« Dune », « Eureka », « Il n’y a pas d’ombre dans le désert », « Black Tea » et « Madame de Sévigné » : quels films voir cette semaine ?

« Le Point » passe au crible cinq sorties en salle de ce 28 février dominé par le spectaculaire « Dune », avec Timothée Chalamet, et « Eureka », un western chez les Amérindiens.

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Timothée Chalamet en messie inquiétant dans Dune : Deuxième partie
Timothée Chalamet en messie inquiétant dans Dune : Deuxième partie © Warner Bros.

Temps de lecture : 8 min

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Vous avez aimé le premier volet Dune, vous allez adorer Dune : deuxième partie dans lequel le réalisateur Denis Villeneuve et son armée de magiciens (du chef décorateur Patrice Vermette au chef opérateur Greg Frasier, en passant par le grand Hans Zimmer à la BO) inventent des formes et des sons qui vous donnent l'impression de vraiment voyager à des millions d'années-lumière.

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On voyage encore dans le temps, du XIXe siècle à nos jours, du Far West américain aux forêts d'Amazonie avec Eureka, western réaliste de l'Argentin Lisandro Alonso. Dans cette épopée poétique, il est question de la réserve de Pine Ridge (Dakota du Nord), d'une longue nuit de tempête, d'un cow-boy taiseux (Viggo Mortensen), d'une policière esseulée (Alaina Clifford), de sa nièce Sadie (Sadie Lapointe), coach d'une petite équipe de basket-ball, et du mal de vivre dans la communauté amérindienne. Mention spéciale aussi au film israélien de Yossi Aviram, ll n'y a pas d'ombre dans le désert, beau portrait de femme en quête de son passé jouée par Valeria Bruni-Tedeschi.

Enfin, il vous reste Black Tea, le mélo sentimental du cinéaste Abderrahmane Sissako, remarqué au Festival de Cannes 2014 avec Timbuktu, film choc sur le djihadisme au Mali. Ou Madame de Sévigné, drame historique basique avec Karin Viard dans le rôle de la comtesse qui rêve d'indépendance pour sa fille Françoise Marguerite jouée par Ana Girardot.

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Dune : deuxième partie ✭✭✭✭✭

Une réussite colossale et jamais vue

Pas de débat possible : s'il y a bien un film à ne pas rater cette semaine dans vos salles, c'est la suite de Dune. Toujours pilotée par Denis Villeneuve, cette sidérante fresque interstellaire de presque trois heures impose définitivement la méthode du Québécois appliquée au space opéra : voir très, très grand, penser intelligemment. L'action reprend exactement là où celle du précédent volet se terminait : dans une très lointaine galaxie et un futur tout aussi éloigné, le jeune Paul Atréides (Timothée Chalamet) et sa mère Jessica (Rebecca Ferguson) s'enfuient dans les régions reculées de la planète des sables Arrakis pour échapper aux troupes sanguinaires du peuple Harkonnen qui ont massacré son père, le Duc Leto, et toute l'armée Atréides.

Une boucherie ordonnée en secret par le machiavélique empereur Padishah Shaddam IV Corrino (Christopher Walken), afin de placer une nouvelle régence à la tête d'Arrakis, lieu de production unique dans l'univers d'une substance aux pouvoirs incommensurables : l'épice. Paul et Jessica s'allient aux Fremen, autochtones vivant en harmonie avec l'impitoyable nature d'Arrakis, pour préparer leur vengeance sur les bourreaux de la maison Atréides. Une prophétie prédit l'avènement de Paul comme nouveau messie des Fremen…

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Comme si le premier Dune, malgré ses grandes qualités que nous avions déjà saluées en 2021, n'avait été qu'une simple répétition, cette deuxième partie multiplie tous les enjeux par dix : esthétiques, dramaturgiques, technologiques… Véritable Lawrence d'Arabie spatial, ce monumental morceau de SF sans précédent vous laisse mâchoire pendante lors d'une succession de morceaux de bravoure aux images de synthèse confondantes de beauté. Le travail inouï et novateur sur le son rappelle celui du premier Star Wars en son temps et, comme si nos yeux ne suffisaient pas, Dune : deuxième partie inonde aussi nos tympans d'un appel à l'évasion salutaire après des années de navets prémâchés au rayon superhéros.

Pamphlet plus violent encore que le premier film sur le péril de l'alliance entre le politique et le sacré, histoire d'amour plus affirmée avec la montée en puissance de la relation entre Paul et la guerrière Chani (Zendaya), Dune : deuxième partie est sans doute à Dune ce que Le Parrain, 2e partie fut au Parrain. Ou L'Empire contre-attaque à La Guerre des étoiles. Un épanouissement, une éclosion, une épiphanie. Bref, un classique instantané du genre. Un spectacle total guidé par une vision d'auteur avec les recettes du blockbuster. Quel pied !

Dune : deuxième partie, de Denis Villeneuve (2 h 50). En salle le 28 février.

Eureka ✭✭✭✭

Western chez les Amérindiens

Ça commence quelque part dans le Far West, sur une route poussiéreuse, dans un noir et blanc sublime… Murphy (Viggo Mortensen), cow-boy taiseux et as de la gâchette, arrive dans une petite ville boueuse sur laquelle règne sans partage une mystérieuse cavalière, El Coronel (Chiara Mastroianni).

On entre dans Eureka – le nouveau film de l'Argentin Lisandro Alonso (Jauja, 2014) – par le western : un western réaliste, dépouillé de tout glamour, mais un western quand même. Bientôt, tout change : nous voici de nos jours, dans la réserve de Pine Ridge (Dakota du Nord) pendant une longue nuit de tempête. Alaina (Alaina Clifford), policière esseulée, et sa nièce Sadie (Sadie Lapointe), coach d'une petite équipe de basket-ball, tentent de survivre à la désolation ambiante, à la misère économique et psychologique qui ronge leur communauté de l'intérieur.

Lisandro Alonso nous guide dans un réseau enchevêtré d'histoires toutes liées à la condition des Amérindiens. On voyage du XIXe siècle à nos jours, du Far West américain aux forêts d'Amazonie. Une épopée poétique, une immersion sensorielle… une grande expérience de cinéma.

Il n'y a pas d'ombre dans le désert ✭✭✭

Le monde d'avant

« Qu'est-ce qu'il y a à raconter… Il n'y a rien à raconter », balbutie Laszlo (Jackie Berroyer) alors que sa fille aimerait tant savoir ce qu'il a vécu, enfant, pendant la Shoah. Dans ce beau film délicat, le réalisateur israélien Yossi Aviram cherche à surmonter cette impossibilité à dire et à faire éclore la mémoire, alors même que la génération des survivants disparaît petit à petit. Anna (Valeria Bruni-Tedeschi), la fille de Laszlo, est une écrivaine française qui suit à Tel-Aviv le procès d'un criminel nazi. Elle se confronte ainsi au passé de sa propre famille, à la question du trauma générationnel, Puis, elle rencontre Ori (Yona Rozenkier), un homme qui jure avoir connu avec elle une histoire d'amour vingt ans auparavant. Comme elle, il vient d'une famille de survivants, porte cette culpabilité et se sent écrasé par une souffrance venue des générations précédentes.

Avec délicatesse et porté par la belle interprétation de Valeria Bruni-Tedeschi, Yossi Aviram réussit ce portrait d'une femme en quête de vérité. S'ajoute à la mélancolie du sujet l'étrange impression de voir un monde d'avant puisque ce film a été tourné avant le 7 octobre…

Black Tea ✭✭

Méli-mélo sentimental

Dix ans de silence, excepté la création avec Damon Albarn (Gorillaz, Blur) d'un opéra, Le Vol du Boli, avant de reprendre le chemin du cinéma. Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako ménage sa filmographie dominée depuis le début (La Vie sur terre, 1998) par les problèmes de l'Afrique, l'immigration en Europe et les relations Nord-Sud (Bamako, 2006). Après son succès critique au Festival de Cannes et sept césars, dont celui du meilleur réalisateur avec un film à haute tension, le remarquable Timbuktu, sur la résistance au djihadisme au Mali, il est de retour avec un tout autre genre : le drame intimiste et utopiste.

Avec Black Tea, Sissako continue d'explorer des thèmes qui lui sont chers, l'exil, l'identité, et nous entraîne très loin, dans le quartier de Little Africa (Chocolate City) à Guangzhou, où vit la plus grande communauté africaine de Chine. C'est ici que vit Aya, une jeune Ivoirienne de trente ans qui, après avoir surpris tout le monde en disant non le jour de son mariage, part en Chine où elle va travailler dans une boutique d'exportation de thé avec un Chinois de quarante-cinq ans, Cai. Tous deux tombent vite amoureux, mais se heurtent vite aux préjugés et aux pièges du passé.

Cela faisait des années que Sissako pensait à ce film basé sur la rencontre de deux êtres que tout devrait séparer, la culture, les traditions, la couleur de peau. Il est comme le prolongement de son film de 2002, En attendant le bonheur (Prix de la critique internationale, dans lequel on voyait un Chinois immigré dîner avec une Africaine et se lancer ensemble dans un karaoké).

Avec Black Tea, il reste ici volontairement au niveau de l'humain, écartant d'emblée tout côté politique sur les relations commerciales entre la Chine et l'Afrique, sinon une allusion à la route de la soie. Mais on a bien du mal à le suivre dans les méandres d'une intrigue sentimentale confuse qui s'étire faute de rythme, accentuée par un montage maladroit et des scènes qui tombent à plat.

On a l'impression que Sissako se perd dans les effets esthétiques et abandonne en route ses personnages, mal définis et livrés à eux-mêmes avec des dialogues décalés, faussement poétiques, et des situations prévisibles. Faute de profondeur, l'histoire d'amour Nina Melo (Aya) et Han Chang (le maître de thé Cain) tourne vite au méli-mélo vite oublié, excepté la belle reprise par Fatoumata Diawara de « Feeling Good » de Nina Simone, chantée en langue bambara.

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Madame de Sévigné ✭✭

Manque de souffle

Pauvre Madame de Sévigné (Karine Viard) ! Veuve et heureuse de l'être, mère aimante et possessive, elle veut transmettre à sa fille, Françoise Marguerite (Ana Girardot), le goût de l'indépendance et de la liberté. Des idées qui émergent dans l'aristocratie et les salons en ce milieu du XVIIe siècle, même s'il est entendu qu'une femme doit prendre époux pour assurer son avenir. Ou bien trouver un arrangement et faire comme Mme de La Fayette (Noémie Lvovsky) qui vit séparément de son époux et écrit des romans.

Madame de Sévigné rêve donc de trouver à sa fille une place à la Cour. D'ailleurs, n'est-elle pas jolie, convoitée par Louis XIV qui tente même de la violer ? Pourquoi n'en fait-elle qu'à sa tête ? Ces deux-là ont bien du mal à s'entendre. Finalement, la rebelle épousera le comte de Grignan (Cédric Kahn), deux fois veuf et plus âgé qu'elle. Ce conflit familial est ici au cœur de la passion épistolaire de Mme de Sévigné, devenue écrivaine pour conjurer son tourment. C'est le parti pris de la réalisatrice Isabelle Brocard qui s'attache à montrer les ressorts d'un lien fusionnel toxique entre une mère et sa fille.

Construit à partir des fameuses lettres, tout est axé du point de vue de l'écrivaine, isolée devant son écritoire, enfermée dans sa demeure où elle passe sans cesse d'une pièce à l'autre, écrit au bord de l'eau ou sous un arbre.

Problème : le procédé a ses limites et tourne vite en rond. Ce qui réduit la dramaturgie à une série de péripéties sans suspense. Il ne suffit pas d'avoir des décors dans leur jus et de beaux costumes, une jolie photographie pour signer un film d'époque, encore faut-il avoir du souffle, voir large et sortir des plans serrés et du format restreint du téléfilm. Madame de Sévigné n'y parvient pas.

Faute d'ambition ou de budget à la hauteur, on a là un film moyen, heureusement sauvé par sa distribution, Karin Viard et Ana Girardot en tête, auxquels se joignent des comédiens qui s'imposent par leur seule présence, Cédric Kahn, Noémie Lvovsky et Robin Renucci (Monsieur de La Rochefoucauld).

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LES ÉTOILES DU POINT

✩✩✩✩✩ : Courage, fuyons

✭ : On ronfle

✭✭ : On baille

✭✭✭ : On apprécie

✭✭✭✭ : On applaudit

✭✭✭✭✭ : On porte aux nues

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Commentaires (2)

  • mireil

    Etrange film lent et assez peu bavard qu’il n’est pas vraiment facile de suivre. Que veut dire le heron present dans plusieurs scenes (la mort ?), je ne serais pas aussi enthousiaste que botre critique

  • Petit malin

    Je viens de voir Dune II en IMAX.
    Un bon film avec de superbes images, de l'action, de bons acteurs. Aucun regret, si ce n'est qu'il s'éloigne des livres, surtout dans son dernier quart. Ennuyeux pour qui les a lu, ou a vu l'ancien film, très fidèle aux romans d’Herbert.

    La "terra formation" de Dune, planète aride, pour en faire un "paradis vert" (promesse de Paul au Fremen) est escamotée. Le planétologue impérial Liet Kynes chargé de la chose, est absent. Et plus de déluge de pluie final qui clôturait l'ancien film... Une vague allusion de Stilgar au bassin d'eau cachés, "qui seraient des milliers sur la planète"...
    Le rôle de l'épice, indispensable pour les voyages spatiaux, est minimisé (on ne voit plus "l'aquarium" des navigateurs de la guilde spatiale).

    Muad'Dib n'a plus de "pouvoirs", bien mieux décrits dans l'ancien film et le livre. A peine utilise-t-il "la voix" en fin de film. Du coup je trouve que cela rend assez mal compte de la transformation du héros après avoir bu "l'eau de vie".

    Chani, sa compagne, s'éloigne de Paul pleine de ressentiments, ce qui n'arrive pas dans les livres. Si elle ne devient pas impératrice (Muad'Dib épouse effectivement la fille de l'Empereur pour des raisons politiques... ), elle reste sa concubine et sa femme de fait à ses côtés, et donnera naissance à des jumeaux, mourant en couche (Tome II).

    Que dire d'Alia, la soeur de Paul ?!
    Elle n'apparaît pas du tout dans le film (sinon sous forme de foetus), alors que dans "Dune", fillette, elle empoisonne le baron Arkonnen avec un dard, lors de la bataille finale alors qu'il est dans le vaisseau de l'Empereur. Cette scène était très bien restituée dans l'ancien film, pas du tout dans Dune II.

    Pourquoi ces écarts ? Je ne vois qu'une explication possible : introduire une troisième partie...
    Un bon film agréable à regarder, qui ne m'a pas paru trop long, et qui se tient pour qui découvre Dune sans connaissance de l'oeuvre originale, ou admet qu'on s'en écarte...