« Les Rois de la piste », « Il reste encore demain », « Scandaleusement vôtre », « Dans la peau de Blanche Houellebecq »… Quels films aller voir ce mercredi ?

« Le Point » passe au crible cinq sorties en salle du 13 mars. Vous avez le choix entre trois comédies, un docufiction iranien et un happening avec Blanche Gardin et Michel Houellebecq.

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Ben Attal, Fanny Ardant et Mathieu Kassovitz dans Les Rois de la piste.
Ben Attal, Fanny Ardant et Mathieu Kassovitz dans Les Rois de la piste. © STUDIO OPALE - MANUEL MOUTIER

Temps de lecture : 8 min

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L'embarras du choix, cette semaine, avec trois comédies : une à la sauce française, Les Rois de la piste, avec Fanny Ardant en reine de l'embrouille et des combines ; une autre à l'italienne, Il reste encore demain (blockbuster transalpin avec plus de cinq millions de spectateurs) sur les violences conjugales et le réveil des femmes dans l'Italie post-fasciste ; enfin, la dernière à l'anglaise, Scandaleusement vôtre, ou la confrontation d'une bigote (Olivia Coleman) harcelée de lettres ordurières par un corbeau idéal, joué par l'actrice et chanteuse irlandaise Jessie Buckley, remarquée dans le joli film Wild Rose et la mini-série Chernobyl.

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Entre Ubu et Kafka, dans Chroniques de Téhéran, Ali Asgari et Alireza Khatami illustrent en neuf saynètes l'enfer quotidien des Iraniens confrontés à la bureaucratie et à la dictature. On finit par rire de tant d'absurdités. Enfin, si vous aimez le happening, le gros délire en roue libre, Dans la peau de Blanche Houellebecq, réalisé par Guillaume Nicloux, autrement dit le duo Blanche Gardin et Michel Houellebecq sous le soleil de Guadeloupe, est à prendre ou à jeter.

Les Rois de la piste ✭✭✭✭

Pour rire

Un cambriolage, des combines, des rebondissements et des fous rires : dans Les Rois de la piste, Thierry Klifa réunit autour de Fanny Ardant une belle brochette de saltimbanques, Mathieu Kassovitz, Nicolas Duvauchelle, Ben Attal, Lætitia Dosch et Michel Vuillermoz. L'histoire ? Les aventures d'une famille hors normes chez qui l'arnaque est un mode de vie, sa piste de cirque. Avec en chef de famille ou de bande Fanny Ardant, qu'il connaît bien pour l'avoir dirigée au théâtre.

Elle s'appelle Rachel, accessoirement cuisinière à domicile et surtout reine de l'embrouille qui vit dans sa fourgonnette ou squatte chez les autres. Une sorte de Ma Dalton autoritaire qui n'a peur de rien et joue sa vie comme une partie de poker. Pas de morale chez elle mais le goût du risque, juste pour l'adrénaline. Elle a élevé ses deux fils, Sam (Mathieu Kassovitz), Jérémie (Nicolas Duvauchelle), et son petit-fils, Nathan (Ben Attal), dans le culte des larcins et autres combines, souvent foireuses. Le premier joue au benêt et se bourre de médocs, le second cache bien son jeu et va surprendre tout le monde, et le troisième n'a pas digéré de faire de la prison après un cambriolage qui a mal tourné. Quant aux drôles de détectives incarnés par Lætitia Dosch et Michel Vuillermoz, ils sont là pour corser l'intrigue.

Dans cette joyeuse comédie familiale et policière, « il y a un zeste d'Agatha Christie d'un côté, et de l'autre, des sentiments, des émotions, des éclats de rire, des drames et une histoire d'amour », souligne Thierry Klifa, qui cosigne le scénario avec Benoît Graffin. De quoi jouer habilement sa partition, réserver des surprises et donner à ses rois de la piste de quoi nous surprendre, nous émouvoir et nous faire rire.

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Il reste encore demain ✭✭✭✭

Grande comédie à l'italienne

Rome, 1946. Delia (Paola Cortellesi) trime sans relâche pour sa famille – trois enfants et un beau-père alité. Aux difficultés liées à son extrême pauvreté s'ajoute la terreur de vivre sous le joug d'un mari violent (Valerio Mastandrea).

Avec de tels ingrédients, Il reste encore demain pourrait être un mélodrame suffocant. C'est tout le contraire : on est là face à un film drôle, ironique, qui croque ses personnages sur le mode de la caricature – façon Dino Risi – tout en soulignant sans complaisance les ravages du machisme ordinaire. On rit beaucoup, on a peur pour les personnages (formidable scène du repas de fiançailles de la jeune fille de la famille, qui risque à tout moment d'être gâché par un éclat du père), on s'étonne devant les trouvailles formelles : les scènes de violence sont transformées en ballets chorégraphiés car la réalisatrice refuse d'en filmer complaisamment le détail, préférant mettre en scène un rituel répété jusqu'à la nausée.

Plus de cinq millions d'Italiens sont allés voir ce film en noir et blanc, le faisant triompher de Barbie et Oppenheimer… Le signe d'une véritable soif d'affronter le sujet des violences conjugales. Avec ce film qui trouve le juste équilibre entre rire et larmes, Paola Cortellesi signe le retour de la grande comédie italienne, celle qui parle de la réalité.

Scandaleusement vôtre ✭✭

Plan-plan

Réalisée par Thea Sharrock issue du théâtre, cette petite comédie à l'anglaise, charmante, désuète, inoffensive, dans l'air du temps, féministe juste ce qu'il faut, s'adresse surtout aux femmes, tant les hommes, rustres, dominateurs et stupides, jouent ici les utilités.

Vite vue, vite oubliée. Par chance, elle est défendue par des actrices de choix : la paisible Olivia Colman (également productrice ici), inoubliable dans The Crown et The Father, et la volcanique actrice et chanteuse irlandaise Jessie Buckley, remarquée dans la mini-série Chernobyl.

Autant dire que, sur le papier, ce duo a tout pour faire des étincelles dans cette histoire – vraie – de corbeau dans une petite ville de Littlehampton, sur le littoral anglais, dans les années 1920. La pauvre Edith, la cinquantaine, fervente catholique qui vit encore chez ses parents, est harcelée de lettres anonymes ordurières qui la traitent de « Fesses de singe », de « Vieille putain dont la place est en enfer » et autres injures. De quoi être « shocking » et porter plainte contre une ancienne amie, sa voisine Rose (Jessie Buckley), veuve de la guerre 14-18 qui élève sa fille et a refait sa vie avec un soldat.

Elle a le profil idéal de la coupable : grossière, bagarreuse, insolente et performante dans la levée de pintes de bière. La voici jetée en prison mais innocente aux yeux d'une policière (Anjana Vasan), beaucoup plus futée que ses gros lourdauds de supérieurs… Entre deux tasses de thé, elle mène son enquête rondement et finit par confondre la vraie coupable qui est découverte aux deux tiers du film. Plus de suspense, une intrigue plan-plan et cousue de film blanc, le duo duel Oliva Colman/Jessie Buckley tourne vite en rond. On bâille jusqu'au « happy end » de rigueur.

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Dans la peau de Blanche Houellebecq ✭✭

Gros délire

Tout commence par une citation de Maryse Condé : « Le rire est le premier pas vers la libération. On commence par rire, on rit, donc on se libère. Donc, on peut combattre. » On ne demande que ça. Scène suivante : on se retrouve dans un appartement parisien. Michel Houellebecq discute avec le réalisateur Gaspar Noé qui lui propose un rôle de curé un peu lubrique dans son prochain film. Clope à la main, l'écrivain lâche, intrigué : « Pourquoi pas ? »

Débarquent alors une petite femme blonde et son neveu, Jean Pascal Zadi. On parle de dents. L'acteur s'est fait redresser les siennes – histoire de mettre fin aux petites réflexions – et Michel Houellebecq n'a pas mis son dentier. « Faudrait mettre un peu de Noirs dans vos livres, y'a beaucoup trop de Blancs », lance sérieusement Zadi à Houellebecq, qui comprend qu'il met trop de blancs dans les pages… Fin de la séquence.

Michel Houellebecq est ensuite invité en Guadeloupe. Blanche Gardin l'attend sur place. Les voici jurés à un concours de sosies de l'écrivain. Que font-ils ? Ils déconnent, crèvent de chaud dans une longue limousine conduite par un chauffeur sadique qui coupe la clim, picolent du ti'punch, absorbent des champignons hallucinogènes, se retrouvent menottés et donc ensemble aux toilettes, font de la plongée, s'interrogent vaguement sur le colonialisme, l'homme blanc, la place de la femme dans notre société, l'appropriation culturelle et l'indépendance de la Guadeloupe. Vous suivez ? Au passage, on rappelle l'abolition de l'esclavage en 1848, un chauffeur de taxi haïtien cite Chateaubriand et Victor Hugo, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, les poètes de la négritude, on voit des images des Békés, ces descendants d'Européens qui ont colonisé les Antilles, et l'arrestation du militant indépendantiste Luc Reinette, en 1987.

Michel a encore oublié de mettre son dentier. Il est accompagné d'un garde du corps, un peu mafieux et réac (impayable Luc Schwarz) qui se fait faire des tresses et autre chose par l'agent de Blanche Gardin. Avec son air d'enfant perdu, il se laisse materner par Blanche qui lui reproche vertement son débat avec Michel Onfray sur la fin de l'Occident. « Écrivez des livres et fermez votre gueule ! » lui lance-t-elle, avant de lâcher : « Ça ne m'intéresse pas de savoir ce que je pense moi-même. »

Dans l'esprit doux dingue de L'Enlèvement de Michel Houellebecq et de Thalasso, avec le duo Houellebecq-Depardieu, Guillaume Nicloux, fidèle à son style débridé, signe un happening délirant dans lequel l'humoriste et l'écrivain se demandent ce qu'ils font là. On rit un peu et on finit par se poser la même question.

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Chroniques de Téhéran ✭✭✭

La dictature sans visage

Présenté au Festival de Cannes, dans la section Un Certain Regard, Chroniques de Téhéran, film d'Ali Asgari et d'Alireza Khatami, dépeint en neuf saynètes l'enfer quotidien des Iraniens confrontés à la bureaucratie et à la dictature. Et la matière ne manque pas sous le régime des mollahs.

Au programme : un homme déclare la naissance de son fils dont le prénom choisi pose problème, une jeune femme conteste une contravention, une élève est accusée par la directrice de s'être fait déposer à l'école par un garçon, une jeune chauffeuse de taxi est accusée d'avoir conduit sa voiture sans foulard, un demandeur d'emploi doit prouver sa bonne pratique religieuse pour obtenir un emploi…

Originalité de la démarche : tous les personnages sont filmés en plan séquence face à l'autorité administrative ou de la personne invisible, en plan fixe. Effet garanti et implacable, forcément répétitif. Ce « hors-champs » accentue l'impression d'une mécanique froide, incapable d'empathie et qui enferme la société sur elle-même.

Mieux que des mots, les visages à l'écran en disent long sur un régime entre Ubu et Kafka qui se réclame de la puissance divine. Et dans ce docufiction, on en vient à rire… parfois.

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LES ÉTOILES DU POINT

✩✩✩✩✩ : Courage, fuyons

✭ : On ronfle

✭✭ : On bâille

✭✭✭ : On apprécie

✭✭✭✭ : On applaudit

✭✭✭✭✭ : On porte aux nues

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