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Cette woman-là, je l'ai découverte sur le grand écran, certainement au Wepler, place Clichy. La chanson de Roy Orbison, dès le début, m'a fait son effet. Wouah, paroles faciles, yeah, yeah yeah, et la Julia avec son allure folle a fait le reste. J'étais pas fan de l'american gigolo Gere, mais l'important n'était pas là. C'était un film happy, qui remonte moral. Ça se voyait, ça s'entendait. « À la télé », comme on dit, chaque fois qu'il a été rediffusé, je l'ai presque toujours revu, vrai, du début jusqu'à la fin, et il est placé premier dans la rangée « à voir quand tout fout le camp ». Avec lui : Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Nothing Hill, Quand Harry rencontre Sally, Le diable s'habille en Prada (mais surtout pour Meryl Streep). Si la fin m'a fait pleurer ? Euh… je ne crois pas, enfin… je ne sais plus…
La bombe Julia Roberts
En 1990, lorsque le film de Garry Marshall sort sur les écrans, la bombe Julia Roberts pulvérise tout. Le réalisateur l'adore ; avec elle, pour elle, il fera Just Married, en 1999, la remariant (enfin, essayant de la remarier, c'est tout le sujet du film) au même prince charmant Richard Gere. Puis quelque temps avant sa mort, en 2016, Marshall donnera à sa Julia un rôle de mère, une romancière célèbre qui décide de retrouver sa fille abandonnée à la naissance dans Joyeuse fête des mères. Il est le cinéaste des contes de fées, du happy end, d'ailleurs la série télé qui l'a fait connaître, Happy Days, figure toujours dans le palmarès des références seventies, avec son décor chromo et ses héros gamins autour du juke-box.
Le troisième millénaire est encore loin. 2001 et l'odyssée de l'horreur est inimaginable. L'Amérique reste le continent de tous les possibles. Un pays où une fille toute simple, qui a appris à conduire et à réparer une voiture, quelle qu'elle soit, grâce à ses frères, une fille naïve qui s'est fait larguer par un mec, se retrouve sans fric dans la grande cité du rêve et devient pute, mais, attention, « j'embrasse pas », comme le dira un an plus tard Emmanuelle Béart dans le film d'André Téchiné.
Un vrai tango
Richard Gere est au faîte de sa gloire. Il a joué au gigolo américain dix ans auparavant dans le film de Paul Schrader. Sexy. Dans Pretty Woman, son personnage au prénom de prince, Edward, est coincé. Par sa famille, devenue milliardaire grâce au dépeçage des sociétés qu'elle rachète pour rien, par son avocat qui le pousse à agir cruellement, par son éducation de gagnant, lui qui n'aimerait que perdre du temps et des certitudes. Vivian sera sa fée, sa révélatrice, sa baguette très magique. Le pauvre gars si riche a besoin de cette belle fille presque toute simple. Il a besoin de ses services. Évidemment sexuelle, la scène de leur rencontre sur Hollywood Boulevard. Lui, Edward Lewis, s'est perdu dans les méandres de Los Angeles et Vivian n'en revient pas quand il arrête devant elle la voiture de luxe piquée à son avocat. Il lui demande la direction. Joli symbole. Vivian serait prête à lui donner le renseignement gratis, mais se souvient à temps que time is money. Elle fixe un prix dingue à ses yeux qui fait sourire Edward. Elle le conduit. C'est elle qui sait. C'est lui qui accepte. Un vrai tango. Première leçon : le maniement du changement de vitesse. Le prince est déjà conquis.
Ensuite… l'amour ne fait pas le reste. C'est Vivian qui fait tout. Le prince demande à la pauvresse de s'installer une semaine dans sa suite et d'être son escort. Elle rêve ! Scènes cultes : celle de la baignoire où elle chante (faux) Prince, celle où elle rigole comme une gamine devant le feuilleton I love Lucy vautrée sur le sol, celle où elle oblige son prince à marcher pieds nus dans l'herbe, celle où Edward lui dit « arrêtez de gigoter » alors qu'elle avance à son bras, flamboyante dans sa robe rouge, et qu'elle tripote le collier à 100 000 dollars que Barney le gérant de l'hôtel (sa bonne fée, joué par le délicieux Hector Elizondo) lui a fait prêter.Un film doudou
Le couple se rend à l'opéra dans l'avion privé du prince pour assister à une représentation de La Traviata, une courtisane comme elle. Vivian pleure quand Violetta chante. Puis, bien sûr, celle où elle revient avec Edward dans Rodeo Drive pour humilier toutes les vendeuses snobs qui l'ont jetée la première fois. Humilier, non, leur donner une bonne leçon. Sauf que cette leçon, son prince ne l'a pas encore comprise. Et que lui l'humilie aussi, l'imbécile, en lui proposant une garçonnière à New York. « Tu vois une autre solution ? » Ils sont tombés amoureux, mais lui ne tient pas à fendre toute l'armure, il veut bien marcher pieds nus, mais pas se pencher du haut de la terrasse. Vivian se dit qu'après tout, elle vaut quelque chose. Vivian veut plus. L'amour, le respect. Une place. Elle aimerait qu'il prenne l'épée de saint Georges pour vaincre ses propres dragons. Et lui, lentement, se dit qu'il n'est pas obligé d'être le salaud que sa famille a fait de lui.
La fin ? Happy. Une histoire de princesse dans une tour, vous voyez ? Pretty Woman est un joyau, un médicament qu'on peut s'enfiler à dose pas homéopathique du tout, le film doudou qui fait du bien parce que le sourire (combien a-t-elle de dents ? ) de Julia Roberts est un miracle, que le chemin que le prince Edward prend pour devenir un homme nous fait penser que tout est possible en ces temps post #MeToo. Que croire aux contes de fées, c'est du solide, et pas réservé aux filles, aux femmes, aux vieilles, aux Bridget Jones, mais à tous, aux hétéros, aux homos, aux transgenres, aux queers, à nous tous qui parfois osons prendre des risques. Comme celui de monter à une échelle, quand on a le vertige, pour offrir à sa belle (et à soi) le plus beau des cadeaux : devenir soi-même.
Retrouvez nos précédentes séances du film du dimanche soir :
« L'Homme de Rio » : quand « Bébel » fait le show
« Le Vieux Fusil » : le nazisme au lance-flammes
« Les Dents de la mer » : le Moby Dick de Spielberg
« César et Rosalie » : l'amour fou version Claude Sautet
« Les Aventuriers de l'arche perdue », un sacré coup de fouet !
« Le Grand Restaurant », un de Funès 3 étoiles
« Peau d'âne », et Jacques Demy créa la femme
« La Piscine » : l'amour en eaux troubles
« Le Samouraï » : Delon et son ombre
Prochaine séance: « Diamants sur canapé »
Merci d’avoir si joliment traduit ce que nous avons sommes nombreuses à avoir ressenti un jour en regardant ce ou ces films.
Qu’elles soient chef d’entreprise, profession libérale ou mère au foyer, les femmes gardent toute leur vie cette capacité à rêver et à pouvoir mentalement s’évader.
Pas toujours parce que leur quotidien est moche ou lourd à porter, mais parce que leur imaginaire et leur faculté à s’extraire du quotidien font partie d’elles mêmes.
Un peu comme chez les garçons le fait d’adorer shooter dans un ballon et de se prendre pour Zidane ou Mbappe !