Interview

Andrew Davis ne retient pas ses coups contre Steven Seagal

INTERVIEW. Réalisateur du « Fugitif » et des rares bons films de Chuck Norris et Steven Seagal, le réalisateur vétéran est l’invité d’honneur du Festival Reims Polar. Rencontre avec un puncheur.

Par

Temps de lecture : 14 min

Lecture audio réservée aux abonnés

Il a dirigé d'une main de fer Chuck Norris et Steven Seagal dans Sale temps pour un flic et Nico, relancé la carrière de Tommy Lee Jones dans l'un des meilleurs blockbusters des années 1990 (Le Fugitif), sorti Seagal du pétrin avec le triomphe de Piège en haute mer… Bref : Andrew Davis, 77 ans, peut se targuer d'avoir laissé sa petite griffe à lui dans le gros cinéma d'action américain du temps de sa splendeur. Les malabars, ça le connaît, lui qui a grandi dans certains quartiers chauds du South Side de Chicago… Mais, à bien y regarder de plus près, les thrillers musclés de ce passionné de photographie ont tous un petit zeste de conscience sociale qui les tire du tout-venant.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

À juste titre considéré comme un humble maître du genre, Andrew Davis est l'invité d'honneur de la 4e édition de Reims Polar (successeur du défunt Festival international du film policier de Beaune), qui lui rend hommage à travers trois de ses plus éminentes réussites : Piège en haute mer, Le Fugitif et Meurtre parfait. L'occasion idéale de rencontrer l'imposant bonhomme à la voix douce, à jamais associé à sa bonne ville de Chicago, qu'il a si souvent utilisée en toile de fond de ses intrigues.

À LIRE AUSSI Harrison Ford dans la peau d'Indiana Jones : « J'aime être vieux »

Presque davantage encore que ses films, l'itinéraire paradoxal d'Andrew Davis intrigue : président du club photo de la South Chicago YMCA dès l'âge de 8 ans puis projectionniste dans son école, il fut profondément marqué à l'adolescence par les mouvements des droits civiques et la guerre du Vietnam. Diplômé de journalisme en 1968, ex-présentateur de JT sur une chaîne locale, il a dévié vers le reportage puis la pub, avant de devenir l'assistant du légendaire chef opérateur Haskell Wexler (Qui a peur de Virginia Woolf ?, Dans la chaleur de la nuit, L'Affaire Thomas Crown, Conversation secrète… okay !).

Parcours improbable

À l'aube du Nouvel Hollywood, son mentor va le présenter à plusieurs grands noms d'un certain cinéma réaliste américain – Hal Ashby, Sidney Lumet, Norman Jewison, William Friedkin… – et lui insuffler le goût du passage à la mise en scène. Après avoir été lui-même directeur de la photographie sur quelques films de blaxploitation, Andrew Davis se lance dans la mise en scène avec Stony Island, chronique de l'ascension d'un groupe de R'n'B de Chicago, où il dirige son propre frère Richard Davis et Susanna Hoffs, future chanteuse du groupe pop The Bangles ! Artiste militant branché cinéma d'art et essai, fan de Lelouch, Andrew Davis n'était pas vraiment destiné à cadrer les bastons de Chuck Norris, Steven Seagal et autre Harrison Ford. Mais tous les chemins mènent au 7e art après tout ! Rencontre avec un vétéran peu avare en beignes… verbales, bien sûr.

À LIRE AUSSI Accusé d'une énième agression sexuelle, l'acteur Steven Seagal ne sera pas poursuivi

Le Point Pop : Le Festival Reims Polar vous rend hommage à travers trois de vos films : Piège en haute mer, Le Fugitif et Meurtre parfait. Sont-ils votre choix ?

Andrew Davis : Non, ce n'est pas moi qui les ai choisis. Il se trouve que ce sont trois films du catalogue Warner, mais je les apprécie tous les trois. Piège en haute mer était en avance sur son temps puisqu'on abordait le vol de missiles Tomahawks à tête nucléaire par la Corée du Nord. Le lendemain de l'avant-première américaine de ce film, on m'informait par téléphone qu'Harrison Ford l'avait vu et m'avait choisi pour diriger Le Fugitif.

Là encore, ce fut une belle expérience : un blockbuster sur lequel j'ai été soutenu à 100 % par le studio, où chaque technicien et chaque acteur étaient au sommet de son art, même si j'ai dû considérablement remanier le scénario initial, qui n'avait ni queue ni tête. Dans une des premières versions, le personnage de flic fédéral, joué par Tommy Lee Jones, avait engagé le tueur manchot [joué dans le film par Andreas Katsulas, NDLR] pour tuer la femme du chirurgien Richard Kimble campé par Harrison Ford parce que ce dernier avait raté une opération sur sa femme. C'était grotesque.

Vous n'êtes pourtant pas crédité au générique comme scénariste…

Non… Ni ma sœur d'ailleurs, qui aurait très bien pu l'être aussi ! Elle était infirmière et je lui ai demandé de m'aider à trouver une idée crédible pour mettre en danger Richard Kimble, parce que celle du scénario d'origine n'avait aucun sens. J'ai demandé à ma sœur : qu'est-ce qui pourrait bien mettre un docteur en danger ? Et c'est elle qui a eu l'idée d'un suspense autour de la manipulation d'un protocole médical et c'est ainsi qu'on a eu l'idée de ce médicament aux effets secondaires dangereux, le Provasic, commercialisé malgré tout par un grand laboratoire. Les producteurs étaient très nerveux, ils n'avaient aucune idée de la réussite commerciale du Fugitif, je ne connaissais pas vraiment la série d'origine… Mais dès les premières projections tests, le public était dingue du film.

Et Meurtre parfait, votre remake du Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock ?

J'ai adoré travailler avec Michael Douglas, Gwyneth Paltrow et Viggo Mortensen. C'était la première fois que je tournais à New York, moi qui avais l'habitude surtout de filmer ma ville natale de Chicago et je pense avoir réussi à capturer l'essence de New York. Le chef décorateur Phil Rosenberg et le chef opérateur Dariusz Wolski en ont fait un film très élégant.

Le crime était presque parfait est un Hitchcock mineur, assez statique, donc je n'avais pas trop de pression, c'était plutôt facile d'essayer de proposer une nouvelle interprétation. Qu'il s'agisse du Fugitif, de Meurtre parfait ou de Piège en haute mer (qui était un remake non avoué de Piège de cristal mais sur un bateau !), j'ai dû m'adapter à chaque fois à des œuvres préexistantes pour proposer ma vision. Ces trois films ont eu de bonnes critiques et ont été des succès, je ne peux pas me plaindre ! J'ai eu beaucoup de chance.

Vous aviez 14 ans en 1960, à l'aube d'une décennie considérée comme le creuset de la pop culture moderne avec l'explosion des comics Marvel, des séries fantastiques, du space opera en télé ou en littérature avec Dune, des préblockbusters que furent les James Bond… Vous êtes-vous nourri de tous ces mythes ?

Pas du tout ! Je n'ai jamais lu de comics, j'étais surtout intéressé par les documentaires sur la Seconde Guerre mondiale, Auschwitz, la guerre de Corée, le Vietnam… Je n'étais pas du tout porté sur la SF. J'avais un faible pour les westerns, mais, dès l'âge de 8 ans, j'ai vu Le Petit Fugitif, ce film américain de Ray Ashley, Morris Engel et Ruth Orkin, dont Truffaut a reconnu l'influence déterminante sur toute la Nouvelle Vague française. Ce film m'a marqué à vie et d'ailleurs je lui rends indirectement hommage dans Meurtre parfait : l'appartement du personnage de Michael Douglas est rempli de photos d'Engel et d'Orkin.

J'ai aussi été très influencé par le réalisme italien et par le cinéma de Claude Lelouch, pour sa liberté et son style caméra à l'épaule. L'aventure c'est l'aventure est l'un de mes films préférés, Lino Ventura l'un de mes acteurs préférés. J'ai eu la chance de pouvoir le dire à Lelouch lui-même quand je l'ai croisé voici deux ans au Champs-Élysées Film Festival.

Steven Seagal m’a dit : “Je t’ai choisi. C’est toi que je veux pour réaliser mon premier film au cinéma.” Je lui ai répondu : “Très bien, mais tu vas quand même passer des essais !”

Dennis Franz, Daryl Hannah, Shia LaBeouf, Sharon Stone… Vous avez souvent travaillé avec ces futures stars lorsqu'elles débutaient. Parmi la jeune génération, qui sont les plus prometteurs, selon vous ?

Il y en a un que je trouve vraiment extraordinaire, c'est cet acteur qui joue dans la série The Bear… euh… Jeremy Allen White ! J'ai le projet d'un film autour de l'acteur Gene Wilder et je trouve qu'il lui ressemble énormément. J'aimerais beaucoup le diriger, mais bon il devient intouchable, il est demandé par tout le monde !

À LIRE AUSSI Quand Chuck Norris souhaite la bonne année… aux commerçants de Bastia

Au vu de votre parcours et de vos propos, on en déduit que vos films d'action avec Chuck Norris et Steven Seagal sont des accidents ?

(Il réfléchit.) En fait tout a commencé par Beat Street, ce film sur l'univers du hip-hop produit par Harry Belafonte en 1984. Harry avait vu mon premier long-métrage comme réalisateur, Stony Island, il l'avait adoré et m'avait engagé pour écrire et réaliser Beat Street. Mais deux semaines après le début du tournage, il est parti en tournée de concerts et le superviseur musical qu'il avait engagé était un accro à la coke au dernier degré, qui n'avait réussi à préparer aucun des morceaux musicaux destinés à être filmés. À son retour, Harry a constaté notre retard, il en a déduit que je n'étais pas le bon réalisateur et il m'a viré. J'étais alors père d'un bébé de 3 mois, j'étais dévasté, je venais de me faire lourder par mon héros.

Heureusement pour moi, Mike Medavoy, le patron d'Orion Pictures, a regardé les premiers rushes, il les a aimés puis il m'a proposé de me confier la réalisation de Sale temps pour un flic. Je suis retombé sur mes pattes grâce à ce film avec Chuck Norris… Et voilà comment je suis devenu réalisateur de films d'action. Mais j'étais familier de cet univers de par mon enfance – j'ai grandi dans un quartier difficile de Chicago et donc je savais instinctivement filmer les gros durs et les fusillades. J'étais aussi coutumier du genre comme chef opérateur, sur des films de blaxploitation comme Cool Breeze, Hitman le créole de Harlem ou Le Pénitentier.

Et comment avez-vous hérité de Nico (Above The Law en VO) ?

Sale temps pour un flic a bien marché au box-office, il a reçu des critiques plutôt correctes et il reste d'ailleurs encore considéré comme l'un des meilleurs films de Chuck Norris. Steven Seagal et son agent Michael Ovitz l'ont vu et se sont dit que j'avais le profil idéal pour lancer la carrière de Seagal au cinéma. Steven a été fabriqué par Michael Ovitz, dont il était le prof d'aïkido. Il était à l'époque très mince, beau gosse, on avait jamais vu d'aïkido au cinéma auparavant… Ovitz a flairé le concept. Le jour de notre rencontre, Seagal m'a dit : « Je t'ai choisi. J'ai vu Sale temps pour un flic et c'est toi que je veux pour réaliser mon premier film au cinéma. » Je lui ai répondu : « Très bien, mais tu vas quand même passer des essais ! »

Il est venu à Chicago avec sa petite copine de l'époque, Kelly LeBrock, et j'ai filmé trois scènes avec lui, je les ai toujours d'ailleurs… Je l'ai trouvé bon, mais j'ai proposé au producteur de changer le script, qui ne fonctionnait pas, selon moi. Il s'agissait d'une histoire sur des flics ripoux trafiquants de téléviseurs volés sur les docks de San Francisco. En cinq semaines, j'ai réécrit le scénario avec l'aide de Ron Shusett (ex-scénariste d'Alien), il fallait faire vite à cause de la grève imminente des scénaristes. On a finalement privilégié une histoire en voix off, débutant par le portrait de ce flic atypique, qui a appris l'aïkido en Asie et qui, de retour à Chicago, se retrouve confronté à des narcotrafiquants soutenus par la CIA.

Jon Voight était un républicain très à droite et fut un fervent supporteur de Donald Trump… Mais peu importe, je l’adorais, il était un grand acteur.

Et là encore, comme avec Chuck Norris, vous pouvez vous vanter d'avoir offert à Seagal l'un de ses rares bons films…

… et Nico a été un succès parce que Steven Seagal incarnait un type de héros urbain assez nouveau pour l'époque, mutique, ténébreux, coiffé avec une queue-de-cheval, expert en arts martiaux. Un flic de terrain issu d'une classe laborieuse… Par la suite, Seagal est devenu un abruti arrogant – bon, certes il avait déjà un terrain favorable. Hélas pour lui après Nico, il a fait d'autres films qui ont moins marché et c'est pour ça qu'on m'a appelé à la rescousse en 1991 pour relancer sa carrière avec Piège en haute mer, qui est à ce jour son plus gros succès.

Vous êtes étiqueté réalisateur de films d'action mais la plupart de vos films ont aussi un propos politique…

Tous !

À LIRE AUSSI Quais du polar, le plus grand rendez-vous européen du roman noir

Nico (sorti en 1988) est une claire dénonciation du scandale des contras et de l'Irangate qui venait d'éclater en Amérique, Piège en haute mer alertait sur le danger des armes nucléaires dans de mauvaises mains, Le Fugitif dénonce la cupidité des grands laboratoires au détriment de la santé publique…

J'ai toujours essayé d'injecter un peu de politique dans chacun de ces films en effet, c'est lié à mon passé dans le documentaire et à mes études de journalisme en réaction contre la guerre du Vietnam et ses mensonges. J'ai toujours eu une conscience de gauche et je tenais à ce que cela se ressente, même dans ces gros films d'action. Surtout dans ces années 1980 marquées par un cinéma américain très à droite dans le genre. On était encore dans les années Eastwood.

Là encore, c'est paradoxal : vous vous dites de gauche mais vous avez réalisé des films taillés sur mesure pour des acteurs ouvertement réactionnaires, comme Chuck Norris et Steven Seagal. Les discussions n'étaient pas trop douloureuses entre deux prises ?

Steven Seagal n'était pas du tout réac quand je l'ai dirigé pour Nico ! Il était très remonté contre les pratiques de la CIA, la politique étrangère américaine, la corruption… Il a évolué après, malheureusement. Schwarzenegger, que j'ai dirigé dans Dommage collatéral, était à droite mais on sentait déjà à l'époque qu'il virait pas mal à gauche sur les questions d'environnement, sous l'influence du clan Kennedy. Alors, oui, il y a Jon Voight, qui était un républicain très à droite et fut un fervent supporteur de Donald Trump… Mais peu importe, je l'adorais, il était un grand acteur et un véritable personnage. Je ne pratique pas la cancel culture, j'ai travaillé avec des acteurs de toutes les sensibilités, le principal est de faire un film qui fonctionne.

Vladimir Poutine est tombé amoureux de Steven Seagal après avoir vu “Nico” !

Et Chuck Norris ?

On ne parlait pas vraiment politique… Dans Sale temps pour un flic, je pense qu'il était surtout très content d'être entouré de très bons acteurs et de travailler sur un film enfin un peu réaliste, ça ne lui était jamais arrivé. J'aime beaucoup dans ce film avoir pu engager tous ces excellents acteurs de Chicago et aussi Dennis Farina, qui était toujours un flic en activité.

Une question me taraude : Chuck Norris contre Steven Seagal dans une bagarre de rue à la grande époque, lequel fiche une raclée à l'autre ?

(Il rit.) Oh la la… Aucune idée. Steven était plus jeune, plus grand, il avait de sacrés grands bras et donc une belle allonge. Mais, franchement, je ne parierai pas !

Êtes-vous étonné que Steven Seagal (qui détient la nationalité russe depuis 2016) soit devenu un ami intime de Vladimir Poutine et qu'en 2018 ce dernier l'ait même nommé « représentant spécial du ministère russe des Affaires étrangères, chargé des liens humanitaires russo-américains »  ?

D'abord, Seagal s'est arrogé le mérite de Nico et de Piège en haute mer et ça, ça m'a beaucoup énervé. Pour la Russie, non, je ne suis pas étonné. Poutine, qui est un judoka, est tombé amoureux de Steven Seagal après avoir vu Nico ! Et Seagal avait de gros ennuis aux États-Unis à cause de ses casseroles avec la gent féminine et aussi de ses relations avec la mafia. Son téléphone était sur écoute et il était terrifié à l'idée que la pègre finisse par mettre un contrat sur sa tête pour l'empêcher de révéler tout ce qu'il savait… Il avait besoin de se trouver des alliés à l'étranger.

Il a été copain avec le dalaï-lama pendant dix minutes puis il a fini par s'acoquiner avec les Russes. Je ne connais évidemment pas le dessous des cartes en ce qui le concerne, mais on m'a dit que s'il retournait vivre aux États-Unis, il risquait d'être arrêté.

<em>La Morsure du lézard</em> (<em>Holes</em> en VO), film atypique dans le parcours d'Andrew Davis, réalisé pour le compte de Disney, avec Sigourney Weaver, Shia LaBeouf et Jon Voight. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Louis Sachard (<em>Le Passage</em>).
©  The Walt Disney Company
La Morsure du lézard (Holes en VO), film atypique dans le parcours d'Andrew Davis, réalisé pour le compte de Disney, avec Sigourney Weaver, Shia LaBeouf et Jon Voight. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Louis Sachard (Le Passage). © The Walt Disney Company

Hormis la franchise Mission : Impossible, on a le sentiment que le blockbuster d'action de qualité, tel que Hollywood en produisait tant dans les années 1980 et 1990, a disparu au fil des années 2000. Quelle est votre explication ?

C'est compliqué d'isoler une raison. L'une d'entre elles est que, à mon avis, l'explosion des images de synthèse a paradoxalement rendu de moins en moins crédibles les scènes d'action. Il y a aussi un problème de scénario, je ne vois plus aucun de ces films faire attention à l'écriture des personnages et, vous aurez beau déployer tout le spectacle possible, si on ne s'attache pas aux personnages, c'est fichu. En fait, même si John McTiernan a fait de l'excellent travail avec Piège de cristal, sur le strict plan formel, aucune scène d'action ne m'a autant influencé que celles de French Connection de William Friedkin.

Je pense aussi que, peut-être, les gros films d'action menés par des héros flics ou agents spéciaux se font plus rares parce qu'on a beaucoup assisté, ces vingt dernières années, à des abus de pouvoir dans ces professions. Il y a une crise de confiance en cours dans les autorités, le gouvernement, les élus locaux, l'armée… Je le regrette parce que, en même temps, je pense qu'on a toujours besoin de croire dans l'existence d'institutions qui protègent le citoyen et de politiciens pour les respecter. Mais l'obsession de l'Amérique, en ce moment, c'est la reconstitution de son arsenal nucléaire. On dépense des milliards de dollars… C'est d'ailleurs un sujet que j'aborde dans mon roman à paraître en octobre 2024.

Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ça s'appelle Disturbing the Bones. L'intrigue se passe autour de Cairo, dans le sud de l'Illinois, on appelle cette zone la petite Égypte parce qu'elle est à la confluence de deux fleuves. Les ossements d'une journaliste spécialisée dans les droits civils sont retrouvés enterrés dans un site de fouilles archéologiques alors qu'elle avait disparu depuis des années, laissant un fils de 14 ans. Le fils a grandi, il est devenu flic à Chicago et il va enquêter sur place à la suite de cette exhumation. Il découvre que sa mère s'apprêtait à révéler l'existence d'une conspiration militaire pour cacher l'existence d'un site secret de fabrication d'armes nucléaires. Le site est toujours géré par un général en retraite, qui surveille de près les tests de missiles supersoniques effectués par les Russes et dont un tir accidentel a rayé de la carte 200 000 victimes en Sibérie et en Mongolie. Tout cela se déroule juste avant une élection américaine et dans un climat de grande tension mondiale.

Ça ressemble beaucoup à un scénario de film…

Je l'ai d'abord développé comme un scénario ! Une fois le livre sorti, en cas de succès, on essaiera d'en négocier les droits au cinéma, et je rêverais qu'on décroche Denzel Washington dans le rôle principal.

À 85 ans, Francis Ford Coppola va revenir à Cannes en compétition pour présenter son Megalopolis, qu'il a lui-même financé. Vous qui, à 77 ans, êtes un jeune homme, que vous inspire ce come-back ?

Ce que fait Francis est formidable, j'ai hâte de découvrir son film, j'espère juste qu'il parviendra à trouver un distributeur, je crois comprendre que c'est très difficile pour l'instant. J'ai plusieurs projets mais je ne veux plus faire de films dont la violence et les bagarres constituent la principale source d'intérêt. Depuis La Morsure du lézard et Coast Guards, j'ai envie de passer à autre chose.

Festival Reims Polar : du 9 au 14 avril.

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération