aussi par de multiples personnages secondaires extrêmement travaillés, une comédie musicale, enfin, dont tout le monde, en sortant de la projection, fredonnera les airs entraînants : la recette magique de ce qui fera le succès des studios Disney durant les huit décennies suivantes vient d'opérer pour la première fois.

La Blanche-Neige de Walt n'a à vrai dire plus grand-chose à voir avec celle des frères Grimm. La petite princesse du conte allemand n'est âgée que de 7 ans lorsque sa beauté supplante, pour son malheur, celle de sa belle-mère – une rivalité femme/enfant beaucoup trop subversive pour les canons disneyens. Lorsque, un soir de février 1934, le patron des studios convie ses meilleurs collaborateurs pour leur confier son projet et leur interpréter lui-même, avec le talent oratoire qui le caractérise, tous les rôles de l'histoire qu'il désire porter à l'écran, il sait déjà que le scénario devra prendre des libertés avec le conte. La Blanche-Neige qu'il imagine est une jeune fille. Elle est même, à revoir le film, la parfaite incarnation de l'adolescente partagée entre des joies enfantines et déjà la maturité d'une adulte, tour à tour battant des mains comme une petite fille à la découverte de la maison de poupée des sept nains et se comportant avec eux, responsable et organisée, un peu comme le ferait une mère.

Entre deux âges, elle se languit de connaître l'amour, pleine d'un romantisme candide qui n'existe tout simplement pas dans l'histoire des frères Grimm. Elle est surtout définitivement de son temps, jeune femme des années 1930 qui en attendant son prince ne se rebelle jamais contre sa servitude, balayant de bon cœur chez sa belle-mère, balayant encore gaiement chez les nains, housewife nullement desperate à laquelle continueront de s'identifier sans ciller les petites filles des années 2000, au grand effroi de leurs mères.

Physiquement, des croquis attestent que les studios ont un temps songé à faire d'elle une blondinette aux tresses toutes bavaroises, mais... Lire la suite dans notre hors-série Mythes et origines des grands classiques Disney en vente chez votre marchand de journaux ou sur notre boutique en ligne.

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